21 mars 2015, 21:12

VOYAGE TRIBAL

DEUXIEME, TROISIEME & QUATRIEME PARTIES

DEUXIEME PARTIE

La peinture rouge est fabriquée à partir d’un petit fruit, le roucou, qui est cuit et transformé en pâte. Les Indiens mâchent de la noix de coco qui, mêlée à leur salive, donne une mixture huileuse qui est alors crachée sur le bloc de colorant rouge puis appliquée sur la peau et les cheveux.

Nous prenons un petit bain dans la rivière et nous nous détendons un peu. Je fais la connaissance de Severia, l’épouse de Cipasse, qui parle anglais. Elle est apparemment issue d’une famille privilégiée et a suivi des études à l’Université de Goiana.


Certains d’entre nous retournent au manguier pour une rapide réunion technique concernant l’enregistrement. Ensuite, nous allons dîner. Après avoir mangé du riz, des haricots et du poulet, nous sommes invités à participer à une nuit typique de psalmodies, de danse et “d’échauffement”.


Nous sommes assis sur des bancs au milieu des Indiens, hommes et femmes. Seule la Lune nous éclaire. Il paraît que les Indiens voient mieux que nous dans l’obscurité. L’atmosphère est intense avec leurs psalmodies et, alors qu’ils sont en cercle autour de nous, j’ai l’impression d’avoir été téléportée dans le passé. On nous explique qu’il s’agit du chant de guérison Daitsi Wawere qui se pratique toute la nuit autour de la maison d’un malade. Certains membres du groupe et de notre équipe rejoignent le cercle, une façon plaisante de terminer la journée.

Ross Robinson



Allongée dans notre tente, tout en écoutant le bruit des termites qui rongent les feuilles au-dessous de nous, je suis émerveillée par la façon dont cette ancienne civilisation est parvenue à préserver ses traditions jusqu’à aujourd’hui. Leur vie continue, jour après jour, sans qu’ils se soucient de ce qui se passe dans le reste du monde. Pas de télé, pas de radio ou de journaux, seul prime l’instinct de conservation. On dirait qu’ils ont traversé le temps tout en restant attachés à leurs valeurs, pour les partager dans cette rencontre très particulière avec SEPULTURA – une fusion de cultures dans le seul véritable langage universel qui ne connaît aucune barrière : la musique.

TROISIEME PARTIE

Le chant d’un coq et un bruit semblable à un gong nous servent de réveil matin. Je découvrirai par la suite qu’ils frappent une grosse traverse de voie ferrée suspendue à un arbre.

Pour commencer la journée, nous appliquons une couche d’anti-moustique très épaisse et, par-dessus, de la crème solaire car, malgré l’heure matinale, les insectes et le soleil sont implacables.

Comme la journée commence, nous avons faim et soif. Nous sommes surpris par le fait que les Indiens semblent ne jamais boire, manger ou dormir, comme nous. Nous les voyons manger de temps en temps une mangue mais c’est tout.

Bien que nous n’ayons toujours pas reçu nos provisions, je suis ravie de pouvoir prendre mon café. Un vrai luxe ! Je dois quand même reconnaître que nous sommes un peu nerveux qu’il n’y ait toujours aucun signe de notre avion, mais nous faisons comme si de rien n’était.

Les musiciens sont conduits dans une hutte où leur sont remis le bracelet en bambou et les bandeaux de cheville traditionnels, le collier en corde et en plumes et la ceinture en corde. La peinture est appliquée en dernier.


Max

Pour la cérémonie de guérison, la peinture rouge est appliquée de la taille au cou, avec trois rayures sur les bras de chaque côté de la poitrine, ainsi que sur chaque cuisse, comme un bandeau. Quant à la peinture noire, elle est appliquée de la cheville au genou. Puis, en touche finale, les plumes sont placées dans les cheveux. 


Andreas

Pendant la cérémonie de la peinture, notre avion de provisions arrive enfin. Il y a notre nourriture et de l’eau, et – c’est le plus important – notre équipement d’enregistrement. Ce dernier est placé sous les trois manguiers où nous nous sommes rendus à plusieurs reprises. Les Indiens disent que l’acoustique est excellente et les grands arbres nous protègent du soleil.

En guise de test, SEPULTURA joue un petit morceau. Le groupe s’assied au centre du cercle, Max et Andreas avec des guitares acoustiques, Paulo et Igor au tambour. Ross Robinson, notre producteur, dirige. 

Certains hommes utilisent divers instruments de percussion, des maracas faites à partir de calebasses. Ils tapent tous du pied droit en rythme tandis que leur psalmodie enfle et diminue parfois jusqu’à devenir un simple murmure.

Les enfants m’entourent, admirent mes tatouages et mon écriture et touchent mes cheveux verts. Un ancien de la tribu me rejoint et je lui offre une de mes Marlboro. Il est splendide avec sa peinture rouge qui lui couvre le front et ses oreilles percées.

Les enfants de la tribu et moi

Les Indiens portent un morceau de bois inséré dans un très large trou dans leur oreille. La cérémonie du piercing a lieu en septembre. Quand un garçon fête ses 14 ans, il devient un homme. Pendant deux jours, il reste debout dans la rivière pour assouplir sa peau et n’en sort que pour manger et dormir. Un bout de bois fin est inséré dans son oreille. Plus il vieillira et gagnera en sagesse, plus le morceau de bois sera gros. 

Les femmes et les enfants assistent à la danse, mais aujourd’hui, seuls les hommes participent. J’apprendrai qu’un homme se marie avec la femme que son père a choisie. Et qu’ils sont polygames.

Nous ne tardons pas à nous arrêter pour faire une pause, alors que le soleil brûlant tape. Nous mangeons des pommes de terre, du riz et du poulet et nous nous reposons un peu. Les mouches et les autres insectes nous attaquent alors que nous essayons de faire une sieste.

Vers 16h30, le groupe fait une session photos très impressionnante avec Michael Grecco derrière l’objectif dans un vieux bâtiment abandonné. Une fois la séance terminée, nous retournons sur les lieux de l’enregistrement.

Les Indiens entonnent différentes psalmodies pour trouver laquelle accompagnera le mieux SEPULTURA. On choisit le Datsi Wawere et on procède à l’enregistrement test. C’est à présent le crépuscule, nous faisons une pause pour dîner et nous retournons enregistrer pendant une heure. 

La prise finale est mise en boîte. La tribu demande alors à SEPULTURA de jouer mais nous leur expliquons que le groupe utilise des amplis et beaucoup plus de matériel. Ils comprennent et s’en retournent à leurs activités.

Le groupe, les représentants de Roadrunner, Ross, moi, Cipass, Severia et le chef nous nous retrouvons dans l’école pour une réunion qui durera jusqu’à minuit. C’est là que nous expliquons en détail quel usage nous voulons faire des photos et de la vidéo. La tribu est très concernée par l’image que nous allons donner d’elle au monde. C’est l’occasion pour SEPULTURA d’exprimer aussi ses préoccupations. Le groupe aussi a souffert de préjudice en raison de sa musique, de ses tatouages et de son look. Nous avons tous un énorme respect et une grande admiration mutuels.

QUATRIEME PARTIE

Il est 7h30 et nous nous préparons pour l’enregistrement. Nous arrivons au manguier et les musiciens sont à nouveau conduits à l’endroit où leur sont appliquées les peintures rituelles. Aujourd’hui, c’est le Wanaridobe ou Mélopée du Parrain. Max et les autres se voient remettre les bracelets et le collier habituels, mais cette fois, leur corps et leur visage sont intégralement peints eux aussi. Chacun a une peinture différente. Moi aussi j’ai droit à un peu de peinture sur le visage, je ne peux pas résister ! 

Une danse avec les Indiens, main dans la main avec SEPULTURA, cette fois en plein soleil et non sous les manguiers. Juste pour une question de visuel.

Vient ensuite l’enregistrement qui dure moins longtemps cette fois. Ross dit avoir compilé suffisamment sur bandes.

Puis le groupe interprète “Kaiowas” pour les Indiens qui ont demandé à écouter SEPULTURA. Quand ils ont terminé, ces derniers entonnent « dure » qui signifie : « Encore ! ». Ils rejouent donc le morceau et, cette fois, Max y ajoute quelques gueulantes.

SEPULTURA discute alors avec certains des musiciens à l’occasion d’un entretien où tout le monde est assis. Le groupe pose des questions sur leur musique aux membres de la tribu et à leur tour, ils les interrogent sur leurs tatouages, leurs cheveux longs et leur look.

Pendant ce temps, le réalisateur de notre vidéo, à bord d’un avion la porte ouverte, fait quelques superbes images aériennes. Quant à nous, nous retournons à l’école pour faire nos valises puis déjeuner.

Je “tatoue” un enfant.
En compagnie de mon ami, un Xavante qui déchire.

Quand nous avons terminé, nous retournons sous les manguiers pour une dernière cérémonie. Une fois encore, les Xavantes passent devant nous les uns après les autres pour nous dire au revoir et cette fois, ils nous offrent de magnifiques présents : bijoux, bourses, couvre-chefs et plumes. Un grand moment d’émotion car nous nous sentons très proches de ces gens merveilleux.



Max, moi, Andreas, Severia et la tribu.

Je demande à Angela pourquoi certains d’entre eux ont la tête rasée. Elle m’explique que quand quelqu’un meurt, toute sa famille se rase la tête en signe de deuil. Il semble que le premier décès lié au cancer ait été identifié. La maladie de l’homme blanc s’est insinuée, petit à petit, depuis son premier contact avec les Xavantes il y a cinquante ans.

Nous avons tant appris de ces gens simples. Ils ont si peu et nous, nous avons tant de choses. Pour eux, aller chez le docteur signifie 450 km de marche !

La piste d’atterrissage.

Max et moi dans l’avion.

Notre vol du retour a des airs de voyage dans le temps. Nous retournons à nos vies et souhaitons de tout cœur que cette petite communauté survivra à tous les obstacles que le monde met en travers de leur route et nous prions pour retourner les voir.

A l’hôtel à Goiânia, au Brésil, peu de temps avant de rentrer chez nous.

A suivre…

La classe est terminée...

(traduction : Laurence Faure)
Photos et documents © Collection privée Gloria Cavalera - droits réservés

Blogger : Gloria Cavalera
Au sujet de l'auteur
Gloria Cavalera
Gloria Cavalera est, avec Sharon Osbourne, probablement l'une des rares femmes-managers du metal à avoir atteint une telle notoriété. Sa vie est évidemment liée à la carrière de son époux, Max Cavalera. Ce fut le cas autrefois dans SEPULTURA et désormais dans SOULFLY depuis 1997. Elle s'occupe également de la carrière de ses enfants, aujourd'hui musiciens (LODY KONG, INCITE). A partir d'octobre 2012, elle a décidé de raconter son histoire dans un blog : "Voici mon histoire...mon histoire metal, une sorte de salade mélangée où l'on trouverait mes origines, ma vie actuelle, celle de mes enfants et de mes petits-enfants. L'histoire ne doit et ne peut-être écrite que par ceux qui l'ont vécue". HARD FORCE a le privilège de publier chaque semaine un épisode, en langue française, de cette vie hors du commun.
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