4 mai 2015, 18:37

THE ALMIGHTY

Rééditions "Blood, Fire & Love" et "Soul Destruction"

Revenu sur le devant de la scène en menant de front BLACK STAR RIDERS, incarnation au patronyme revisité et approprié de THIN LIZZY, Ricky Warwick était, au firmament des années 90, le leader déjà bien tatoué (et pour le coup irlandais…) d’un gang d’écossais assez agressifs mais terriblement rock’n’roll, THE ALMIGHTY. Sur une base complètement punk, le quatuor élabore finalement une approche heavy-rock musclée qui ne renie aucunement ses racines, en restant bien intègre mais en proposant de gros chorus accrocheurs habilement distillés à travers  une gorge éraillée à vif, érodée au whisky écossais et aux clopes de contrebande. En injectant de bonnes rasades hard-rock, THE ALMIGHTY se rapproche considérablement de leurs modèles MOTÖRHEAD, et séduisent à l’occasion certains fans de THE CULT ou d’AC/DC - surtout la frange des purs et durs, peu enclins aux inclinaisons commerciales et FM de bon nombre de groupes moins regardants sur leur éthique…

Flashback : mon premier souvenir de virée backstage remonte à 1995. Je suis au Dorémi, un tout petit club de Bordeaux, et passe une soirée de février à applaudir l’un de mes groupes fétiches de l’époque, THE ALMIGHTY, alors en ville au cours de leur tournée « Crank ». Après le concert incendiaire, je me permets de rester quelque peu, parmi les roadies qui déchargent les amplis et matos dans leurs flight-cases, évoluant péniblement dans cet endroit si exigu. Au bout d’un petit moment, leur guitariste Pete Friesen, recruté depuis deux ans, descend faire un tour et s’approche de moi : comme dans Wayne’s World (il était alors le guitariste d’Alice Cooper sur les tournées « Trash » ainsi que « Hey Stoopid », et donc présent dans le film mythique !), il me propose de m’emmener dans les loges et de rencontrer ainsi le reste du groupe. Je passe alors un bon moment avec Stump Monroe, Floyd London, Pete Friesen et Ricky Warwick, désormais séparé de sa femme Vanessa Warwick, la VJ égérie de Headbanger’s Balls sur MTV UK. Les quatre musiciens me signent alors tout ce qui traîne, et me laissent alors un souvenir impérissable.

C’était en 1991 que je tombais dingue de leur biker-rock velu et écorché, grâce au clip « Devil’s Toy » diffusé -oui- tard dans la nuit sur M6. Quelques semaines plus tard, c’est grandma’ qui m’offre l’album « Soul Destruction » pour Noël, skeud qui alimente une bonne partie de la fin de mon adolescence… Cet album est un monument de heavy-rock couillu, en lequel bon nombre d’espoirs furent placés outre-Manche : on leur souhaite alors une carrière à la GUNS N’ROSES… Il n’en sera rien malgré une poignée d’excellents disques, dont ce « Soul Destruction » qui incarne l’acme et l’essence absolue de leur formule, aussi mordante que séduisante et virile. « Crucify » déboule dans une déflagration de batterie et les morceaux de choix s’enchainent alors sans répit : le single « Free’n’Easy », le tonitruant « Love Religion », le génial « Joy Bang One Time » ou ce « Devil’s Toy » désarmant avec son introduction acoustique aux aspects sudistes mais qui se transforme , bim bam boum, en uppercut bien gras et mid-tempo ! Une (re)découverte d’autant plus éloquente que le mastering permet enfin de s’en prendre plein la gueule, là où il s’avérait quelque peu faiblard sur sa première édition. « Soul Destruction » en 2015, c’est la claque assurée, d’autant qu’il n’a pas pris une ride : le rock’n’roll de THE ALMIGHTY étant clairement intemporel.

Pour commémorer ce disque hélas aujourd’hui oublié, le label Spinefarm Records se permet une réédition de premier choix via la collection Deluxe de Universal : package digipack et surtout un deuxième CD de bonus qui ne satisfera que les fans. Fans only puisque hormis les très dispensables versions "edit" ou "radio" des singles-clés, on se régalera de deux morceaux inédits issus des mêmes sessions, à savoir « Bad Temptation » et « Wild Road To Satisfaction », ainsi que de la reprise du « Bodies » des SEX PISTOLS, déjà disponible à l’époque sur un autre support. A noter que l’album fut d’ailleurs produit par Andy Taylor, jadis guitariste de DURAN DURAN, mais pour un résultat assez bluffant !!! Fort, gras, lourd, puissant, tout en étant magnifiquement mis en boîte - malgré un son de batterie peut-être un poil too much pour les plus pointilleux. En sus, l’on retrouve une version acoustique de « Hell To Pay », et trois titres enregistrés sur les routes anglaises en 1991.

Les fans transis seront aussi ravis de voir le premier album de THE ALMIGHTY bénéficier de la même formule : « Blood, Fire And Love », sorti en 1989, offrait déjà de très sérieux espoirs en se faisant remarquer chez les anglais, sans pour autant s’imposer dans les charts. L’album est plus cru et moins retentissant que son illustre prédécesseur, mais augure déjà un style frondeur et dénué de tout compromis commercial. A l’époque, une certaine frange "extrême" de la scène hard se braque contre tous les caniches poudrés ayant lâchement vendu leur âme, et la charnière entre les années 80 et les années 90 voit ouvertement se profiler d’excellents groupes, anglais comme américains, qui se démarquent du lot en mettant effrontément en avant leurs signatures : sleazy, punk, biker, metal. Leurs noms ? WARRIOR SOUL, CYCLE SLUTS FROM HELL, SEA-HAGS ou encore les méconnus et excellents CIRCUS OF POWER, qui annoncent plus tard l’arrivée des BACKYARD BABIES ou des WILDHEARTS dans un esprit similaire. Entre 1990 et 1993, THE ALMIGHTY fait figure de leaders en Europe au sein de ce style subsidiaire et underground, pour le grand bonheur des adeptes de MOTÖRHEAD.

Pour la nouvelle réédition de « Blood, Fire & Love » (pourtant déjà disponible chez Bad Reputation il y a peu…), même traitement : décorum Deluxe, et cette fois triple galette. Est en effet adjoint le fameux album live « Blood, Fire & Live » qui suivait l’album dans la foulée en 1990 (avec sa reprise de BACHMA TURNER OVERDRIVE, « You Ain’t Seen Nothin’ Yet »), ainsi qu’un copieux CD de raretés, honnêtement plus ou moins appréciables : des démos, des B-sides sympathiques (« Love Me To Death », « Good God Almighty » !), des remixes assez mous, datés et inutiles, des lives déjà connus, une version "metal" de « Blood, Fire & Love », ainsi qu’une bonne grosse pelletée de lives des Friday Rock Show Sessions.

Au final une excellente nouvelle, ces rééditions venant à la fois satisfaire les vieux fans du groupe avides de bonus, réévaluer un groupe quelque peu oublié et mésestimé, tout en accompagnant l’exposition assez médiatisée de l’irish punk qui a troqué ses perfectos pour le rôle de successeur à son héros Phil Lynott au sein des BLACK STAR RIDERS, qui viennent notamment de sortir un très bon deuxième album.

On croise les doigts pour que pareil traitement soit opéré sur l’autre monument de leur trop brève carrière, l’excellent « Powertrippin’ » sorti en 1993 en pleine vague grunge, et dont il emprunte les sonorités plus dark et expérimentales, tout en souhaitant surfer sur son succès croissant et sur une époque porteuse… en vain hélas, le suivant « Crank » étant un glaviot punk plutôt amer et percutant, qui verra le groupe se cantonner aux clubs minuscules et intimistes - pour le bonheur de certains.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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