1 avril 2015, 20:25

VAN HALEN : "Tokyo Dome Live In Concert"

Album : Tokyo Dome Live In Concert

VAN HALEN est une saga. Une "Dynasty", un "Dallas" que l’on situerait à Pasadena. Une saga faite d’incroyable hauts, et de bas abyssaux, déplorables, honteux. On ne reviendra pas plus en détail sur ces, oh, vingt dernières années assez stériles : valses des chanteurs David Lee Roth et Sammy Hagar autour de reformations cupides motivées par des tournées juteuses autour de greatest-hits, imposture du stunt-man Gary Cherone, licenciement abusif de Michael Anthony, embauche pistonnée de Wolfgang Van Halen à la place du bassiste et choriste sacré, incapacité totale à pouvoir écrire le moindre nouveau morceau, et pour couronner le tout l’alcoolisme ravageur d’Eddie Van Halen, soit le pire des gâchis de l’histoire de la guitare, après Robert Johnson en 1938, Jimi Hendrix en 1970 et Randy Rhoads en 1982. Chronique d’une presque mort presque annoncée.
Et tous ces drames surviennent après deux décennies d’une carrière incroyable : la formation d’un des plus grands groupes de hard-rock US de tous les temps avec David Lee Roth jusqu’en 1985, et son apogée commerciale aux Etats-Unis avec le remplaçant Sammy Hagar de 1986 à 1996 (et un CDD plus tard) - le Red Rocker ayant été en 1973 une des sources d’inspiration number one des frères javano-neerlando-américains lorsqu’il évoluait comme frontman chez MONTROSE.
Jouissant, comme beaucoup de groupes et artistes boursoufflés par la complaisance, l’arrogance et la mégalomanie, de malhonnêteté chronique, VAN HALEN sort ce 30 mars 2015 le deuxième album live de sa carrière. Le précédent, « Live : Right Here, Right Now », captait la grandeur de l’époque Hagar au cours de la tournée « F.U.C.K. », et sortait alors en 1993. Vingt-deux ans et seulement trois albums studio plus tard (avec leurs, euh, trois chanteurs différents !!!), paraît donc « Tokyo Dome Live In Concert », soit le tout premier double-album live avec la star David Lee Roth - oh, à peine trente ans que l’on attendait au moins un tel témoignage officiel !!!

On parlait de malhonnêteté : si l’album « A Different Kind Of Truth » sorti en 2012 n’avait pas franchement enthousiasmé les foules et encore moins les fans de la première heure, quasi tous déçus par la teneur générale de ce disque assez peu inspiré et bricolé autour de vieilles compos censées nous faire remonter le temps à l’époque du Pasadena de 1978, au moins ce live  est, lui, incroyablement honnête ! On a appris en amont qu’il était exempt de toute retouche studio, ou de tout overdub crapuleux, et que son rendu est brut de chez brut, tel un bon vieux bootleg radio Westwood One - les connaisseurs comprendront. La production, tranchante, costaud et surtout brute, rend tout juste grâce à la puissance d’un groupe évoluant dans l’immense Dome de Tokyo, ce soir du 21 juin 2003 devant 44000 chanceux. On savait depuis 2007 et le retour de Roth dans le groupe, que les apparitions sur scène pouvaient s’avérer très souvent désastreuses - ou de temps en temps magiques et inspirées, la plupart du temps à côté de la plaque. On ne pourra jamais en juger, comme d’innombrables abrutis, par le seul biais des vidéos captées pendant trente secondes sur un smartphone tremblant et saturé comme il en pullule tant sur YouTube : ah, toute l’essence d’un concert peut-elle donc être résumée par un petit écran de 12 cm² et un micro  de la taille d’un dé à coudre pour lilliputien ? Nous n’avons visiblement pas les mêmes normes d’exigence, ni le même angle pour pouvoir apprécier les performances de géants de la musique… Toutefois, selon bien des journalistes, le VAN HALEN des années 2010 pouvaient être bancal. Ou parfois bon. Et des fois très bon. Ce qui est le cas de ce soir-là à Tokyo.
Alors oui, mille fois oui, David Lee Roth est très souvent à la peine, se plante, en fait toujours trop pour pas grand chose, chante faux, n’est pas en rythme, s’éloigne et change de tonalité. Mais ça, on le savait déjà depuis longtemps, non ? C’est parfois très agaçant à l’écoute de certains classiques, on grimace d’ailleurs très régulièrement en le maudissant, d’autant que les choeurs dispensés par le dispensable Wolfgang-chéri nous fait encore plus regretter l’absence du grand Michael Anthony, pièce maîtresse nécessaire et vitale aux harmonies du groupe. Ailleurs on prend son mal en patience, notamment lors de cet affreux solo d’Alex, enrobé de synthés cheap et de fulgurances acides sur rythmes latinos, salsa et compagnie. Assez insupportable.
Mais au moins, Eddie Van Halen est-il en assez bonne forme, retrouvant par moments le panache de son jeu pyrotechnique, et se montre ici et là complètement athlétique comme le prince qu’il incarnait au tout début des années 80. Peut-être se montre-t-on assez indulgent à l’égard de cet album live : oui l’on fantasme depuis tant de temps à l’idée de voir la formation en nos terres, et ce « Tokyo Dome Live In Concert » fait renaître des espoirs et des fantasmes fous. Oui, on aurait aimé y être.
La set-list ? Du 100% Van Halen / David Lee Roth, n’espérez pas un seul titre de « 5150 » ou de « Balance » ! Mais quel plaisir de se prendre ces « Runnin’ With the Devil », « Everybody Wants Some !! », « I’ll Wait », « And The Cradle Will Rock… », « Hot For Teacher », « Beautiful Girls », « Ice Cream Man », et bien sûr les tubes interplanétaires que sont leur reprise des KINKS « You Really Got Me », le « Pretty Woman » de ROY ORBISON, « Panama », « Ain’t Talkin’ ‘Bout Love » et l’éternellement sautillant « Jump » ! On a beau chercher la bébête, traquer tous les pains, leur faire mille reproches, se foutre de Roth, la magie opère toujours de manière inévitable dès que ces mecs-là jouent le moindre titre de cet âge d’or incontournable : 1978-1984. Franchement, de toutes les nombreuses observations alimentées depuis des années sur ces tournées de reformation à répétition, on en guettait toutes les failles, on s’attendait au pire, et les quelques extraits distillés ci et là laissaient présager de la catastrophe - principalement à cause de la voix certes défaillante de Diamond Dave. Mais une fois dans le bain, une fois porté par le feu de l’action, une fois submergé par cette ambiance de folie et alors que les deux CDs s’enchainent sans temps mort, chaque nouvelle pépite venant terrasser la précédente, on pleure presque de joie et on en oublie les imperfections - même si la nostalgie opère grave, ce témoignage est une réussite, pour ce qu’il est : deux heures passées avec l’un des groupes de hard-rock les plus flamboyants que le monde ait jamais enfanté.

Quant au choix de l’endroit, de toute évidence, David Lee Roth est devenu japanophile. On ne sait pas s’il s’abreuve chez les collégiennes nippones rayon groupies (après avoir épuisé toutes les bimbos siliconées et autres California girls), mais en tout cas, à soixante balais le fougueux frontman a depuis longtemps rasé sa crinière fauve, mais s’est récemment fait recouvrir le corps de tatouages façon yakusa. Les amateurs apprécieront : c’est réellement impressionnant ! De plus, Mr Roth semble à l’aise avec son japonais lorsqu’il s’adresse au public sur scène à Tokyo : on ne sait pas trop ce qu’il raconte, mon lecteur CD est dépourvu de sous-titres, mais l’homme est connu pour ses tirades iconoclastes, avec ou sans Jack Daniel’s. Peut-être le saké est-il sa nouvelle tisane de sexagénaire toujours aussi décomplexé…

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
Ses autres publications

1 commentaire

User
Philippe Alexandre
le 06 avr. 2015 à 20:29
100% d'accord avec cette chro dans ses propos négatifs comme les positifs. Bon Dieu que ça fait du bien!!!
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