17 septembre 2018, 10:10

Addiction positive

• Deuxième partie


L’addiction positive des artistes : un concept ? Des artistes témoignent – Partie 2

Pour ceux et celles qui n’auraient pas lu la première partie de cet article  !

Du substantif latin “addictus” signifiant “esclave” pour une dette et du verbe “addicere” qui, d’après le Droit Romain Ancien et jusqu’au Moyen Age en Europe Occidentale correspondant à une donation par jugement, d’une personne à une autre, est né le mot “addiction”. Ainsi, une personne dans l’incapacité d’assumer des responsabilités ou de rembourser des dettes contractées à l’égard d’une autre personne devenait esclave du plaignant. Il était alors condamné à payer avec son propre corps. 

Le terme “addiction”, synonyme de dépendance ou de toxicomanie, est apparu pour la première fois dans le champ de la médecine dans les pays anglophones à la fin des années 1980. L’une des premières définitions proposées pour l’addiction était qu’il s’agissait d’un phénomène qui se caractérisait par l’impossibilité répétée de contrôler un comportement, celui-ci visant à produire du plaisir ou à écarter une sensation de malaise interne, et qu’il était poursuivi en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives. De son utilisation initiale habituellement cloisonnée aux drogues, aux médicaments et à l’alcool, le terme addiction va progressivement s’étendre à différents comportements comme le sexe, l’amour, Internet, les écrans, les jeux de hasard et d’argent, les achats, la bouffe et même le travail. Des caractéristiques communes à ces différents comportements avec ou sans drogues existent. De nombreux musiciens en ont souffert, sont devenus abstinents en drogues : Nikki Sixx (MÖTLEY CRÜE), Alice Cooper, James Hetfield (METALLICA), Steven Tyler et Joe Perry (AEROSMITH), Dave Mustaine (MEGADETH)... La liste est longue. D’autres en sont morts : John Bonham (LED ZEPPELIN), Layne Staley (ALICE IN CHAINS), Scott Weiland (STONE TEMPLE PILOTS, VELVET REVOLVER), Bon Scott (AC/DC)... N’oublions pas le club des 27 avec Jim Morrison (THE DOORS), Janis Joplin, Jimi Hendrix, Kurt Cobain (NIRVANA)... La liste est non exhaustive.

Les termes “addict”, “addiction” se sont bien évidemment popularisés dans la vie de tous les jours, dans les films, dans la publicité, dans la mode… On se dit “addict” à tout et à n’importe quoi. Cependant, lorsque la passion l’emporte chez le musicien ou le fan de musique, on est bien loin de la maladie addictive que l’on connaît mais avec certaines similarités quand même sans pour autant en souffrir. J’appelle ça une “addiction positive”.

J’ai donc interrogé 19 musiciens de la scène metal nationale et internationale pour cet article en deux parties, en leur demandant de répondre à trois questions :

• Quelle est ton addiction positive ?
• Quels en sont les avantages ?
• Quels en sont les inconvénients ?

Hey oh, let’s go ! On se doute de la réponse... "And the winner is" pour 8 artistes : la musique. Mais pas que ! Retrouvez la première partie en cliquant ici.


La musique et le sport :


Niko Jones (TAGADA JONES)

Ton addiction positive ?
Sans aucun doute, c’est cette énorme addiction à la musique et à la vie en général ! Je suis assez sportif dans l’âme. Ce qui, sur le papier, est parfois incompatible avec la vie de rocker, mais je pratique toujours le judo le plus possible et ça aussi, c’est une addiction positive !!!

Les avantages ?
Je vais plus parler de la musique, l’avantage majeur, c’est que nous restons de grands enfants, d’éternels adolescents ! Chaque semaine, nous refermons la porte du camion et l’aventure reprend, on repart à l’assaut des routes, des salles, des festivals, entre potes comme lorsque l’on avait 20 ans. On profite toujours de la vie comme les jeunes savent le faire, je dirais un peu de manière inconsciente.

Les principaux inconvénients ?
(rires) Les inconvénients ? Nous restons d’éternels adolescents ! On a quand même du mal à s’acclimater aux contraintes de la vie d’adulte, il semblerait qu’on n'en comprenne pas tous les codes !!!


Raphaël Mercier (MASS HYSTERIA)

Ton addiction positive ? 
Alors l'addiction au metal et à la musique en général et au tennis aussi.

Les avantages ? 
Les bons moments que ça apporte et la nourriture spirituelle et culturelle et/ou physique...

Les principaux inconvénients ? 
... Euh, vois avec mon banquier  !


Sven de Caluwe (ABORTED)

Ton addiction positive ?
Le sport, aller à la gym et la musique bien sûr ! Les deux sont assez différents mais c’est finalement assez similaire quand on y réfléchit.

Les avantages ?   
Tous deux mettent mon corps et mon esprit à l'aise, libèrent des endorphines et créent un équilibre dans ma vie. Ils libèrent aussi ma colère et mes frustrations dans la vie quotidienne ou dans d'autres aspects de la vie. Ils sont là pour me vider la tête et voir les choses de façon plus positive.

Les principaux inconvénients ?  
Les deux prennent beaucoup de temps dans la vie de différentes manières. L'un oblige à avoir un comportement stéréotypé, l'autre ne fait que t'éloigner de chez toi et rend plus difficile le maintien de relations à différents niveaux.


Le sport :


Yann Heurtaux (MASS HYSTERIA)

Ton addiction positive ?
Je pense le sport.

Les avantages ?
C’est un exutoire qui me permet d’avoir une certaine sérénité pour gérer les problèmes du quotidien.

Les principaux inconvénients ?
Que ce soit la boxe ou la musculation, c’est comme tout ce qui est fait à outrance, on s’abime !


Mark Jansen (EPICA, MAYAN)

Ton addiction positive ?
Le cyclisme.

Les avantages ? 
Cela te maintient en forme. Tu peux apprécier la nature au maximum. Quad tu fais du vélo avec un ami, tu as énormément de temps pour avoir des conversations sympas et constructives

Les principaux inconvénients ? 
Cela coûte un peu d’argent et quand tu chutes un peu fort, t’es baisé. (rires)


Billy Graziadei (BIOHAZARD, POWERFLO, BILLYBIO)

Ton addiction positive ? 
Le ji-jitsu brésilien. Je suis ceinture noire et j’en fais depuis 1994.

Les avantages ?
Self defense, santé, bien-être, amitié et un environnement plus que positif qui me permet d’être concentré et attentif.

Les principaux inconvénients ? 
Aucun.


Autres particularités :


Scotti Hill (SKID ROW)

Ton addiction positive ? 
La méditation.

Les avantages ?
Cela a changé ma vie de différentes façons positives et cela m'a beaucoup appris sur moi-même.

Les principaux inconvénients ? 
Il n'y a pas vraiment d'inconvénients, si ce n'est peut-être qu'il faut avoir la discipline nécessaire pour pratiquer tous les jours. Parfois, pendant les tournées, c'est difficile mais je peux presque toujours trouver un peu de temps dans un endroit calme pour méditer.


Matthieu Bausson (ULTRA VOMIT)

Ton addiction positive ? 
Sur le coup, ça va paraître bizarre, mais j’ai envie de te dire l’alcool  !

Les avantages ?
Je n’ai jamais été aussi sociable, je n’ai jamais autant fait de rencontres ni même passé simplement de bons moments qu'après avoir bu un coup.

Les principaux inconvénients ? J
J'ai juste peur que ça devienne une activité quotidienne. Pour l’instant, ça va, je ne bois jamais seul  !


Freddy Scherer (GOTTHARD)

Ton addiction positive ? 
Tout ce qui (r)éveille mes sens et me permet de me sentir mieux après l'avoir fait. Musique, ski, sexe, soirées entre amis.

Les avantages ? 
Je me sens vivant. Cela me fait tout oublier, tout quitter sur le moment en étant disponible pour une seule chose plaisante.

Les principaux inconvénients ? 
Aucun.


Nyves (VENUES)

Ton addiction positive ? 
Le café.

Les avantages ? 
Plein d’énergie  !

Les principaux inconvénients ? 
Ça donne des maux d’estomac  !


Pat Fontaine (XYZ)

Ton addiction positive ? 
Le SILENCE.

Les avantages ? 
L’écrivain Elizabeth Gilbert a dit un jour : « Le silence est la seule vraie religion » et je pense que c'est un euphémisme (rires). Peut-être qu'après 30 ans de bruits de Marshall et de coups de cymbales, monter sur scène avec des murs d'amplificateurs rugissant dans mon visage, j'ai développé le besoin d'un silence complet. Aussi souvent que possible, je me retire dans des endroits où aucun son ne peut être entendu. Quand j'arrive dans un hôtel, j'insiste sur la chambre la plus silencieuse. Je continue à demander à mes amis de baisser la voix. Je chuchote. Je suis un moine dans une abbaye déserte.

Les principaux inconvénients ? 
Eh bien, la plupart des gens pensent que je suis fou ! (rires)


En conclusion, l’addiction positive est un concept possible empruntant à la passion, au plaisir, à la récompense et aux émotions positives.

Blogger : Laurent Karila
Au sujet de l'auteur
Laurent Karila
Psychiatre spécialisé dans les addictions, Laurent Karila a collaboré à Hard Force de 2014 à 2023.
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