24 mars 2022, 19:06

Nikki Sixx

"The First 21: How I Became Nikki Sixx"

C’est devenu la marque de fabrique de Nikki Sixx : après The Dirt, The Heroin Diaries et This Is Gonna Hurt, The First 21: How I Became Nikki Sixx est le quatrième livre, dans la carrière du bassiste, à constituer une B.O.A. - la bande originale d’un album. Du « Hits » de SIXX:A.M., en l’occurrence. Et plus particulièrement de son morceau-phare : "The First 21". Son clip, constitué de documents d’archives, nous donnait déjà la couleur du livre : sépia. Une image monochrome dont les valeurs sombres sont brunes... plutôt que noires. Pas un hasard. Et Camion Blanc poursuit le travail d’éclaircie, puisque la maison d’édition propose dès à présent la lecture de l’ouvrage dans la langue de Molière. Voire de Robespierre.

« L’histoire relatée dans ces pages se termine le 9 décembre 1980. C’est le jour où j’ai légalement changé mon nom en Nikki Sixx. Deux jours après, j’ai fêté mes vingt-deux ans. Quelques semaines plus tard, le 17 janvier, MÖTLEY CRÜE était officiellement formé. Au bout de quelques mois, le 24 avril 1981, un vendredi, le groupe se produisait pour la première fois. Où ça ? Au Starwood, bien sûr. »

Des mots qui constituent les dernières pages de The First 21: How I Became Nikki Sixx. Car la saga de MÖTLEY CRÜE, les fans du groupe la connaissent bien. Et même des bribes de ce qui l’a précédé. Car avant, côté Sixx, il y eut LONDON, l’incontournable formation de toutes les rockstars en devenir et SISTER, prémisse de ce qu’allait enfanter Blackie Lawless quelques années plus tard : W.A.S.P. On avait bien entendu parler du père de Nikki – ou plutôt de son absence – de sa mère – ou plutôt de sa démence – et l’on ne pouvait ignorer que "Nona" (sur « Girls, Girls, Girls ») était dédié à sa grand-mère. Et puis, bien sûr, on savait tous que Nikki Sixx était né Frank Feranna. Mais quid de tout le reste ?

Ce qui est étonnant, avec Nikki Sixx, c’est que son changement de patronyme coïncide avec le succès – rapidement – planétaire. Ce qui ne veut pas dire que les 21 premières années à porter le sobriquet de Frank Feranna n’ont été que déboires. Mais devenir Nikki Sixx a forcément été un acte fondateur. Un pilier sur lequel s’appuyer pour construire sa vie. Mais qu’y avait-il avant ce pilier ? D’autres piliers. Eux-mêmes fondateurs. Et c’est précisément ce que nous relate The First 21.

Car à l’automne de sa vie, Nikki peut désormais voir les choses "d’en haut". Là où il n’y avait que rupture, comme si son existence était une fulgurance surgie ex nihilo – qui plus est carrément nihiliste – il se pose à présent dans une lignée : une histoire. Il fait le lien entre ceux qui l’ont précédé, lui, et sa progéniture. Tous connectés dans un même continuum. Il revisite tous ces moments qu’il a détestés et qui prennent maintenant une toute autre signification. Il ne s’agit pas d’oublier, d’inventer ou de coloriser ce qui a été vécu en noir et blanc, mais de comprendre. Et de ne pas s’emmurer. Là où il n’y avait que de la révolte et un seul point de vue – le sien… forcément égocentrique – la nuance s’est invitée. Les choses sont parfois plus complexes que ce que l’on en pensait. Ou ce que l’on avait décidé de retenir, souvent par facilité. Accepter de porter un regard nouveau vient généralement dans un second temps – ou ne vient jamais – lorsque l’on a trouvé une certaine forme d’apaisement. Que l’on est plus mature, plus sage… et sobre !

En fin de livre, une dédicace ne trompe pas : « Pour avoir joué un grand rôle durant la majeure partie de ces vingt-et-une premières années, je tiens à remercier ma mère et mon père. » Pas sûr que ces remerciements – quand bien même ils sont lourds de sens – figuraient à l’intérieur des pochettes de « Too Fast For Love », « Shout At The Devil » ou bien « Theatre Of Pain »… Et puis, à la manière du "Mistral Gagnant" de Renaud, Sixx prend plaisir à évoquer ses souvenirs d’enfance. Et s’étonne presque de tout ce qui a constitué sa vie pré-MÖTLEY : des déménagements incessants aux courses à vélo, en passant par le magasin de maquettes, les coups de fusil sur les malheureux moineaux, ses exploits en foot américain, sa fascination pour la radio, ses premiers poèmes, sa canne à pêche, son labrador Barnaby, les moquettes à poils longs (verts !), les cheveux rincés au jus de citron (pour les décolorer)... et le premier album des NEW YORK DOLLS.

Côté première fois, il y eut également la découverte de Seattle, des disquaires et des magasins de musique, les lectures de Burroughs et Bukowski, l’intérêt porté à la gent féminine (ah bon ?) mais, par-dessus tout, il y a eu son premier instrument de musique : une vieille guitare à trois cordes offerte par son beau-père d’alors : Ramon Rodriguez. « Pour ce geste, je lui serai toujours reconnaissant. Cette gratte est le premier instrument de musique que j’ai possédé. Elle a changé ma vie. » Alors, on remonte la pelote de laine des 21 premières années de Feranna et des presque 300 pages avec jubilation. Car le livre de Nikki Sixx est éminemment personnel – il ne sait faire qu’ainsi ! – mais, bien loin de l’image qui lui est associée, il est d’abord touchant. Tendre, même.

Et puis, ce genre d’introspection génère forcément quelques interrogations. À l’heure du bilan, se remémorant son pote Lizzie Grey, guitariste de LONDON, décédé en 2019, Nikki se questionne : « Pourquoi moi et pas Lizzie ? Nous aimions les mêmes groupes, nous composions des chansons ensemble (NDLR : notamment "Public Enemy #1", que l’on retrouvera sur le premier album de MÖTLEY CRÜE), nous faisions les mêmes rêves, mais nous n’avons pas eu le même destin. » Dans la chanson éponyme, James Michael pose ouvertement la question : "The first twenty-one, is it heaven or hell ?". La question est on ne peut plus ouverte...

Peut-être un début de réponse en page 185, lorsque Nikki évoque le Francky d’alors : « Je n’étais pas encore un très bon musicien, mais je travaillais dur pour y parvenir. J’étudiais. Je jouais par-dessus des disques, écrivant et jouant mes propres mélodies par-dessus les chansons, modifiant les accords, composant mes propres progressions. Je faisais mon possible pour m’améliorer en tant que compositeur, parolier et bassiste. Je n’étais pas là que pour m’encanailler. Il y avait une raison derrière chacun de mes actes. Si je volais, c’était pour financer un impératif. Pour moi, la musique était une forme de survie. Mon but dans la vie. Ma destinée. D’après ma femme, j’ai absolument besoin de tout maîtriser et d’être à la pointe de la nouveauté. "Je n’ose pas imaginer ce que ça donnait quand tu étais jeune", m’a-t-elle dit. Je n’étais pas si différent de celui qu’elle connaît. J’étais déjà du genre compulsif, impliqué à fond, dépendant et captivé. J’avais un rêve et je poursuivais mon but sans me laisser distraire. Il ne fait aucun doute que j’étais déjà l’adulte que j’allais devenir. »

Bref, on en revient aux bons vieux classiques : qui de la poule ou de l’œuf ?

Retrouvez l’interview d’Angélique Merklen, traductrice de The First 21 pour les éditions du Camion Blanc.


The First 21: How I Became Nikki Sixx par Nikki Sixx
Traduction française : Angélique Merklen
Éditions Camion Blanc - 298 pages - 32€

Blogger : Stéphane Coquin
Au sujet de l'auteur
Stéphane Coquin
Entre Socrate, Sixx et Senna, impossible de faire un choix… J’ai donc tenté l’impossible ! Dans un mouvement dialectique aussi incompréhensible pour mes proches que pour moi-même, je me suis mis en tête de faire la synthèse de tout ce fourbi (et orbi), afin de rendre ces éléments disparates… cohérents ! L’histoire de ma vie. Version courte. Maîtrise de philo en poche, me voilà devenu journaliste spécialiste en sport auto, avant d’intégrer la valeureuse rédaction de HARD FORCE. Celle-là même qui prit sauvagement part à mes premiers émois métalliques (aïe ! ça fait mal !). Si la boucle n’est pas encore bouclée, l’arrondi est désormais plus que visible (non : je ne parle pas de mon ventre). Preuve que tout se déroule selon le plan – savamment – orchestré… même si j’aimerais que le tempo s’accélère. Bon, et sinon, qu’est-ce que j’écoute comme musique ? Du bon, rien que du bon : Platon, Nietzsche, Hegel et Spinoza ! Mais je ne crache pas non plus sur un bon vieux morceau de Prost, Villeneuve ou Alonso… Comment ça, Christian, faut tout réécrire !?!
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