Pourtant, il partait d'une bonne intention, ce post nocturne, hier soir.
Souligner le caractère exceptionnel d'une "une" sur Lemmy au lendemain de sa disparition par un quotidien national français.
Et simplement rappeler qu'il serait tellement mieux de célébrer les grands de la culture rock de leur vivant qu'honorer leur mémoire, une fois morts.
Sous entendu, en leur consacrant des couvertures tant qu'ils peuvent en profiter.
Bah oui, l'Histoire a suffisamment été nourrie de poètes maudits et de peintres ruinés, qui ont fait la fortune de leurs ayants-droits et des salles de ventes, une fois reconnus post-mortem.
Sur ce, je suis allé me coucher.
Ce matin, déferlante sur la page Facebook de HARD FORCE et nous voici pris entre le marteau et l'enclume, ce qui, pour une entreprise métallurgique ne devrait logiquement pas nous jeter dans le malaise qui a suivi.
Et pourtant.
Excès de Jack D., hier, ou problème plus profond qui rend certains d'entre vous agressifs, aigris et même haineux ?
Quelle mouche a piqué tous ceux qui ont commencé à dégueuler (excusez-moi, il n'y a pas d'autre terme) sur notre page Facebook tout leur fiel sur la presse en général, Libé en particulier, ses lecteurs n'en parlons pas (et vas-y que je te serve du "bobo gaucho" comme si le lectorat de ce quotidien se limitait à une caricature).
Et puis, c'est comme les lasagnes, on superpose les couches, et toute idée sensée devient inaudible entre deux remarques crasses, de celui qui aura la posture la plus rebelle à cracher sur le système, à parler au nom de Lemmy ("il n'aurait pas fait ci, il n'aurait pas dit ça"), à dénigrer jusqu'à l'absurde la démarche étonnante et courageuse, un 30 décembre, d'un média national qui assume un choix éditorial de "une" et quatre pages sur le plus mythique bassiste du heavy metal.
C'est formidable la façon qu'ont certains d'adorer détester et vice-versa. (im)Posture !
Alors, comme ça, Lemmy glorifié, c'est bien, mais non, c'est pas bien parce que c'est Libé.
Ou alors, Libé veut se faire du pognon par opportunisme (vu l'état de la presse écrite française, on s'étonne qu'elle ne mette pas MOTÖRHEAD tous les jours à l'honneur, puisque c'est une manne financière ?)
Ou encore : Lemmy détestait le star-system. Et il n'aurait jamais supporté d'être récupéré par un canard de gauchistes...
Personnellement, je ne le connaissais pas suffisamment pour oser le prétendre. Et vous ?
Je vous fais grâce - si vous avez tenu jusque-là - des dizaines d'autres commentaires déversés comme dans une fosse à purin.
Tout est de la même teneur et les rares qui savent apprécier un verre à moitié plein, plutôt qu'à moitié vide, ont eu bien du courage et toute mon admiration d'avoir tenté d'élever le débat.
Alors, pour ma part, parce que rien ne remplace, parfois, quelques données objectives, parce que ça va arracher la gueule à certains comme un coup de manche de Rickenbacker décoché dans la mâchoire, j'ai voulu voir comment la disparition de celui que vous nommez "icône universelle" avait été couverte en "une" dans le monde entier, par tous les confrères de Libé, français et étrangers, par tous les médias de la presse quotidienne (gauchos et non gauchos, ah bah oui, sinon c'est tricher), et même régionaux (ça, ça a pris du temps)...
J'ai bien dit dans le monde, ce qui inclut aussi la Grande-Bretagne d'où Lemmy était originaire et les Etats-Unis, pays où il avait élu domicile et où il est décédé.
On en reparle après cette galerie de "unes"...
En Allemagne (presse nationale)
En Allemagne (presse régionale)
En Argentine
En Belgique (presse flamande)
Au Brésil
Au Canada
En Chine
En Colombie
En Ecosse
En Estonie
En Finlande
En Irlande
En Lituanie
Au Mexique
Aux Pays-Bas
Au Pérou
En Pologne
Au Portugal
Au Salvador
En Suède
En Suisse
En Turquie
Au Vénézuéla
En Grande-Bretagne
Enfin, aux Etats-Unis (éditions nationales et régionales)
Et la France ?
Même la presse quotidienne régionale est au diapason...
Nul n'est prophète en son pays, mais il ne vous aura pas échappé qu'en Grande-Bretagne, si enviée pour le rock, seuls deux tabloïds lui auront consacré sa "une" en grand.
Le reste est anecdotique. Quel hommage !
Aux Etats-Unis, pas la moindre mention de sa disparition dans les titres principaux des journaux nationaux et encore moins dans les publications locales (même à Los Angeles), état par état (je les ai toutes vérifiées par acquis de conscience), en dehors du San Jose Mercury News.
Alors, on peut critiquer la France, se persuader du rejet du metal, du rejet du rock en général, du mépris de certains grands médias, Libération est à notre connaissance le seul quotidien au monde à avoir assumé, au lendemain de la mort de Lemmy, ce qu'aucune autre publication n'a jugé bon de faire : Lemmy, et lui seul, trônant, impérial, en première page.
Démonstration fastidieuse de documentaliste, s'il en est - mais ça tombait bien, j'étais en "congés" - pour prouver que la presse n'est pas encore totalement lisse et muselée éditorialement chez nous, qu'il ne fait pas si mauvais vivre culturellement en France, que Lemmy aura été honoré, même symboliquement, jusque dans nos journaux régionaux.
Peut-être ne vous était-il finalement insupportable que la notion de donner 2 euros à un organe "pour bobos gauchos".
Dans ce cas, privez-vous d'un vrai dossier sur votre idole et lisez un article plus succinct d'une page (intérieure) sorti dans Le Figaro.
C'est bien de droite, le Figaro ?
Mais qu'en aurait pensé Lemmy ?
(Christian Lamet)
P.S. : Et, non, je n'oublie pas l'infâme supplément que Libération avait consacré en 1982 au hard rock, pas plus que les inepties que des rock-critics généralistes ont pu dérouler pendant des décennies. Il faut juste savoir reconnaître quand le travail est bien fait.