5 mai 2014, 9:16

BLACK STONE CHERRY : "Magic Mountain"

Album : Magic Mountain

- Et si on les tenait, finalement ?

   - "Qui ?" demandent-ils, interloqués.

- Ben ceux qui reprendraient la relève, fièrement, avec des couilles, de l'allure et du talent, tiens !

   - "Mais la relève de quoi ? La relève de qui ?"

- Andouilles. Abrutis. Fuckers. La Relève. LA RELEVE BORDEL ! La relève tant attendue, fantasmée, si désespérément. 

   - "Comprends pas".

- Vous êtes des nazes. 

L'honorable magazine britannique Classic Rock (une de mes sources élémentaires de recherche de disques depuis le n°1, fin '98) ne choisit en général pour sa couverture du mois qu'un ou deux jeune groupes PAR AN. Chez nos confrères anglais, la découverte d'une nouvelle cassette BASF d'une démo basic-tracks de LED ZEPPELIN à Headley Grange mérite systématiquement sa couv' avec dossier de quatorze pages et interviews des roadies. Ou encore la commémoration de la tournée "Flick Of The Switch" d'AC/DC, allez, douze pages de reportage from the inside. Blague à part, cet excellent et monumental magazine de référence, s'il n'oublie pas de favoriser chaque mois les groupes d'aujourd'hui et leur actualité, pousse rarement autant en avant ce qu'il considère, avec le métier, comme le gros potentiel de cette même RELEVE. Et ce mois-ci, leur flamboyante couverture consacrée à BLACK STONE CHERRY avec reportage gonzo à Edmonton, Kentucky, n'a rien d'opportuniste : les journalistes ont tout bonnement craqué pour ce groupe en qui ils placent donc tous leurs espoirs, après un numéro un peu alarmiste sur la mort imminente des géants du rock et sur leur impossible succession.

Alors, amis de l'ancienne garde et jeunes insolents, vieux râleurs nostalgiques et petits branleurs métalleux, voici de quoi vous aimer les uns les autres, avec ce qui pourrait ainsi être le pitch comparatif ultime : BLACK STONE CHERRY atteint les cimes ultimes avec "Magic Mountain", leur quatrième opus le plus abouti, ou la rencontre parfaite et alchimique entre le Classic Rock des 70's, et une vision moderne, dynamique et plutôt effrontée du heavy-rock d'une génération Y complètement décomplexée par le poids des ancêtres. Décomplexée, mais pas irrespectueuse, loin de là ! Les quatre garçons ont fait mijoter mille savoureux ingrédients dans leur chaudron magique : l'âme southern-rock de LYNYRD SKYNYRD (aussi bien l'ère sacrée mid-seventies que la trique retrouvée des deux derniers albums), la sexualité turgescente du "Pump" d'AEROSMITH, la classe impériale de LED ZEPPELIN, la lourdeur nécessaire de BLACK SABBATH, avec l'énergie positive d'ALTER BRIDGE, le metal graisseux de BLACK LABEL SOCIETY, la profondeur tourmentée de SOUNDGARDEN, la touche un peu sale et sleazy de BUCKCHERRY, mais aussi l'aspect un poil putassier du genre THEORY OF A DEADMAN ou du metal chromé radiophonique et inoffensif de leurs potes d'HINDER. MAIS avec beaucoup de personnalité, une digestion parfaite de toutes ces références, une fougue imparable, une énergie live rarement captée sur disque, et surtout un sens du songwriting particulièrement aigu.

Les BLACK STONE CHERRY n'ont d'ailleurs jamais été aussi excitant depuis qu'ils ne font pour ainsi dire quasiment plus de compromis : leur précédent opus "Between The Devil And The Deep Blue Sea" était bon, souvent très bon même, mais bien trop formaté NICKELBACK pour être réellement 100% honnête... D'emblée on sent ici que le ton a durci et que du poil a poussé sur les mentons des gosses : non seulement les poignets se sont musclés sur des riffs particulièrement costauds, mais ils ont été supervisés par Monsieur Joe Barresi (TOOL, QUEENS OF THE STONE AGE), un choix de production très étonnant mais pour le moins hyper efficace sur tout l'ensemble de ce quatrième album purement énorme, et qui, à une petite chanson et demie près, ne souffre d'aucune longueur ni de remplissage facile. Avec "Holding On... To Letting Go" qui ouvre "Magic Mountain", cette prod se montre en effet super heavy et musclée : cet up-tempo high energy rock'n'roll donnant donc le la, entre intro wah-wah typiquement Voodoo Chile et rythmique quasi-stoner : gros tube en puissance qui n'égalera pourtant ni le single évident "Me & Mary-Jane", ode bienvenue à la ganja avec talk-box et refrain qui tue, ni "Dance Girl" qui pourrait franchement remplacer le "Crazy Bitch" de Buckcherry comme hymne définitif des strip bars, fort longtemps après un certain "Girls, Girls, Girls", ici dans la droite lignée de leur précédent hit "Blame It On The Boom Boom". Autre ambiance : si Cliff Burton avait jadis grandement initié METALLICA à LYNYRD SKYNYRD, voici ce que cela donnerait si en sus Rob Zombie et ses coquins venaient jammer sur des sessions du "Black Album" : boum, "Fiesta Del Fuego" pourrait idéalement incarner la bande-son de la future série que Robert Rodriguez met en place, adaptation de son propre "From Dusk 'Til Dawn" -à suivre ! Sinon les inconditionnels du premier album retrouveront bien les inévitables power-ballads pour cow-boys on the road, bien couillues et viriles comme du Bob Seger reprit par James Hetfield (l'excellente "Blow My Mind"), voire plus sudistes, hantées et poussiéreuses ("Sometimes"), ou autres power-songs électro-acoustiques sympathiques entre potos ("Hollywood In Kentucky"). Non seulement tous ces morceaux sont-ils incroyablement accrocheurs (voire même bourrins ? "Never Surrender" ne fait en effet aucun compromis, bien énervé comme du STONE SOUR de la bonne époque !), mais les musiciens ont atteint un niveau de jeu ahurissant, ainsi qu'une immense confiance en eux -Chris Robertson étant tout particulièrement convaincant, avec une voix proche d'un Chris Cornell amplement plus buriné et traité au Jack Daniels -from Kentucky, you got it. 

Bon, il ne leur manque que deux trois choses, au final : peut-être canoniser quelques groupies à l'aide de squales boueux de taille raisonnable, balancer quelques écrans plats de la fenêtre de leurs piaules -moins drôles car non-cathodiques, et donc ridiculement peu explosifs-, et surtout s'acoquiner avec le Malin, s'enveloppant ainsi dans un joli nuage de soufre et enfin créer une bonne aura mystérieuse, à l'ancienne. Ce qui est hélas trop peu probable, les jeunes gens étant plutôt copains avec le bon Dieu : si les filles n'auront donc pas le cul boueux, ces culs-terreux sont donc aussi des culs bénis et manquent ainsi leur chance de bientôt voler la vedette à LED ZEPPELIN, à deux doigts de réexploser médiatiquement avec leurs rééditions. Et c'est aussi un peu ce qui manque aujourd'hui, non ? Du sexe, de la drogue, et du rock 'n' roll - la relève est peut-être là, mais bien trop sage...

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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