8 juin 2022, 18:09

FAITH NO MORE

"Angel Dust" (1992 - Rétro-Chronique)

Album : Angel Dust

Nous sommes (déjà) en 2022 et cet album fête ses... 30 ans !

Il est de ces groupes qui ont inventé un style, un son, et il est vain de penser pouvoir dénicher aujourd’hui d’autres pionniers sur des terres musicales toutes conquises, colonisées et surpeuplées. Mais FAITH NO MORE fait partie de ces conquistadors, de ces explorateurs qui ont dès 1979 commencer à se préparer à une aventure qui les mènerait une dizaine d’années plus tard jusqu’à des contrées inexplorées qui auront une répercussion éternelle sur le paysage ambiant du metal. Véritable référence de la fusion, un genre éphémère et aujourd’hui disparu et dont ils se veulent bien plus que cela d’ailleurs, FNM pour les intimes est une institution pour nombre de personnes et « Angel Dust » ni plus ni moins qu’une pierre angulaire dans l’éducation musicale de bien d’autres (les mêmes peut-être). Ce quatrième album des Californiens est sans conteste LE disque incontournable si vous voulez apprécier le groupe à sa (très) juste valeur. Paru le 8 juin 1992, ce disque prend de court tous ceux qui pronostiquaient une suite directe à « The Real Thing », et s’imaginant de nouveaux morceaux bourrés de groove à la "Epic" ou "From Out Of Nowhere". Que nenni mes amis ! Mais nous allons développer cela plus avant dans quelques lignes. Enregistré en compagnie du fidèle producteur Matt Wallace qui aura ainsi participé à tous leurs albums, à deux exceptions près, « King For A Day… Fool For A Lifetime » (produit par un autre Wallace, Andy) et « Album Of The Year », survolons ensemble les 13, 14 ou 15 titres de ce « Angel Dust », selon le pays ou l’année d’achat du disque. Et ne parlons même pas des rééditions… (ben si tiens, on en parlera quand même à la fin).

« Nous avions alors décidés d’essayer coûte que coûte de coller le plus possible à notre instinct et faire ce qui nous semblerait juste, dans l’espoir que cela serait suffisant pour créer une étincelle quelque part à un moment. Et au départ, il nous a semblé que le pari allait être perdu. Mais quand on regarde ça aujourd’hui avec du recul, c’est très gratifiant de voir qu’en fin de compte, nous l’avions créée cette étincelle et que suivre notre instinct était bien la meilleure chose à faire. » Voilà en quelques mots l’état d’esprit qui régnait au sein de la formation lors de la gestation du disque tel que l’expliqua le bassiste Billy Gould dans une interview donnée en 2012, à l’occasion des vingt ans de l’album, pour le site Faith No More Blog. Au moment de s’attaquer à la composition, FAITH NO MORE a pu enfin s’appuyer sur le chanteur Mike Patton, lui qui pour « The Real Thing » s’était uniquement contenté d’écrire toutes les paroles (et en quinze jours seulement s’il vous plaît) en raison de son arrivée récente dans les rangs du groupe. Cette fois, il participe également à la musique même si, chanteur oblige, son apport textuel est majoritaire. Ainsi, on apprendra que pour "Land of Sunshine", Patton a utilisé des fortune cookies, ces gâteaux chinois dans lesquels on trouve de petits morceaux de papier sur lesquels sont inscrits des maximes et/ou citations, le tout combiné à des questions extraites d’un test de personnalité de l’Eglise de Scientologie. Barré ? Non, juste du Patton… dans le texte : « J’ai acheté des tas de paquets de fortune cookies et je me suis servi des phrases que j’y ai trouvées. "You are an angel heading for a land of sunshine," dans un. "Pat yourself on the back and give yourself a handshake" dans un autre. J’ai juxtaposé cela avec un test de capacité d’analyse d’Oxford utilisé pendant des décennies par l’Eglise de Scientologie pour de potentielles personnes à convertir : "Do you sing or whistle just for fun?" "Do others push you around?" La sinistre combinaison que cela a donnée s’est avéré une ouverture parfaite pour l’album. » indiqua le chanteur au magazine Reflex en juin 1992.

Non signées du chanteur cette fois, les paroles sans aucun équivoque de "Be Aggressive" sont l’œuvre du claviériste Roddy Bottum, homosexuel déclaré qui a témoigné dans une interview accordée au magazine The Advocate en 1993 que « c’était un truc marrant à écrire, sachant surtout que derrière ce serait Mike qui allait être mis en avant sur scène pour chanter ces paroles. » Et "Jizzlobber", tiens ? « "Jizz" désigne le sperme et "to lob", l’action de lancer. Le titre est comique même si le reste des paroles n’a aucun lien, qui évoquent le fait d’être enfermé dans un carcan. Ce n’est définitivement pas une apologie de l’orgasme mais le titre est parfait. Belle image je trouve, du sperme volant dans l’air. Jouissif. » Et une fois encore, du Patton en interview pour le magazine néerlandais Oor. Le single "Midlife Crisis" (crise de la quarantaine en VF) a quant à lui la particularité d’inclure des samples du morceau "Cecilia" du duo folk Simon & Garfunkel (pour le beat) et du "Car Thief" des BEASTIE BOYS (on ne peut s’y tromper dès l’intro du morceau des rappeurs), une idée de Roddy Bottum en ce qui concerne "Cecilia", l’un des premiers morceaux qu’il ait eu le souvenir d’avoir écouté étant enfant, ainsi qu’il le précisa.




​Peut-être que nombre d’entre vous se sont également demandés ce que pouvait bien signifier les initiales du titre "R.V. " ? Vous serez donc heureux d’apprendre que ces initiales désignent un « recreational vehicle », des caravanes principalement : « Un côté typique de la culture américaine, des gens vivant dans des mobil-homes. On les surnomme white trash (Ndr : « white » pour la couleur de peau et « trash » pour raclure) et beaucoup d’entre eux vivent dans ces habitations. On les regarde de haut alors qu’ils sont une grande partie de la société américaine. En général, ce sont des personnes obèses, qui ne font que regarder la télé en mangeant des plateaux repas. Cette chanson est un hommage à ces porcs. Ma famille en fait partie. Le genre de personnes qui restent cloîtrés dans leurs caravanes et se plaignent à longueur de journée (…). Plus personne ne les écoute, ils se parlent à eux-mêmes. Cette chanson fait ainsi le portrait de la mentalité moyenne de ces ploucs. » Grinçant le Patton ? Oh, si peu. Ce qui nous amène à "Crack Hitler", une chanson dont le titre interpelle forcément et qui se veut, selon le bassiste Billy Gould, une chanson à propos d’un baron de la drogue qui se prenait pour Hitler en raison du fait qu’il régissait un nombre très important de personnes dépendantes et pensait à tort qu’il était tout puissant. « Et ce qui est le plus drôle, précisa Gould, est que ce gros bonnet n’était même pas blanc ! Un noir qui se prend pour Hitler ?! On s’est bien foutus de sa gueule et on a décidé de lui dédier cette chanson. » Gardons à l’esprit qu’il ne faut pas non plus éluder la puissance de la musique de « Angel Dust », expérimentation qui put s’avérer hasardeuse selon ce qui a été déclaré par plusieurs membres du groupe à l'époque mais couronnée de succès à la sortie du disque. Certains citent volontiers l’album suivant , « King For A Day… Fool For A Lifetime » comme référence mais personnellement (et objectivement), « Angel Dust » est vraiment celui qui aura permis à FAITH NO MORE de monter de plusieurs crans après « The Real Thing », un disque aventureux qui a ainsi pu donner naissance à « King For A Day… Fool For A Lifetime » justement. CQFD donc. Un avis absolument pas partagé par le guitariste-lunettier Jim Martin qui quittera le groupe peu de temps après, en désaccord avec l’orientation prise par ses camarades de jeu.

Personne ne s’y est trompé (hormis Martin comme dit au-dessus), le public a suivi et « Angel Dust » se pointera à la dixième place du classement  US Billboard 200, enquillant cinq singles ("Land Of Sunshine", "Midlife Crisis", "A Small Victory", "Everything’s Ruined" et "Easy", la reprise des COMMODORES, groupe dans lequel officiait le chanteur Lionel Richie). Mais avant de partir en tournée, seul ou en support de la méga-tournée GUNS N’ ROSES / METALLICA, FAITH NO MORE se produisit le 14 mai 1992 au Marquee Club de Londres en Angleterre devant un parterre de journalistes et d’amis sous le nom de HAIRCUTS THAT KILL. Promo oblige, le groupe fit le tour du monde avec plusieurs arrêts en France, le 6 juin tout d’abord en première partie et en compagnie de SOUNDGARDEN pour le méga-show donné par les GUNS N’ ROSES. Une aubaine pour eux vu les foules que déplaçaient alors Axl & Co., tournée dont s’est rappelé récemment le « facétieux » Mike Patton : « Je déteste avoir à le dire mais c’était une vraie corvée de tourner avec les GUNS parce qu’ils nous traitaient comme des merdes. Certes, nous étions bien payés mais on cherchait chaque jour à faire un truc pour les faire chier. J’ai eu par exemple l’idée de pisser sur le téléprompteur d’Axl. Une autre fois, nous étions tous attablés dans un restaurant et je suis allé mettre un peu de ma merde dans un gâteau au chocolat, espérant qu’Axl aurait encore une petite place pour un dessert. Malheureusement, c’est un gars de notre équipe qui s’est servi et après avoir tout de même hésité à le prévenir, je l’ai arrêté au dernier moment avant qu’il n’ingurgite un morceau. » Oui, nous le savons tous, Mike Patton a toujours été très pipi-caca, de nombreuses autres anecdotes pouvant en témoigner. Puis FNM revint sur le Vieux continent en fin d'année pour se produire en tête d’affiche au mois de décembre lors de quatre concerts, le 8 à Paris avec L7, le 9 à Lyon puis le 10 à Besançon (bien que peu d’informations circulent sur cette date malgré le fait qu’elle était imprimée sur les t-shirts de la tournée) et enfin, le 15 au Théâtre de Verdure à Nice. Ajoutons qu’on les vit dans un reportage diffusé sur M6 avec une interview donnée par Mike Patton et le batteur Mike Bordin et que nous vous proposons de voir ou revoir ci-dessous.


De belles ventes viendront confirmer un succès sans précédent pour FAITH NO MORE avec plus de 600 000 exemplaires écoulés, dont 500 000 rien qu’aux Etats-Unis et une certification d’album de l’année amplement méritée dans de nombreux pays. Comme dit en préambule, plusieurs versions sortirent avec un ou deux titres en plus ("As The Worm Turns" au Japon et "Easy" dans un nouveau pressage de 1993) mais bien plus sont venus se greffer plus tard lors de la réédition parue en 2015, pour laquelle on ne compte pas moins de dix-sept titres sur un deuxième CD avec au programme entre autres, une reprise des DEAD KENNEDYS, "Let’s Lynch The Landlord", mais également – et surtout ! – dix morceaux live enregistrés sur la tournée « Angel Dust » en Europe et aux Etats-Unis. Une aubaine pour les fans qui n’ont eu en tout et pour tout qu’un seul album live à se mettre sous la dent de toute la carrière de FAITH NO MORE, le génial mais bien trop court « Live At The Brixton Academy », auquel on préférera donc la version vidéo « Live At The Brixton Academy, London (You Fat B**tards) », plus complète que le pendant audio.

En complément de cette rétro-chronique, retrouvez celle de Clément qui donnait son point de vue en 2017 pour les 25 ans de « Angel Dust », un album qui l’a comme tant d’autres durablement marqué.

Pour aller plus loin :
« The Real Thing » (1989) : cliquez sur le titre de l’album pour accéder à sa rétro-chronique et ci-après sur le titre du dossier Un jour, un album consacré au disque et écrit par Laurence Faure
« Live At The Brixton Academy » (1990) et son pendant vidéo « Live At The Brixton Academy, London (You Fat B**tards) »
« King For A Day… Fool For A Lifetime » (1995) : la ruée vers l’or 2 avec, encore une fois, de sacrées pépites
« Sol Invictus » (2015) : parce que inespéré et que FAITH NO MORE tout simplement

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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