Satanisme. Films de la Hammer en VHS. Bongs de marijuana. Aiguilles souillées. Vestes denim et cuirs puants. BLACK SABBATH. Cimetières anglais. Psychédélisme occulte. Drogues dures. Messes noires. Snuff movies. Rituels païens. Misanthropie. Pluie glaciale. Pornographie crade. Aleister Crowley. Goudron. Légendes & marécages. Doom. Délinquance. Ténèbres. H.P. Lovecraft. Failles abyssales. Désespoir. Edgar Poe. La Malédiction.
Paint it fucking black, man…
Voilà ce qu’évoque l’univers particulièrement malsain des Anglais ELECTRIC WIZARD, fils légitimes et musicaux de BLACK SABBATH, le satanisme en sus : si Iommi, Ward, Butler et Osbourne n’ont fait que suivre un gimmick développé par leur maison de disque se basant sur l’aspect lugubre de leur musique et certaines paroles d’épouvante cheap, le groupe de Jus Oborn puise sa sève dans le doom malade des aînés et en la recouvrant d’une épaisse mélasse luciférienne hardcore. Si tout est cliché, rien ne sonne faux : leur haine, leur dévotion maladive aux émotions impures et au misérabilisme sont d’une rare et palpable authenticité, et leur succès croissant va de pair avec l’humeur ambiante, faisant d’ELECTRIC WIZARD le groupe le plus opaque et terrifiant de notre époque.
Succédant au terrible « Black Mass », ce huitième album ne transgresse aucunement la formule du précédent, reposant sur ces longs morceaux monolithiques et suffocants : « I Am Nothing » en est la meilleure définition avec ses 11’31 d’une noirceur rarement égalée, sommet de violence tourmentée et de misanthropie contenues dans cette chape redéfinissant une énième fois le concept de "heavy". Peut-on ainsi davantage en matérialiser l’essence ? Atteignant le dernier seuil physiquement tolérable de douleur, une once minime de pression supplémentaire dans cet acharnement à l’écrasement empêcherait tout humain d’en ressentir les effets, puisque son corps, ses os, sa chair et ses cellules seraient inévitablement réduits en purée rougeâtre.
Si ELECTRIC WIZARD n’est visiblement capable de faire mieux que son indispensable chef d’oeuvre « Dopethrone » datant déjà de 2000, au moins perpétue-t-il une formule assez simpliste mais effroyablement asphyxiante, broyant instantanément toute notion de joie, de santé mentale, d’optimisme, d’utopie et d’oxygène en un maelström funèbre, aliénant et carrément mortifère. D’ailleurs, « Time To Die », folks : il est l’heure de mourir, et rarement un album ne sentait autant la faucheuse. Si ELECTRIC WIZARD cultive et décline évidemment les bases fondées par les cinq premiers albums de BLACK SABBATH, il injecte en intra-veineuse une sacrée dose de sludge rouillé à ses processions doom traditionnelles - ainsi, sous ce rouleau-compresseur lent et maudit, gravitent les ombres « musicales » de BONGZILLA, RAMESSES, ACID BATH, WEEDEATER, SONS OF OTIS ou EYEHATEGOD, tous maîtres du genre et partageant la même noirceur absolue, bien davantage que les plus traditionnels TROUBLE, SAINT VITUS, CANDLEMASS ou CATHEDRAL qui, en comparaison, semblent éminemment plus lumineux et accessibles que ce nouveau monolithe difficilement digeste.
Instillant un psychédélisme 60’s broyé par le prisme d’un trou noir absorbant toute vie (« Funeral Of Your Mind »), le propos des Anglais du Dorset reste inlassablement le même tout au long d’un album risquant parfois de se répéter, mais insistant bien sur ce laminage rigoureux, processionnaire et goudronneux de nos âmes fragiles, dont « We Love The Dead » est l’étendard pestiféré. Les vocaux lointains et malades de Jus Oborn, noyés dans le spectre et le mix, infligent ses litanies morbides, loin loin loin derrière cette muraille vertigineuse et en lent mouvement cimenté par une basse ronde et tellurique, à laquelle se mêle la guitare de Liz Buckingham, sorcière de la SG, héritière de Tony Iommi, réincarnation voodoo de la chanteuse des occultes COVEN, et architecte angélique des riffs les plus sombres et apocalyptiques du groupe, accessoirement muse et partenaire d’Oborn - soit le couple le plus diabolique de l’underground.
Avec plus de dix minutes d’attaque putride et apathique, « Incense For The Damned » invoque les démons et les laisse pénétrer vos âmes en un long laminage des sens, comme l’extraordinaire « Black Mass » s’en était précédemment chargé il y a déjà quatre ans. « Black Mass » dont « Sadiowitch » reprend ici sans vergogne le motif ; « Lucifer’s Slaves » reprend avec haine et conviction les danses païennes du « Volume 4 » de SABBATH… tandis que « Destroy Those Who Love God », brouhaha foutraque mêlant une vague litanie sépulcrale jouée sur un orgue aussi lointain qu’oppressant et extraits radio parasités, serait-il, en lisant entre les lignes, une solution et un appel à la paix dans le monde ?
La seule solution repose fatalement dans le néant et donc la mort, thème final dont « Funeral Of Your Mind » est le catafalque définitif. Mais après ? Le prochain ELECTRIC WIZARD aura-t-il trouvé la paix à ses tourments ? Après l’exorcisme, la sérénité, la délivrance ?