L’attente fut interminable, insupportable, insurmontable. Ouais, enfin presque. Oh non, nous n’étions pas si impatients que ça de voir arriver un énième best of ou greatest hits - c’est déjà le troisième après « The Ozzman Cometh » en 1997, ainsi que le très sobre et générique « The Essential » en 2003 ; on passera sur les « Best Of Ozz » japonais et « Ten Commandments » américain en 1989 et 1990… D’autant qu’en 97, le premier présentait certains inédits de BLACK SABBATH et un morceau tout neuf. Ici, la simple compile « Memoirs Of A Madman » s’adresse - comment dire ? - à quelqu’un qui découvrirait là, maintenant, tout de suite, aujourd’hui seulement Ozzy Osbourne et chercherait à n’avoir sous la main que ses tubes les plus éloquents et représentatifs.
D’autant qu’en terme d’anthologie complète et salivante, le clan Osbourne avait déjà fait très très fort en 2005 avec la box quadruple CD « Prince Of Darkness », méga-best of rehaussé de toutes les B-sides, inédits, démos, lives rares et curiosités enfin réunies sous la forme d’un beau grimoire médiéval.
Grimoire dont on retrouve ici l’esprit et l’esthétique, mais qui ne comblent aucunement la pauvreté intrinsèque de ce petit 17 titres aux allures de sampler vite branlé sans le moindre petit bonus à se mettre sous la dent. Et pourtant, des inédits, il y en a...
NON. PAR CONTRE, la claque que nous infligent Sony et l’entreprise Sharon Osbourne réside dans l’option visuelle de cette campagne anthologique, renfermée dans un splendide digipack à l’écrin bosselé et doré : enfin, « ENFIN !! » paraît ainsi l’intégralité des vidéo-clips d’Ozzy Osbourne en solo, soit 28 clips cultes ou parfois inconnus et absolument jubilatoires. Cela faisait DES années que j’attendais personnellement un tel objet, tous les grands artistes ayant déjà vu leurs oeuvres vidéo compilées depuis des lustres - et il y en a un paquet, de MÖTLEY CRÜE à METALLICA en passant par AEROSMITH, IRON MAIDEN ou JUDAS PRIEST, aux grandes heures du format DVD. Au point que je projetais presque d’harceler le bureau de Sharon avec d’incessants coups de fil en lui demandant : « Maman, quand est-ce qu'allez-vous vous atteler à sortir toutes ces merveilles pour les fans ?». Et maman nous a enfin entendus. « Memoirs Of A Madman » est la réponse à bien quinze années d’espérances folles, heureusement récompensées par la présence des trois derniers clips de sa carrière solo issus de « Scream » en 2010. Seule interrogation légitime : où est passé le clip de « Shot In The Dark », l’un de ses plus grands tubes en 1986 ? Il est le seul absent de ce premier DVD qui recense pourtant tous ces moments vus des centaines de fois auparavant : le premier, « Bark At The Moon », en 1983 avec Ozzy en loup-garou, le grotesque « So Tired » en 1984, le non-moins ridicule mais hilarant « The Ultimate Sin », le fabuleux « Miracle Man » en 1989 (qui oserait aujourd’hui remplir une église, encore moins une mosquée, avec des dizaines de porcs en se moquant d’un télévangéliste ?), le splendide « No More Tears », l’excitant « Gets Me Through » (seul morceau jouissif du pauvre « Down To Earth » en 2001), ou encore le dernier « Life Won’t Wait » réalisé par son fils Jack Osbourne en 2010… Sans parler des autres clips très méconnus pour des morceaux jamais sortis en single comme par exemple « Mr. Tinkertrain »… D’autant que la plupart de ces merveilles bénéficient d’une réalisation, d’une inventivité et d’une certaine sophistication, certains étant de réels bijoux artistiques, innovants et créatifs.
En tant que collectionneur acharné depuis plus de 25 ans et possédant des DVDs pirates par dizaines (certains regroupant tous les passages TV d’Ozzy en solo), la présence d’un second DVD « Performances and Interviews » me titillait encore davantage. A l’instar des prodigieux DVDs de LED ZEPPELIN ou de KISS (la triple série des « Kissology »!), Ozzy nous ouvre enfin une partie de ses archives. Une infime partie, certes, mais déjà une jolie introduction à des images assez rares. Tout d’abord, les seules vidéos professionnelles connues de Randy Rhoads, enregistrées dans un petit studio anonyme de la télévision locale new-yorkaise en 1981, soit un mini-live comprenant « I Don’t Know », « Suicide Solution », « Mr. Crowley » et « Crazy Train », tous cependant déjà disponibles dans le DVD bonus du méga-coffret collector du 30ème anniversaire de «Blizzard Of Ozz » et « Diary Of A Madman » en 2011. Ensuite, ce rare footage de la tournée « Diary Of A Madman » (assez mal) filmé pour MTV à Albuquerque en 1982, avec ce « Over The Mountain » en entier mais hélas handicapé par l’angle d’une seule caméra sur le côté droit de la scène devant Rudy Sarzo à la basse, occultant presque entièrement la présence de Randy Rhoads - fort regrettable : si personne n’est devin, Randy allait disparaître deux mois plus tard...
L’une des très grosses surprises est cet extrait pirate d’un des deux shows donnés au Ritz de New-York en septembre 1982 pour l’enregistrement contractuel de « Speak Of The Devil », live ne reprenant que des classiques de BLACK SABBATH avec Brad Gillis à la guitare, dont le « Fairies Wear Boots » est ici capté depuis les balcons de ce minuscule club.
On retrouve cependant bon nombre d’images bien connues, tels les nombreux morceaux issus de la home-video « The Ultimate Ozzy » en 1986 (cinq titres ici, dont ce fantastique « Killer Of Giants » avec Jake E. Lee !), ces quatre chansons tirées d’un concert de Philadelphie en 1989 pour un programme payant diffusé en direct sur le câble lors de la tournée « No Rest For The Wicked », la toute première avec Zakk Wylde ! Mais aussi cinq titres capturés à San Diego en 1992 sur la tournée « No More Tours » et dont de nombreux plans ont servi pour monter le concert traficoté de la home-video « Live And Loud » en 1993. Grandes, très grandes prestations de Zakk Wylde, de Mike Inez (futur ALICE IN CHAINS !), du regretté Randy Castillo et d’Ozzy qu’on a alors jamais autant connu en forme, musclé, athlétique, vif, cinglé et chantant très juste - tel qu’on a pu le voir à Paris à la Cigale en mars de la même année.
Toutes ces images sont entrecoupées d’extraits d’interviews diverses, le fil rouge étant le « Bunker » (à savoir Ozzy chez lui, dans sa bibliothèque, et non pas dans son Bunker, à savoir son propre studio d’enregistrement), mais également des bouts de conversation en 1982 quelques jours après la mort de Randy Rhoads, en 1984, en 1991, en 1992, etc, etc.
Certains images inédites nous comblent de bonheur, tel ce « Bark At The Moon » enregistré au Marquee Club de Londres en 1991, des reportages des sessions d’enregistrement de « Ozzmosis » en 1995, ce « Perry Mason » issu de la toute première Ozzfest de 1996, et enfin, GROS GROS plaisir personnel : ce « Let Me Hear You Scream » filmé au Roundhouse de Londres, légendaire club intimiste de Camden, où Ozzy donna un concert aussi rare qu’exceptionnel en juillet 2010 dans le cadre de l’iTunes Festival auquel j’ai pu assister, restant dans la fosse aux photographes devant le pied de micro du chanteur. Un grand moment, assurément l’un des deux meilleurs shows d’Ozzy que j'ai vécu parmi d’innombrables autres - SABBATH ou solo - et formidable souvenir en qualité pro ici disponible !
Il reste encore de nombreuses surprises ci et là au menu de ce fantastique DVD, et l’on rêve bien évidemment à une suite, comme ce qu’a donc pu entreprendre KISS il y a quelque temps ; parce que, croyez-moi, des images incroyables d’Ozzy, à chaque époque de sa carrière solo, IL Y EN A !!!
Pour l’heure, quatre heures trente d’images complètement craaaazyyyyy qui viendront régaler les fanatiques du Madman, et rappeler aux moqueurs et sceptiques qu’Ozzy est loin d’avoir toujours été ce vieillard sénile que l’on aime tant dépeindre aujourd’hui : remémorez-vous donc « No More Tears » en 1992, ou replongez-vous dans la magie vintage de la scénographie de 1982...
Merci maman Sharon, merci Sony de nous offrir enfin ces témoignages !