14 juin 2016, 08:36

NO ONE IS INNOCENT

Interview Kemar


Lors de notre arrivée, Kemar termine une session photos. Je porte un sweat IRON MAIDEN et il m’adresse les "devil horns" en guise de bienvenue. Alors avant de débuter l’interview, nous discutons – forcément ! – de MAIDEN, et notamment de Paul Di’Anno, son chanteur préféré dans ce groupe et qui incarnait pour lui cet esprit punk et rock à la fois. Rageur. Tout comme l’est encore et plus que jamais NO ONE IS INNOCENT après plus de vingt ans de carrière. Kemar est un homme passionné, passionnant. Entretien-fleuve.

 

L’album live « Barricades » est sorti mi-mai. Comment va le bébé ?
Kemar : J’ai eu des nouvelles hier justement à ce sujet  et il paraît qu’il se porte bien. On le sait aussi par tous les commentaires que l’on a autour de nous et il est déjà super bien accueilli. Et puis je pense surtout qu’entre le concert et le documentaire qu’on a proposés, les gens ont compris l’importance de ce concert. Et c’est ça qui était important pour le groupe. Que les gens comprennent que c’était plus qu’un simple concert.

Avez-vous ressenti plus de pression que d’habitude au moment de monter sur la scène de La Cigale ce soir-là ? J’entends par là entre le stress d’un enregistrement et celui du contexte très frais des attentats du 13 novembre (le concert a eu lieu 15 jours après) ?
Complètement. Car tout d’abord, quelques jours avant ce concert, on ne savait pas si on allait monter sur scène, si la date allait être maintenue. Du côté de notre tourneur et de notre maison de disques, il y avait beaucoup d’interrogations. En plus, il y a tout ce qu’il s’est passé les quinze jours qui ont suivi les attentats et qui nous ont fait nous demander si les gens allaient avoir la force de venir à ce concert. On est NO ONE et pas vraiment light dans ce que l’on raconte. On a une certaine image, donc ça peut être un risque. Et puis le jour dit, on s’est dit que les gens avaient eu énormément de mérite de venir assister à ce concert.
 

Et d’envie je pense ?
Et d’envie oui. C’est le meilleur cadeau que tu puisses avoir en fait. Mais en même temps, quelque temps avant le concert, lors de sa préparation, on a eu envie que les gens de Charlie Hebdo soient présents avec nous sur scène. Tu vois, on s’est rajouté des emmerdes (rires). Mais heureusement, on est tombé sur des gens hyper concernés et que l’on connaît aussi depuis longtemps. Ce n’était pas la première fois que l’on jouait à La Cigale. On a dû y passer une dizaine de fois, c’est un peu notre jardin. Donc il y a eu Corinne de La Cigale qui nous a beaucoup aidés, pareil pour les services de sécurité de Charlie Hebdo, sur l’armée qui est venu sécuriser au dehors, notre tourneur et notre label qui nous aussi soutenus et puis il y avait aussi des flics en civil dans la salle. Le soir du concert, La Cigale a probablement été l’un des endroits les plus sécurisés de Paris. Et ce qui nous importait en fait, c’est cette envie de jouer et d’oublier alors complètement la captation pour être honnêtes. On n’était pas du tout dans cette optique, la captation, l’enregistrement, les équipes techniques, la lumière, etc. On était archi-concentrés sur ce qu’on allait jouer et l’importance de jouer ces titres ce soir-là. Et puis on prend quand même conscience les jours qui précèdent ce concert que c’est plus que cela. Et que ce « Même pas peur » qui a été gueulé par plein de gens soit retranscrit en musique avec ce concert. On était à un instant T où on fait un concert qui, à travers nos textes, défend la liberté d’expression, la laïcité. Deux thèmes parmi d’autres qui ont été présents depuis les débuts du groupe, par tout ce que l’on a pu faire : les concerts contre le Front National, la défense des sans-papiers ou encore auprès d’associations anti-nucléaires. Donc oui, on a vraiment pris conscience de l’importance du moment.

Avez-vous hésité à proposer à Coco et Marika de monter sur scène pendant le concert ou cela vous semblait-il cohérent (une évidence même) avec la présence sur la set-list du morceau “Charlie” (et particulièrement donc sur cette date parisienne et le fait d’enregistrer) ?
Déjà premièrement pour nous, ne pas écrire “Charlie” aurait été une faute professionnelle et c’en aurait aussi été une de ne pas inviter ces personnes-là qui, depuis janvier dernier, n’ont pas été une seule fois invitées lors d’un concert d’un artiste afin de s’exprimer. Alors oui, leur quotidien était plutôt d’être invitées à des trucs guindés, des rencontres avec d’autres dessinateurs, enfin plein de trucs institutionnels. Mais elles n’ont pas été invitéss dans le monde de la musique. Alors évidemment, il y a eu juste après les attentats un truc sur France 2 avec toute une ribambelle de chanteurs qui viennent pour rendre un hommage à Charlie. Alors je ne leur jette pas non plus la pierre mais nous, ce qu’on voulait leur donner, c’était un message pendant notre concert : vous êtes importants, venez prendre une dose d’amour, d’affection devant 1 300 personnes qui ne sont là pas que pour nous mais aussi pour vous et pour défendre la même chose que vous. Mais aussi pour lancer le message, à savoir : qu’est-ce que fout le monde de la musique ? Le cinéma fait le boulot, le théâtre fait le boulot, la musique euh… Il est où Bernard Lavilliers ? Et Renaud, il ne pouvait pas faire un concert et inviter les gens de Charlie Hebdo ? Tu vois, il y en a certains comme ça. Pour nous, ça montre qu’il y a vraiment un double discours. D’un côté, on va sur un plateau de télé et on dit « Je suis Charlie » et puis il y a derrière.
 

« Déjà premièrement pour nous, ne pas écrire “Charlie” aurait été une faute professionnelle et c’en aurait aussi été une de ne pas inviter ces personnes-là qui, depuis janvier dernier, n’ont pas été une seule fois invitées lors d’un concert d’un artiste afin de s’exprimer. » – Kemar


L’attitude et l’engagement au quotidien ?
Oui mais pas seulement, dans ton métier d’artiste surtout. Tu te rends compte ? Il y a eu l’attentat de Charlie Hebdo, ceux du 13 novembre. C’est à la fois la laïcité, la liberté d’expression, une salle de rock, un groupe de rock, des terrasses de café où les gens prennent du bon temps. C’est la culture qui est touchée là, qui a été ciblée. Elle est où la réponse ? Et à part nos potes de MASS HYSTERIA, TAGADA JONES, tous ceux considérés un peu comme des OVNI dans le paysage musical français plutôt incarné par Brassens, Ferré et Barbara, eh bien nous on fait le taf. On a été invités sur France Inter dans une émission de Didier Varrod, émission où justement ils évoquent ce qu’il s’est passé au Bataclan, dans le monde de la musique et qui se questionnent : « Et après ? Et maintenant ? Que va-t-il se passer ? » Donc, nous avons été invités et on a pris un peu notre revanche à ce moment, tu vois. Parce que parmi tous les artistes qui étaient invités, il n’y en a pas un qui a fait un morceau sur la liberté d’expression, la laïcité. Si tu es invité à une émission comme ça, tu viens jouer un titre qui est en rapport avec le thème, pour montrer que tu es concerné. T’as Julien Doré qui vient chialer devant un micro et son piano pendant 3 minutes. Le mec, il ne dit même pas un mot, il se barre direct. Il y a plein d’incohérences je trouve. Mais Didier Varrod nous a invités. Parce qu’il nous connaît depuis longtemps, parce qu’il sait que nous, clairement, on défend le thème de son émission avec notre musique. Et puis au micro, on a dit que c’était super d’avoir été invités mais que c’est rare. Et que nous, ainsi que nos copains qui abordent les mêmes thèmes, sommes complètement absents des ondes. Donc c’est bien de nous inviter mais en fait, on nous appelle quand la maison brûle, c’est ça ?

De “Barricades” à “barricadés”, il n’y a qu’un accent de différence. Je n’ai pu m’empêcher de faire ce rapprochement avec la tragédie du Bataclan. Que t’évoque cette analogie ? Etait-ce inconscient ou peut-être suggéré de façon subliminale ?
Non, c’est pas forcément subliminal. Barricades, c’est un mot qui symbolise à la fois tout notre parcours depuis vingt ans. Ensuite, on sort le live en mai et il y a aussi la symbolique de mai 68, les mecs qui étaient derrière les barricades. Et puis je pense que c’est un symbole de résistance, oui c’est surtout ça.
 


Pourquoi avoir intégré le documentaire « Dans la peau de Propaganda » au live plutôt qu’à l’album concerné ? Cela avait-il plus de sens de le proposer maintenant ? Est-ce qu’il s’est fait après ou bien tout simplement pour apporter un contenu supplémentaire au live ?
Oui complétement.

Popy (guitare) : Et puis ça retraçait la tournée. Parce que Barricades, c’est quand même un live donc c’est le cheminement avant La Cigale. C’est le parcours de tout l’album mais aussi de la tournée.

Kemar : Et puis, faire un documentaire uniquement sur ce qu’il s’est passé en studio, c’est chiant. C’est vrai quoi. Moi, en tant que fan, j’aurais rêvé de voir des sessions studio de Zack De La Rocha en train de chanter les titres du premier album de RATM (NDR : Rage Against The Machine). Ça pour moi, c’aurait été ultime.

Oui, mais il y a quand même des gens qui sont fans de NO ONE et qui, justement, sont contents d’avoir ce plus que tout le monde n’apporte pas.
Ouais c’est vrai mais il faut avoir quelque chose à raconter. Parce que l’histoire d’un album vue simplement en studio ou en répétitions, pour nous, il n’y a pas assez de contenu. Il faut vivre des choses pour pouvoir le raconter ensuite. Faut vivre ! Et vivre à un moment donné, c’est un Stade de France avec AC/DC, partir en tournée, raconter pourquoi on a invité les gens de Charlie Hebdo à monter sur scène à La Cigale, comment les gens, après avoir bien écouté « Propaganda », ont compris ce qu’on voulait exprimer. Et là, tu as quelque chose à raconter !
 

« Fondamentalement, on est un groupe de rock. Enervé, mais on est un groupe de rock. L’ADN de ce groupe, c’est des albums d’AC/DC, BLACK SABBATH, MOTÖRHEAD, SLAYER. » – Kemar


Il est indiqué dans ce documentaire par plusieurs intervenants que votre album « Propaganda » était le plus rock, le plus “NO ONE” et probablement le meilleur. Ce qui place la barre haut pour son successeur. Est-ce que vous poursuivrez dans cette voie (brute, rock) ou bien êtes-vous ouverts, comme vous l’avez fait par le passé, à d’autres possibilités ?
Ecoute. Fondamentalement, on est un groupe de rock. Enervé, mais on est un groupe de rock. L’ADN de ce groupe, c’est des albums d’AC/DC, BLACK SABBATH, MOTÖRHEAD, SLAYER. Tu peux dire que SLAYER, c’est un peu loin de nous mais la base de ce groupe, elle est très punk rock finalement. Et nous, on est de cette tradition-là. On n’est pas un groupe de metal parce qu’on est incapables d’être un bon groupe de metal mais nous, on va vers notre ADN de musique. Et nous, c’est aussi THE STOOGES, ça peut être aussi « Kill ‘Em All » de METALLICA parce que…

C’est l’énergie en fait ?
Ouais c’est ça. Le rock, teinté de punk et avec une idée de transe. Nous, on est fondamentalement là-dedans.

Oui mais pour moi, et par le fait de vous avoir déjà vus sur scène, vous êtes plus metal que certains groupes dits metal. J’ai senti plus d’énergie, c’est plus rentre-dedans...
Je ne suis pas d’accord avec toi. Etre metal, c’est avoir un son metal.

Popy : Toi, tu voulais dire plus dans la rage en fait.
 


C’est ça oui. Dans l’énergie qui s’en dégage.
Kemar : Ouais OK, je comprends. Tu peux avoir un groupe de metal qui a le son mais ne dégage aucune énergie avec 4-5 mecs plantés sur scène que tu vois comme ça et qui font la toupie. Nous, on n’est pas dans cette tradition. Personnellement, en tant que chanteur, les gars qui m’ont donné envie de faire ce métier, c’est des mecs comme Iggy Pop, Mick Jagger, Bon Scott, Paul Di’Anno aussi comme on en parlait tout à l’heure, c’est des lead singers rageurs. C’est aussi le moment où De La Rocha déboule avec RATM et où moi, j’ai les premières compos depuis un an avec NO ONE. Voilà, c’est ces mecs-là. Puis après, dans d’autres styles de musique mais qui dégagent aussi une énergie délirante, c’est des Otis Redding, des James Brown, des Fela, Bob Marley. Parce qu’il faut comprendre un truc. Ces quatre mecs que je viens de citer, ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas un son rock "vénèr" ou metal qu’ils ne dégagent pas autant d’énergie. Et ce serait bien que la nouvelle génération qui écoute du metal, qui écoute MASTODON, MESHUGGAH, tout ce que tu veux, MEGADETH, etc., aille un peu écouter, regarder ces mecs-là parce que… Tu vois, moi je parlais une fois à un pote de l’époque où j’ai découvert Coltrane et je lui disais que lorsque j’écoute Coltrane au casque, j’ai l’impression d’écouter un album de SLAYER. OK, c’est pas le même son mais la transe, elle est là. Même NIRVANA. Je ne sais pas, il y a quelque chose… C’est des mecs, ils sont habités.

Et qui vont dégager de fait une puissance supérieure à des groupes énervés, c’est ce que je te disais tout à l’heure.
Après, chacun fait ce qu’il veut mais nous, NO ONE, on est dans cette culture-là. Donc oui, je comprends ce que tu dis. Tu peux avoir un groupe qui joue plus fort mais qui ne va pas avoir l’intensité. Peut-être que SLAYER joue plus fort que RATM mais à un moment, tu ne vas pas te prendre la même claque. Pourtant, j’adore ces deux groupes.

Disons que la claque n’est pas la même mais que tu en prends deux aussi. On a souvent évoqué la similarité de ton groupe avec TRUST de par son côté engagé, politique (jusqu’à un certain point) et revendicatif. En 2016, la situation est la même – sinon pire – en bien des points qu’au début des années 80. Penses-tu qu’il est-possible de durcir encore le ton de tes paroles  (quand bien même tu les adaptes déjà au climat ambiant) au risque de tomber éventuellement dans une violence verbale ? Jusqu’où peut-on aller ? Te fixes-tu des limites ?
La seule limite que je me fixe dans l’écriture, c’est de bien écrire. La devise, c’est « Ecris bien » et pour moi, la vulgarité dans le texte n’a pas trop lieu d’être. En tout cas, depuis vingt ans, ce n’est pas la vulgarité qui a primé et qui a été plébiscitée. Un mec comme Bernie (Bonvoisin, chanteur de TRUST), il n’a jamais eu  besoin d’être vulgaire pour faire passer ses messages. En fait, j’estime que la vulgarité est extrêmement éphémère, ça vieillit très mal.
 

« Le jour où je n’arriverais plus à être moi-même sur scène physiquement et à ne plus ressentir l’énergie des titres de NO ONE comme je les ressens encore actuellement alors là, je suis mort. » – Kemar


On vous l’a sûrement faite auparavant mais qu’est-ce qui attise encore “Le Feu” chez NO ONE après toutes ces années ? Aucune lassitude, pas de sentiment de vous battre contre des montagnes ? L’envie est-elle toujours intacte, peut-être même plus forte encore qu’auparavant ?
Notre taf tu vois, c’est de faire de la musique et d’écrire des chansons. Et quand t’as toujours ce besoin là, ce désir, cette envie tous ensemble d’écrire des chansons, la machine elle continue. Ça peut être une souffrance par moment, comme au début de l’écriture de « Propaganda », je l’ai dit. J’embarque le groupe dans une direction qui n’est pas la bonne, tu sens qu’il n’y a pas d’enthousiasme, on se fait chier quand on se retrouve à jouer. Mais quelque part, c’est bien des fois de passer par là pour ensuite inverser le cours des choses. Mais tant qu’on aime faire de la musique ensemble, il y aura toujours des chansons, du texte dessus et je crois que le vrai moteur il est là.
Un groupe qui a du mal et dont les membres ne s’aiment plus, il peut plus écrire de chansons. Ou alors il en écrit, mais pas des bonnes et ça se sent. Tu fais tourner la machine juste parce que tu as une notoriété. Moi ce que je dis, c’est que le jour où je n’arriverais plus à être moi-même sur scène physiquement et à ne plus ressentir l’énergie des titres de NO ONE comme je les ressens encore actuellement alors là, je suis mort. Pour dire, dans l’histoire du groupe, j’ai dû faire 5-6 concerts avec un mal de dos acharné. Et puis tu montes sur scène et tu dis à ton ingé-lumière de tout mettre à fond. Simplement pour te chauffer le dos tu vois. Ensuite, tu sors de scène, t’es miné. Nous, on dit souvent qu’on monte sur scène comme si c’était le dernier concert. Mais dans un cas comme ça, tu descends et tu te dis que t’aurais dû rester chez toi.
 

C’est humain pourtant.
Ouais, c’est humain mais c’est à la fois pour respecter les gens qui sont en face de toi et pour te respecter toi-même. Pour être en phase avec ta posture dans ce groupe. Si on a un Popy ou un Shanka (le guitariste) à moitié, (les dents serrées) putain… moi ça me brise le concert.

J’ai assisté à un concert sur votre première grosse tournée en 1995, à La Clef de St-Germain-en-Laye pour être précis.
Ah ouais, je m’en souviens de ce concert.

Et à un moment, tu as dit au public un truc comme « Eh, vous dormez ou quoi ? ». Le résultat : slam de malade sur le titre suivant, envolée de panards et rampe de lights pétée. Du coup, à la fin du morceau, tu as demandé au public de se calmer et que tu avais bien compris qu’il était chaud. Ceci afin d’en venir à ma question : évitez-vous désormais des salles pouvant être basses de plafond ?
(Faisant mine de réfléchir)… Non (rires), pas forcément. Même si ça devient de plus en plus rare, tu t’en doutes.

Mais si ça se reproduit, tant pis. Envolée de panards et on devine la suite… (rires)
Mais ouais ! Regarde dans le DVD au moment de “Drugs”, c’est le moment où pour le public, on ne va pas leur demander de chanter, parce qu’on n’est pas dans un concert de reggae ou je ne sais pas quoi. On ne va pas faire des « Wo-yoy ! » Mais par contre nous, ce qui nous fait kiffer, c’est qu’il y ait une partie des gens qui viennent sur scène et de sentir les gens à côté de nous. C’est notre façon de dire qu’à chacun de nos concerts, il se passe quelque chose de différent. C’est un élément parmi d’autres, je ne dis pas que c’est le seul moment où il se passe quelque chose. C’est pour ça qu’on fait ce métier, pour qu’il se passe des choses, qu’il y ait de l’inattendu, de l’improbable. Nous, c’est ça qu’on cherche.

Un petit plus pour le public et qui le vit comme un remerciement.
Ouais c’est ça ! Mais à la limite, on trouve ça normal. Alors qu’il y a plein d’artistes qui sont super flippés, leurs pédales, leurs amplis, leurs machins. Nous, on a vécu des moments où les gens se sont écroulés sur la batterie. Qu’est-ce que ça représente ? C’est rien de grave. Trois micros qui tombent ou trois cymbales, qu’est-ce que c’est ? C’est rien ça. Nous, on vit pour ça !

Garder ce pur esprit rock.
Oui, parce qu’on vit pour que les gens qui viennent à nos concerts, ils en sortent et se disent « Putain, il s’est passé quelque chose ». Moi, en tant que fan, quand je vais voir des concerts, c’est ça que j’ai envie de vivre. J’ai eu la chance de voir le premier concert de RATM à Paris à l’Elysée-Montmartre fin 1992 avec SUICIDAL TENDENCIES. Et moi à ce moment, SUICIDAL ça ne me branche pas vraiment mais j’ai deux places. Et puis mon pote et moi, on arrive en bas de la salle, on monte et on ouvre les portes. RAGE avait commencé depuis quelques minutes et là mec… Mais des moments comme ça, tu en vis trois ou quatre dans ta vie de fan, où tout à coup pendant 40 minutes, t’as vu un groupe qui va changer la face du rock. Comme les mecs qui ont vu NIRVANA à la MJC de je ne sais plus trop où, quand ils étaient passé en banlieue. Eux aussi, ils ont vu quelque chose qui a changé le monde du rock. Je ne te dis pas que ceux qui viennent nous voir c’est pareil ou que j’ai la prétention de dire qu’on a changé la face du rock mais simplement qu’au moment où tu montes sur scène, c’est pour qu’il s’y passe quelque chose.

J’ai pour habitude laisser carte blanche pour la dernière question. Un mot donc pour tous ceux qui liront cette interview ?
Je ne veux pas passer pour le “old school” de l’affaire mais…

Pourtant, « old is cool »…
Ouais ! (rires) C’est un bon T-shirt ça. J’ai envie de dire aux jeunes qui sont dans leurs locaux de répétition, dans leurs caves, etc. Reprenez la langue de Molière, comprenez que des groupes comme TRUST, comme les BÉRURIER NOIR ou comme ADX, SORTILEGE, ces mecs-là ou encore TAGADA JONES, MASS HYSTERIA, LOFOFORA, etc. Ces groupes-là se sont fait comprendre de leur public par leur musique mais aussi parce qu’ils chantent en français. Et si à un moment donné, le rock, le rock “vénèr”, le metal et les groupes qui le jouent ont du mal à émerger dans leur région, c’est parce que les gens ont besoin de s’identifier. Ils sont devant vous et ont ce besoin. Et si vous arrivez à leur donner ça, vous gagnez cent fois plus ! Alors, je sais que c’est dur mais c’est comme ça que le rock, le metal et toutes ces tendances pourront prendre dix fois plus d’importance que maintenant dans le paysage musical français.



 

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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