On ne va pas revenir sur les circonstances du 13 novembre 2015. On garde désormais tous ça en nous, avec pudeur et dignité, même si pour dire vrai, il n’y a pas un seul jour où l’on n’y songe pas. Où l’on n’émet pas une tendre pensée pour ceux qui y étaient. Où l’on serre les dents. Et les poings. « Vous n’aurez pas ma haine ». Moi si. Mais pour l’expurger, on choisit le catharsis. Notre thérapie, notre sac de sable, notre sphère. Le metal, vecteur de toutes nos frustrations, de toutes nos colères, de toutes nos désillusions, mais aussi de tous nos bonheurs - et il y en a.
Le 11 juin 2003. On se souvient aussi pas mal de cette date : METALLICA avait choisi Paris comme ville où placer, puis déplacer, puis redéménager et remonter encore et encore ses flight-cases. Pensez donc : trois concerts différents dans une même journée, et dans trois salles de concerts différentes !!! Certains pensent encore que METALLICA se fout de la gueule de son public… Eh bien non. Définitivement pas : pour METALLICA, les fans ça compte. Outre la Boule Noire et le Trabendo où ils avaient ouvert et clôt cette journée historique du 11/06/2003, les METS avaient joué à 18h00 dans un Bataclan torride. Non seulement y avaient-ils enregistré le concert en intégralité, mais ils en avaient très rapidement distillé quelques extraits en "B-side" du single EP « The Unnamed Feeling », en pleine promo de leur album « St. Anger ». Quatre titres de ce concert de folie avaient donc été offerts aux fans quelques mois après cette soirée, tant la qualité de leur prestation fut exceptionnelle.
Aujourd’hui, pour le Disquaire Day, METALLICA a ressorti les bandes, intégrales, pour rendre hommage aux victimes de ce Bataclan qu’ils ont si vaillamment foulé. De leur propre chef et sous leur label Blackened, Ulrich, Hetfield & Co ont donc mis en vente « Liberté Egalité Fraternité METALLICA ! », une façon bien à eux de se sentir français (un peu plus que « pour une nuit »…!), de s’approprier nos valeurs quintessencielles, et de nous associer pleinement à leur grande famille. 20 000 CDs, appelés à devenir de vrais collectors selon le principe des objets exclusivement pressés pour cette journée particulière, sont donc mis sur le marché, et, mieux encore, les bénéfices de leurs ventes seront distribués aux familles des victimes des attentats parisiens. Une putain de belle initiative qui n’est pas là pour faire le buzz mais bien générée dans un pur élan de solidarité et d’exemplarité.
… Et encore plus pour démontrer que METALLICA en live, c’est définitivement imparable. Bien sûr, compte tenu des circonstances particulières de cette journée d’été de 2003, le groupe n’avait livré que des shows d’1h10 – mais trois fois. Les parents nous bassinent avec leur canicule de 1976 : on a à notre tour fermé notre gueule en 2003 tant on a morflé. Et ça avait commencé dès le mois de juin !!!! Car on se rappelle parfaitement de la chaleur écrasante de cette journée, et encore plus de la fournaise à l’intérieur du Bataclan. Fournaise d’ailleurs récurrente et réputée, tant l’air y était traditionnellement irrespirable. Mon ami John Garcia, ex-KYUSS, et qui habite au fin fond du désert Mojave (moyenne à l’année : 40 degrés, 25 au plus frais, 50 à l’heure du pastis), m’avait d’ailleurs confié en sortant de scène de ce même Bataclan, qu’il n’avait « jamais eu aussi chaud de toute sa putain de vie ». Tu m’étonnes !
Les fans amassés ce 11 juin-là étaient déjà ruisselants, collants et odorants lorsque Lars Ulrich, Kirk Hammett, le petit dernier Robert Trujillo et James Hetfield prirent possession de cette si petite scène – en comparaison avec leurs terrains de jeux habituels. Et commencer par un set intimiste devant 1 200 personnes par "The Four Horsemen", ça calme sec – enfin, façon de parler. METALLICA en club ou un rêve véritablement humide sublimé par une proximité incroyable, et surtout une ferveur inédite. Le groupe s’en souvient encore, les fans restent émus : d’autant que la set-list, courte et directe, ne s’adressait pas aux fillettes. Pas vraiment dans le thème late-afternoon en acoustique où ils iraient reprendre "Nothing Else Matters" en unplugged.
Non, pas vraiment – méchamment old-school même : trois titres de « Kill’Em All » ("The Four Horsemen" donc, "No Remorse" et "Seek & Destroy"), deux titres de « Ride The Lightning » ("Fade To Black" et "Ride The Lightning"), deux titres monstrueux de « Master Of Puppets » ("Leper Messiah" - la vache !!! - et le très méchant "Damage Inc." en final démolisseur), un titre de « …And Justice For All » ("Blackened"), et enfin "Frantic", quand même, pour justifier la sortie de « St. Anger ». Pendant 70 minutes, les mecs avaient joué comme si leur vie en dépendait, punk-style. Et à travers cette captation sans overdubs, crue, rêche, brute, intense mais surpuissante (et même moite, on dirait : il y a de la condensation sur les grilles de mon ampli), METALLICA nous livrait une définition absolue de son art, et même une définition - euh - définitive de ce que le metal se doit d’être.
Rarement avions-nous dû transpirer ainsi, au point de respirer de l’air chaud, lourd et épais, façon hammam. Quels souvenirs… On y était et ces moments font partie des plus beaux souvenirs de concerts parmi quelques centaines d’autres… Et l’excitation éprouvée en sortant à l’air libre sur le boulevard ne fit que redoubler instantanément en réalisant qu’on allait revivre ça trois heures plus tard au Trabendo !!!