Vingt ans : le bel âge ! Voilà un chiffre et un adage qui vont comme un gant à Garmonbozia et Fred, son heureux fondateur qui nous a consacré un peu de son temps pour prendre le temps de faire le bilan. Un bilan d'étape bien sûr puisque même si de très beaux moments ont déjà émaillé l'existence de l'organisation, nul doute que le meilleur reste à venir ! Comme par exemple le week-end du 26 et 27 octobre à Rennes où Garmonbozia réunira un prestigieux plateau (CARCASS, ENSLAVED, VADER, MISANTHROPE et 13 autres groupes) afin de souffler ses bougies !

Bonjour Fred. Avant de rentrer dans le vif du sujet, une petite minute d’explication pour ceux et celles qui ne connaîtraient pas la série 'Twin Peaks'. Que signifie le mot "Garmonbozia" ?
Garmonbozia provient effectivement de l’univers de Twin Peaks, le terme n’apparaît d'ailleurs que dans le long métrage Fire Walk With Me, même s’il est évoqué sans être mentionné dans les trois saisons de la série. L’origine du mot est par contre inconnue, David Lynch n’ayant jamais communiqué à ce sujet, et ne renvoie à aucune langue de ce bas monde. Certains spécialistes pensent que “Garmonbozia” proviendrait de la mythologie grecque et pourrait désigner la nourriture des Dieux. Comme souvent chez Lynch, c’est à chacun de donner sa propre interprétation suivant son ressenti.
Alors, comment te sens-tu à l’aube de fêter ces 20 ans d’existence pour l'organisation ? C'est le bel âge n'est-ce pas ?
Je suis très content de fêter le temps d’un week-end ces vingt années qui viennent de s’écouler. Je ne sais pas si c’est le bel âge... mais ce qui est sûr, c'est que l’enchaînement de tous ces concerts et tournées ainsi que notre participation annuelle aux principaux festivals français ont fait passer ces deux décennies à une vitesse folle ! Je suis bien évidemment très heureux d’avoir mené et poursuivi cette aventure au fil des années.
Que retiendrais-tu comme étapes-clés de sa structuration justement ?
Au départ, sans accès à Internet, il était difficile de contacter des agents et groupes, mais les échanges par téléphone et fax avec Metallysee nous ont permis d’organiser une première vague de concerts black et death Metal. Il y a eu ensuite une seconde étape importante : la rencontre avec MAGMA qui m’a permis d’avancer, puis le début d’une longue collaboration avec OPETH pour enfoncer le clou. Enfin, avoir pu embaucher une personne pour m’aider à mener à bien toutes ces missions a également été une étape cruciale.
Quel est l’évènement qui t’a fait basculer du côté obscur de la force pour passer le cap et mettre Garmonbozia sur pied ?
Le fait de devoir me déplacer systématiquement à Paris pour voir mes groupes préférés m’a donné envie de faire des concerts en Bretagne car, à vrai dire, il ne se passait pas grand-chose par ici. Il y avait toute une scène hardcore metal très importante grâce à Hardside Connection (qui deviendra par la suite Overcome Records), mais rien depuis 1992/93 et les passages de BOLT THROWER, GRAVE et ENTOMBED à Rennes. Seuls MACHINE HEAD, MESHUGGAH et MARY BEATS JANE étaient passés dans le coin en 1995. Pour l’anecdote, je recevais une copie du Journal Officiel avec le récépissé officialisant la création de l’association le matin d’un départ pour aller voir DEATH en concert au Café de la Danse à Paris en octobre 1998, c’était un signe !
Te souviens-tu de ce qui s’est passé à l’époque de l’organisation des premiers concerts de l’association ? Quelles ont été les premières difficultés rencontrées ?
Le black metal avait mauvaise réputation, forcément, cela a été compliqué de convaincre les salles rennaises pour organiser nos premiers concerts. Heureusement, l’Antipode et son programmateur de l’époque (Fred Jumel) m’ont fait confiance et j’ai pu organiser notre premier show avec la venue de MARDUK. J'avais déjà pu mener à bien une première expérience dans le cadre de mes études avec l’organisation d’un concert avec ENTHRONED aux Tontons Flingueurs, toujours à Rennes, quelques mois plus tôt, un concert d'ailleurs supervisé et parrainé par un professionnel (Hardside Connection). En dehors de ces difficultés liées à la réputation sulfureuse du black metal et par là même de rassurer les responsables des salles, tout était par contre très simple, je dirais même beaucoup plus simple qu’à l’heure actuelle !
Quel a été, à l'inverse, le premier moment où tu t’es dit : « Là, ça y est, nous sommes lancés » ?
Je me suis dit ça dès la fin de la première saison, en 1998-99, où nous avions fait jouer MARDUK, SINISTER, IMMORTAL, BENEDICTION, ENSLAVED, RITUAL CARNAGE, GOD DETHRONED, MAYHEM, VADER, NILE et tout plein d'autres formations reconnues. Le nombre de concerts et les sollicitations d’agents et tourneurs sont devenus de plus en plus importants, je recevais même fréquemment des appels de l’étranger pour faire jouer des groupes qui désiraient se produire en France, mais rien ne laissait présager que tout cela puisse devenir un jour une véritable activité professionnelle.
Depuis la création de Garmonbozia, que retiendrais-tu comme critères qui ont permis à la structure de sortir du lot ?
Au départ, comme il s’agissait d’une activité sans avoir d’emploi à charge, le maître mot était de se faire plaisir uniquement en programmant des groupes que j’aimais. De toute façon, j’étais uniquement sollicité par des agents qui représentaient des groupes qui me plaisaient : c'était parfait ! A l’époque, je ne faisais aucune promotion ciblée auprès des groupes ou labels, je me débrouillais avec mes propres moyens... et les résultats étaient excellents. Le tout avec un simple flyer, de l’affichage et le public qui semblait être au courant vu les très bons scores réalisés en termes de fréquentation. C'est certainement dû aussi au fait que le public breton était en manque de concerts ! Même si l'on peut penser que nous programmons désormais beaucoup plus de concerts dans l’Ouest qu’auparavant, il n’y avait ni Hellfest ni Motocultor à l’époque, le public breton n’était pas habitué à voir des groupes de metal extrême. Tout le monde se déplaçait quelle que soit l’affiche... ou presque !
Garmonbozia est aujourd’hui reconnu pour la qualité de son organisation et de ses affiches en matière de metal. Est-ce que l'organisation s'aventure sur d’autres terrains de jeu musicaux ?
Bien sûr. Il nous arrive d'ailleurs de programmer autre chose que du metal, et ce presque depuis le début de l'aventure. Le meilleur exemple est MAGMA, qui vient jouer tous les deux ans à Rennes, ou GONG, ANGE, ONE SHOT et HEADHUNTERS ou bien encore le festival "Jazz à Rennes" qui s'est déroulé en 2003 avec des formations et musiciens issus de la scène zeuhl. Je pense aussi à Robby Krieger et Ray Manzarek des Doors, des concerts de rock progressif et rock psychédélique… En fait, nous sommes ouverts à presque tout ! Mais il est vrai que nous sommes surtout reconnus pour nos concerts de metal extrême.

Pour cet anniversaire, comment s'est effectué le choix de ce line-up d’enfer ? Quelles relations entretiens-tu avec les groupes choisis au passage ?
Tout d’abord, comme pour nos 15 ans, le plus important est de faire plaisir au public qui nous suit ici depuis nos débuts. En ce qui concerne la programmation, je voulais également inviter principalement des groupes avec qui nous avons déjà travaillé et avec qui nous avons passé d’excellents moments, des groupes qui nous tiennent à cœur. L’idée était également de pouvoir proposer aux spectateurs des sets exclusifs avec la première venue en France de groupes comme MASTER'S HAMMER ou TORMENTOR qui, en plus de trente ans de carrière, ne s'étaient jamais produits sur notre territoire.
Si tu ne devrais retenir qu’un seul évènement depuis la création du label, lequel te viendrais immédiatement à l’esprit : le pire et le meilleur ?
Le pire : ma première collaboration avec BOLT THROWER qui avait annulé sa venue à Rennes en janvier 2002 la veille au soir, sans raison valable. Après quelques mois de discussions et des échanges plus constructifs, cette mauvaise expérience s’est transformée en collaboration exceptionnelle. D’un point de vue humain mais aussi parce que le groupe m’a montré une vision du business musical qui est la plus belle qui soit. Jamais un groupe ne m’aura autant épaté à ce niveau.
Le meilleur : organiser un concert avec les musiciens de mon groupe préféré : THE DOORS. Et avoir côtoyé Ray Manzarek et Robby Krieger l’espace d’une journée, le 4 juillet 2012 (41 ans jour pour jour après la mort de Jim Morrison) à Rennes restera quoi qu’il arrive l’expérience la plus forte qu’il m’ait été permis de vivre.
En vingt ans, qu’est-ce qui t’as le plus marqué en terme d’évolution du "marché" metal en tant que tourneur mais aussi en tant que "consommateur"? La place prépondérante du merch ou des "meet and greet" en lieu et place d’une moindre vente de CD ? La digitalisation des supports qui incitent les groupes à modifier leur approche de promo ? Le retour du format vinyle ? La disparition de certains labels et la concentration du secteur ?
Le fait qui m’a surtout marqué en termes d’évolution est la professionnalisation de ce milieu, surtout en France où nous étions un peu encore au Moyen Age dans les années 90 en comparaison avec l’Allemagne, l’Angleterre ou les Pays-Bas. Au fil des années, j'ai aussi constaté une inflation très forte des cachets des groupes, il se dit que c’est en grande partie dû aux ventes d’albums qui chutent, mais cette professionnalisation que j’évoquais y est aussi pour beaucoup. Il y a de plus en plus d’interlocuteurs et d'intermédiaires présents dans la carrière d’un groupe... qui pouvait auparavant s’autogérer. Le merchandising vendu lors des tournées est effectivement une source non négligeable de revenus pour un groupe, même chose pour les fameux "meet and greet". Certains groupes le font gratuitement pour booster la promotion et les ventes en billetterie d’un concert mais d’autres vont bien au-delà de ce qui me parait raisonnable pour le portefeuille de leurs fans.
Je pense aussi que la digitalisation des supports est une bonne chose financièrement parlant pour les maisons de disque et leurs groupes. Concernant le vinyle, je ne suis pas du tout étonné du retour de ce format, je me suis même toujours demandé pourquoi il avait disparu il y a quelques années des rayons de certains disquaires. D'ailleurs, j’avais même demandé à un vendeur FNAC à Rennes pourquoi ce format n'était plus en vente et ce dernier m’avait répondu en se moquant que le vinyle était mort et qu’il n’y avait aucune chance de le revoir !
Que vous réservez-nous pour ces vingt prochaines années ?
Ce serait énorme d’être encore là dans vingt ans, même si comme tu t’en doutes, tout va très vite dans ce milieu. L’important est de pérenniser nos emplois et continuer à se faire plaisir, de proposer aux groupes avec qui nous travaillons de bonnes conditions et continuer à proposer de bonnes affiches aux spectateurs.
Qu’est-ce que le nom HARD FORCE, plus ancien média metal en activité depuis 1985, évoque pour toi ?
Tu ne le sais peut être pas mais HARD FORCE a été le tout premier et unique partenaire de l'organisation de mon premier concert, avec ENTHRONED à l'affiche (visuel plus haut), dans le cadre de mes études. J’avais fait le tour des magazines français et seule Juliette Legouy avait validé ce partenariat. J’avais donc ensuite photocopié le logo du magazine puis l'avais collé sur notre flyer avant que ce dernier ne parte à l’impression (oui, tout se faisait à la main à l’époque !). J’étais abonné depuis 1990, d’ailleurs mon abonnement n’était pas terminé lorsque le magazine a cessé son activité. J'en profite d'ailleurs pour vous dire que si vous revenez un jour en version papier, j’espère bien recevoir les nouveaux numéros !
J’ai également apprécié lorsque HARD FORCE a mis du contenu CD-rom sur ces samplers, c’était chouette de voir des clips et autres mini reportages à une époque où Internet n’en était qu’à ses balbutiements.
De beaux souvenirs, en effet ! Encore merci pour ta disponibilité Fred, ces dernières lignes sont les tiennes : si tu as un message à passer auprès des lecteurs et lectrices, c’est le moment !
Merci à toi et HARD FORCE pour cette interview et rendez vous les 26 et 27 octobre à l'Etage, à Rennes pour fêter avec nous et les groupes ces vingt années d’existence. Une bonne partie du plateau convié proposera également un set exclusif à cette occasion, nous comptons sur votre présence ! A bientôt.
Garmonbozia fête ses 20 ans et vous attend nombreux ce week-end, les 26 et 27 octobre à l'Etage de Rennes, retrouvez plus haut le running-order des 2 jours.
Dans le cadre des festivités aura lieu la première projection en France des documentaires "Enslaved 25: The Early Years" et "Blekkmetal". Rendez-vous samedi 27 octobre, de 13h à 16h à La Jument Pavoisée. Entrée gratuite, dans la limite des places disponibles. toutes les infos à cet endroit.
Encore en vente : 2 jours • vendredi • samedi - Également disponibles à la caisse (80/40/50 €) - Billetterie.
Seront présents avec leurs stands :
• Epidemia Records
• Adipocere
• Les Acteurs de l'ombre Productions
• Slo (Metal Maniax/Sombrebizarre Productions) qui réalisera une performance artistique
Infos pratiques :
Entrée/Sortie • il est possible d'entrer et sortir de la salle jusqu'à minuit. Plus de possibilité d'entrer à partir de minuit.
Nourriture • des snacks seront en vente au bar (sandwichs triangle, chips, barres chocolatées). Le public sera autorisé à amener de la nourriture mais pas de boisson. Il vous est possible de sortir vous restaurer.
Accès et stationnement • infos ici - attention, pas d'héliport !
Garmonbozia et HARD FORCE vous souhaite de passer un excellent festival.