6 octobre 2014, 15:52

ORANGE GOBLIN : "Back From The Abyss"

Album : Back From The Abyss

Affilié depuis longtemps à la simple nébuleuse stoner et même hissé héraut de la scène anglaise du genre depuis leur premier album « Frequencies From Planet Ten » en 1997, ORANGE GOBLIN est de toutes façons suffisamment éloigné du désert californien pour oser s'en inspirer aussi copieusement que tant d'autres. De Londres, le désert le plus proche est celui des Bardeñas en Espagne - et ils préfèreront de toutes façons goûter à la lourdeur poisseuse des ambiances des friches industrielles de la région des Midlands, et ainsi revendiquer l'héritage de leurs plus proches racines, BLACK SABBATH - c’est plus qu’évidemment un hommage que leur offre les quatre anglais avec l’introductif « Sabbath Hex » : on sait que Ben Ward, double-poumon goudronné du gobelin orange, est un fanatique acharné du groupe embryonnaire de Birmingham, auquel il doit chacun de ses chromosomes.
Depuis huit albums, leur progression est plus qu'honorable : de ce stoner très convaincant et mâtiné de psychédélisme et autres assaisonnements psychotropes lors de débuts plus consensuels, ORANGE GOBLIN s'est débarrassé de toutes boursouflures inutiles et ne garde ainsi que la substantifique moelle de leur moteur. On parlera aujourd'hui davantage de biker-rock bien gras et lourd, dominé par une autre mamelle majeure de leur son : MOTÔRHEAD. Et comment ne pas entendre d'échos à « Ace Of Spades » sur le très efficace et frondeur « The Devil’s Whip ».
Des morceaux uppercuts dans la veine du groupe de Lemmy, mâtiné d’une bonne dose de hardcore US originel type BLACK FLAG (« Bloodzilla »), le groupe se rapprochant ainsi des vieux CORROSION OF CONFORMITY ou bien sûr SAINT VITUS, avec lesquels ils sont actuellement en tournée européenne. Mais ORANGE GOBLIN lorgne aussi du côté de la NWOBHM, une autre facette de leurs inspirations britanniques majeures, avec un « Mythical Knives » aux atmosphères assez étonnantes et épiques.

Sur une introduction posée comme un nouveau salut respectueux à la basse de Geezer Butler, « Into The Arms Of Morpheus » repose sur une lente montée stoner blues, avant d’incarner ce monstre de heavy gras et traditionnellement lourd comme de coutume, rampant et hypnotique, évoluant vers un pur boogie sabbathien, puis un final en forme de jam étonnamment plus funky - assurément l’un des points d’orgue de ce huitième album.

Si leur musique fonctionnerait idéalement comme B.O. exclusive à toute une saison de "Sons Of Anarchy" dans le décor aride, poussiéreux et dangereux de la Californie, ORANGE GOBLIN conserve une identité typiquement anglaise, emprunt d’une très forte personnalité, à l’abris de la moindre concession, simple et terre à terre, sans la moindre esbroufe, se contentant ici de perpétuer ce stoner-biker-rock comme s’ils jouaient toujours dans des back-rooms de repères de gangs de motards ou sous les plafonds bas de quelques vieux pubs défraichis du West End. Putain ça rocke très sévèrement, aussi basique soient-ils : « Ubermensch », « Demon Blues », tandis que « Blood Of Them » se montre plus enclin à s’aventurer sur le terrain de MASTODON, la sophistication étant toutefois très relative…
Il semble évident que les Anglais ne cherchent en rien à révolutionner le monde du heavy-rock ni à expérimenter : la recette est ainsi immuable depuis deux albums, si ce n’est que la production bénéficie d’un traitement toujours plus dynamique et rendant honneur à leur puissance live. Les Londoniens ont à nouveau fait appel au producteur Jamie Dodd, en reprenant la formule de leur précédent album « A Eulogy For The Damned » qui les a considérablement hissé un cran largement au-dessus de leur statut précédent, faisant d’ORANGE GOBLIN l’un des groupes britanniques les plus respectés du circuit, imposant inlassablement leur heavy-rock sur les routes, conquérant fans après fans lors d’innombrables concerts fiévreux.

Peut-être l’album s’avère-t-il trop long d’une ou deux chansons et aurait davantage gagné en efficacité frontale en étant sensiblement plus dense, même s’il reste aéré et assez varié : « Back From The Abyss » n’est pas encore complètement un chef d’oeuvre, mais déjà un splendide album largement au-dessus des productions du genre, et qui devrait définitivement répandre le nom d’ORANGE GOBLIN dans tous les esprits. En conclusion, « The Shadow Over Innsmouth » s’impose comme le deuxième instrumental (avec « Titan »), venant ici définitivement achever et plomber l’ambiance avec cette célébration doom lovecraftienne à la CATHEDRAL, encore une signature 100% britannique.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK