16 juin 2014, 10:19

YES : "Heaven & Earth"

Album : Heaven & Earth

Oui, YES est encore debout, après plus de quarante ans de loyaux (à défaut d’être toujours bons) services. « Fly from Here », avant dernier effort, démontrait d’ailleurs que la bête bougeait toujours, malgré le départ de Jon Anderson, chanteur historique. Mais voilà, cet album n’avait surtout d’intérêt que pour sa grande pièce éponyme, écrite il y a 30 ans avec les deux ex-BUGGLES : Trevor Horn (immense producteur à succès depuis) et Geoff Downes (clavier fondateur du groupe ASIA). Les autres morceaux ne tenaient debout que grâce à l’ingéniosité de Horn. Certains pensaient que c’en était fini de Yes et que cet album, point d’orgue plutôt élégant, serait leur chant du cygne mais que nenni.

La bande de Chris Squire décida au contraire d’aller recruter un remplaçant au remplaçant de Jon Anderson, un certain Jon Davison, et de continuer à composer. Davison était également  censé apporter du sang neuf à un groupe qui en a cruellement besoin depuis le départ de Trevor Rabin. Mais voilà, une écoute même distraite de ce nouvel opus suffit à convaincre que n’est pas Trevor Rabin qui veut. Si Davison parvient tout juste à convaincre dans l’imitation de la voix de son maître, au niveau des compositions, c’est une toute autre histoire. Ce qui frappe surtout d’emblée, c’est l’absence totale de filiation avec le YES historique, toutes époques confondues. Davison semble avoir été davantage bercé par SUPERTRAMP (« Light Of The Ages »), Crosby Stills & Nash (les harmonies vocales de « It Was All We Knew ») ou même par les BEATLES (« Living In a World Of Our Own ») et on a peine à croire qu’il ait déjà écouté « Relayer », ou « 90125 », même en faisant la vaisselle. Ce ne serait pas une tare, loin de là, si l’inspiration était au rendez-vous...

« Believe Again », dont les sons de claviers évoquent « Drama » (premier album sans Jon Anderson sorti en 1980), est une entrée en matière plutôt judicieuse mais la comparaison ne fait pas long feu. En parlant de claviers, ceux de Downes évoquent d’ailleurs beaucoup plus le ASIA dernière période que n’importe quel disque de YES jusqu’alors (« Subway Walls »). Sans même parler de ces affreux sons rescapés des années 80 (« Step Beyond »). On a beaucoup de mal à faire la filiation avec le YES classique et même le dernier titre, le plus ambitieux, n’évoque jamais la grandeur passée.

Alors certes, on est loin de la catastrophe crainte (et du désastre d’un « Open Your Eyes »), il y a même quelques moments de grâce (« It Was All We Knew », « To Ascend »), mais ils sont hélas noyés au milieu d’autres morceaux au mieux médiocres (« The Game »), au pire carrément embarrassants (« Step Beyond »). Bref, ce nouveau YES est un album sans relief ni ambition. Il s’apparente davantage à un recueil de chansonnettes, très structurées couplet / refrain / couplet / pont pour la plupart, pas foncièrement désagréables mais poussives et assez quelconques, qu’à un disque dans la lignée de ceux sortis jusqu’en 1994. Les irréductibles, en étant très indulgents, y entendront sans doute quelques échos de la période pop du groupe mais dans une version édulcorée, bancale et anémiée. Quant aux fans historiques, ils passeront leur chemin, si tant est qu’ils n’aient pas déjà quitté le navire il y a belle lurette. On s’interroge alors sur la pertinence de ce « Heaven & Earth » qui semble maintenir YES en vie d’une manière totalement artificielle. Cela s’apparente en effet davantage à de l’acharnement thérapeutique qu’au principe fondateur du serment d’Hippocrate.

Blogger : Pierre Graffin
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Pierre Graffin
Un samedi de 1983, un concert diffusé aux "Enfants du Rock", sur Antenne 2 (cela ne nous rajeunit pas !) : une tournée de GENESIS, celle de l'album où figure "Mama", titre qui fut élu, en son temps, le plus "heavy" de l'année par la presse "hard rock" (le terme "metal" n'était pas encore tellement de mise !) unanime. J'ai su, ce soir-là, ce que j'avais toujours voulu entendre sans jamais pouvoir le définir. A suivi une longue quête, éternellement inachevée, du "Saint Graal" musical. HARD FORCE, avec BEST puis, plus tard, ROCKSTYLE, furent autant de bibles pour moi dans cette soif de connaissance. C'est grâce à eux, notamment, que mes goûts, d'abord très "prog'" s'élargirent à d'autres horizons, du hard mélodique à des répertoires plus "heavy". Ce sont eux, aussi, qui m'ont inculqué l'envie d'écrire pour la musique (ROCKSTYLE, PROGRESSIA...).
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