12 novembre 2014, 10:38

Slash feat. Myles Kennedy and the Conspirators + MONSTER TRUCK @ Paris (Zénith)

Quitte à se sentir un peu gauches et mal à l’aise sur cette trop grande scène, les Canadiens MONSTER TRUCK ont méchamment assuré ce soir et remporté l’adhésion d’un public déjà bien présent, répondant au-delà de la politesse au classic southern hard-rock de ces quatre gars de l’Ontario. Suivis depuis leur « Brown EP » en 2011, puis leur fabuleux album « Furiosity » qui enterre à lui tout seul les deux derniers albums de LYNYRD SKYNYRD, et enfin vus deux fois l’an dernier à Hambourg et Berlin en première partie de VISTA CHINO dans des salles qui leur allaient bien mieux, MONSTER TRUCK est un nom à retenir, un des ces groupes de l’acabit de WHISKEY MYERS ou bien sûr BLACKBERRY SMOKE dans leurs rôles de grands passeurs de tradition classic-rock avec des morceaux aussi monstrueux que « For The Sun » ou ce « Sweet Mountain River » que l’on jurerait avoir entendu en 1976.

Le Zénith de ce soir est quasiment plein, comme le sera apparemment celui du lendemain, le 13. Evidemment, l’attente autour de Slash est phénoménale : s’il vient plus que régulièrement nous rendre visite, l’engouement est de plus en plus fort autour de la légende. Ou bien est-ce l’expression du besoin de "souvenirs", de "nostalgie" et de crise aigüe de la quarantaine - qui nous guette, là, maintenant, de suite, ah, sale bête.


Parce que l’on commence un petit peu à croire qu’en effet le rock’n’roll est en train de devenir un musée vivant - une théorie déjà avancée depuis longtemps par certains. Pas trop de poussière car en déplacement constant, mais bien un mausolée de vieilles reliques que l’on vient admirer et s’accaparer le temps de quelques instants d’exclusivité universelle, des pintes à 7 euros en guise de suppléments audio-guides. Aller voir Slash en 2014, c’est tenter un petit trip en arrière, une immersion dans une capsule spatio-temporelle qui vous / nous ramène à vos / nos années lycée en 1991 lorsque « Use You Illusion » volets 1 et 2 cartonnaient partout - ET MEME EN FRANCE.
Slash est un immense guitariste, mais il est avant tout porteur de cette iconographie, de cet esprit, de cette culture, de ces souvenirs et de cette attitude du premier et dernier grand groupe de rock’n’roll dont notre génération sacrifiée a très brièvement été le témoin, ici aussi, sur le sol français.

En petits experts, rock critics, esprits affûtés et autres observateurs exigeants, l’on ne peut s’empêcher d’émettre des avis qui nous chagrinent nous-mêmes. Loin de vouloir passer pour des cons de blasés, on commence à avoir vu un paquet de concerts, et notamment un certain nombre de Slash. Et si l’on VEUT rester à chaque fois enthousiaste et excité, pour la première fois ce mercredi 12 novembre quelque chose a vraiment cloché. A merdé. Something has really fucked up. 


Et d’où la théorie du musée : ce soir, personne n’en avait RIEN A FOUTRE de l’expo temporaire - on parle ici du dernier album de Slash, « World On Fire ». Ouaip. Bien calé deux mètres à droite de la console de mixage, les yeux rivés sur la scène tout en jugeant des réactions de la fosse en contre-bas, la constatation est grave, mais évidente : dès que le groupe décoche des morceaux tels que « Beneath The Savage Sun », « Automatic Overdrive » ou « Avalon », l’intensité retombe d’un bloc, grave, abyssal ; à peine sent-on le moindre soubresaut de deux ou trois fans transis et candides, là, parmi tous ces milliers de quadras statiques et patients. 
En rédigeant cet été différentes chroniques relatives à la sortie de « World On Fire », je ne peux alors cacher ma déception, voire mon ennui. 17 morceaux, au moins la moitié de remplissage et quelques titres plus ou moins forts qui ne sont même pas de taille à rivaliser avec ne serait-ce que son premier album solo « Slash » en 2010. Tailler pour tailler n’est qu’un exercice réservé aux aigris - dire la vérité, ce que l’on ressent, avec honnêteté et discernement, sur un artiste que l’on AIME tant depuis 25 ans, est parfois dur, très dur, à la hauteur de la déception - voilà les grandes lignes écrites ci et là : « ce troisième opus s’avère hélas bien trop lisse et sans hits majeurs », « on aurait peut-être préféré que tout cela se montre finalement moins sage et moins under control », ou encore « peut-être, oui, aurions nous fantasmé sur un disque où Slash foute vraiment le feu ». 
Terrible : tous mes avis sur l’album valent désormais pour ce concert, alors que le précédent il y a exactement deux ans, nous avait tous enflammé.


Le constat est donc d’une rare limpidité : les gens, vous, toi, moi, nous, étions tous là, dans les starting blocks prêts à déchainer toutes les fibres de nos corps aux sons des « Nightrain » (en deuxième position !) ou l’excellent « Fall To Pieces » pour compenser ce terrible ennui éprouvé sur la bonne moitié d’une set-list teeeeeeeellement inégale ce soir — la grande majorité du public étant de toutes façons venue s’encanailler sur les tubes de GUNS N’ ROSES, ou même VELVET REVOLVER, dont les deux extraits suffirent largement à nous combler. Pourtant, même « You Could Be Mine », dont l’intro a suscité une vive exclamation, n’a pas eu l’effet escompté, interprété sans grandes convictions. Quant à « Rocket Queen », l’un des douze morceaux les plus excitants de la carrière de Slash, est retombé comme un soufflé : en lieu et place de l’orgasme mythique en plein break central, nous avons eu droit à un solo d’un QUART D’HEURE : sympathique et bluesy, puis chiant, puis mieux, puis re-chiant, puis re-mieux, puis vraiment, mais alors vraiment chiant, alors qu’il se laissait trainer sur des dizaines et dizaines de mesures par cette rythmique basse/batterie tissant inlassablement ce thème de « Rocket Queen » jusqu’à l’écoeurement.


Allez, on pourra dire que certains titres des deux premiers albums solo passaient très correctement (le très bon « Back From Cali », un « You’re A Lie » forcément pétaradant en ouverture de show), tandis que la caution sleazy rock’n’roll est laissée au seul bassiste Todd Kerns le temps de deux-trois morceaux qui n’arrangent hélas rien : digne d’un chanteur de tribute-band du vendredi soir dans l’Ohio et disposant d’un charisme assez pauvre, il s’époumone sur un « Doctor Alibi » jadis gueulé par l’irremplaçable Lemmy, et se fend d’un « Out Ta Get Me » correct mais dépourvu de toute la dangerosité paranoïaque d’un rouquin maniaque et vociférant, jadis aussi…
Au point d’accueillir le retour de Myles Kennedy comme un sauvetage. Myles Kennedy, tiens. Un mec brillant. Pas un défaut. Une gueule parfaite, des dents bien blanches, le tattoo impeccable et qui va bien sur ses biceps saillants - aucun doute, l’homme est en très bonne santé. Check up nickel. Mais entre son investissement de bon soldat chez Slash, son rôle de frontman également à plein temps chez ALTER BRIDGE et bientôt sa carrière solo, on craint le burn-out - drame de notre époque chez les salariés. A force de tout bien faire comme on lui demande, peut-être Myles va-t-il nous péter un boulard : et c’est peut-être là qu’il sera enfin FUN ! Allez Myles, pète un coup mec ! Jure ! Crache ! Gueule ! Sors ton zob ! Ecrase ton poing sur le nez de ce guitariste rythmique, là, à gauche, et qui n’a rien à foutre là ! Un gros mot ! Un doigt dans le cul ! Fuuuuuck ?!?!?
NON. Myles Kennedy est définitivement appliqué, rigoureux, sérieux, parfait. Un chant multi-fonction zéro-défaut, un véritable robot fait-tout Krups. 


Beaucoup repartiront du Zénith avec la sensation d’avoir passé une excellente soirée - normal, le dernier round enchaine « Sweet Child O’Mine » et « Slither », avant que le rappel syndical vienne expédier « Paradise City » et sa pluie de confettis (nouveauté, ils étaient plus larges et blancs cette fois). Nous on repart sans émotion, à la fois satisfait d’avoir entendu une énième fois des morceaux qui nous maintiennent dans notre propre satisfaction de vouloir rester éternellement jeunes, et avec le sentiment d’avoir vécu deux heures de show en roue libre.

Depuis des années, déçu par ce qu’était devenu GUNS N’ ROSES, j’avais choisi mon camp et opté pour l’option Slash, franchement plus rock’n’roll que le Barnum de l’autre Castafiore. Pfffffff... aujourd’hui je suis complètement perdu et désillusionné. Somebody help me ?


Photos par CélEye Kopp


Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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4 commentaires

User
Jeff
le 16 nov. 2014 à 15:28
You say, somebody help me? Alor je vais t'aider. Je pense que ce n'est pas Myles qui va faire un burn out mais c'est TOI qui y es en plein dedans. Va voir un docteur mec car j'ai assisté au concert et franchement après avoir vu des centaines de concerts d'autres formations Slash et sa bande assurent un max. Toutes les personnes presentent (sauf toià cause de ton burn out je suppose) seront de mon avis : il y avait le feu ce soir là au zenith. Faudrait peut être que de temps en temps tu descendes de ton petit siège pour aller faire un tour dans la fosse pour sentir un peu l'ambiance qui régnait. A part un solo un peu long je l'avoue, le show était vraiment très bon et le public déchaîné. Jette un oeil sur les vidéos sous you tube, tu verras que dès lundi tu vas devoir consulter... bon courage à toi . Et à dans plusieurs mois car c'est le minimum pour un burn out!
User
Jean-Charles Desgroux
le 16 nov. 2014 à 15:46
Euh, Jeff Jeff bonjour, et avant tout merci de t'inquiéter de ma santé, mais je te rassure de suite : Je vais bien !!! Très bien même. Pour information, je me ménage et fais autant de concerts dans les proches gradins (mais j'ose même être debout) que dans les fosses où tu pourras certainement et très régulièrement m'apercevoir en train de suer et de chanter. Après, il y avait peut-être le feu au Zénith, mais uniquement sur les morceaux des Guns, de Velvet Revolver, ou bien des chansons les plus populaires de sa jeune carrière solo. En l'occurrence, j'ai bien été attentif aux réactions du public sur tous les extraits de "World On Fire", et peut-être ai-je en effet une autre définition du mot "feu", mais là, je n'ai rien vu de très mobile et excitant. Le "feu", si ardent en effet sur "Nightrain" ou peut-être "You Could Be Mine", s'est complètement éteint sur des "Beneath The Savage Sun" ou "Automatic Overdrive" - dont les vidéos de "fans" ne pullulent d'ailleurs pas vraiment sur Youtube. Enfin je n'ai jamais remis en question le talent de Slash, mais bien de l'attitude et du charisme de Myles Kennedy : aussi très bon chanteur soit-il, il m'a paru bien insipide et bien peu chaleureux en terme de présence. Les avis sur ce concert sont extrêmement tranchés, et parmi les détracteurs, je fais partie de ceux qui ont néanmoins ménagé leurs propos...
User
Jeff
le 16 nov. 2014 à 16:20
Super si tu penses aller bien!! Attention à toi tout de même... Je n'ai pas ma carte de journaliste mais cela ne m'empêche pas de trouver l'accueil des nouveaux titres pas trop mal et de ne pas voir un manque de charisme de Myles au contraire(voir sous le lien ci-dessous Avalon) <br />
http://m.youtube.com/watch?v=Tbz6ItMvUss<br />
User
Ric Oh
le 22 nov. 2014 à 19:55
Je suis assez ok avec cette chronique, c'est certain on est loin de slash avec son Snakepit que j'ai eu la chance de voir en 2000 à Milan.Pour la 4ème fois que j'assiste à un concert du Mr,<br />
Je dirais en plus que Slash a mit du temps à se chauffer, en 2012 le publique était vraiment chaud, un Slash moins inspiré, j’espère vraiment qu'il passera à autre chose avec un chanteur rock n' Roll, et enfin revenir à son vrai son, ces chansons pour ados moi j'en ai raz le cul.<br />
Allez Slash reprend ta bouteille de Jack.<br />
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