12 avril 2019, 10:30

ELUVEITIE

• Interview Chrigel Glanzmann

ELUVEITIE est un monument du metal par son originalité et son authenticité. Leurs morceaux sont à la fois historiquement rigoureux et émotionnellement saisissants. Après un fort bel album acoustique, le combo suisse revient avec « Ategnatos », plus personnel que jamais. Il y est question d'une réflexion moderne sur les mythes anciens au rythme de morceaux pleins d'énergie et d'introspection. Chrigel Glanzmann, chanteur et compositeur du groupe, revient sur l'écriture de l'album et son sens profond avec une naturelle sophistication.


Pour commencer, comment va le groupe ? Le line-up se stabilise autour de 9 personnes. Comment vous sentez-vous ensemble ?
Eh bien pour être honnête, on se sent bien. Cela fait maintenant trois ans que nous jouons ensemble, c'est notre deuxième album et tout semble fluide. C'est très cool !

Est-ce que tout monde a participé à l'écriture de l'album ? Ce n'est pas trop difficile de gérer toutes les idées ?
Non, ça va. On a réussi à développer une ambiance très familiale au sein d'ELUVEITIE et chacun est donc libre de s'exprimer. La façon dont nous écrivons a évolué ces dernières années et on fonctionne maintenant en tant que réel groupe, plus que jamais je dirais. Chacun apporte sa touche personnelle selon ses envies et pas forcément en fonction de l'instrument joué. Donc tout le monde a eu son rôle à jouer dans l'écriture du nouvel album : « Ategnatos ».

D'ailleurs, que signifie “Ategnatos” ?
“Ategnatos„ est le mot gaulois pour “renaissance” et c'est autour de cette idée que tourne l'album. On pourrait penser qu'il s'applique la mythologie celtique ancienne mais cela va bien plus loin que ça. On a déjà fait des albums à propos de la mythologie celtique comme « Origins » ou «  Evocation II » où l'on voulait vraiment retracer les mythes anciens de façon très fidèle. Mais sur « Ategnatos », l'approche a été totalement différente, beaucoup plus personnelle en fait. Cela ne veut pas dire qu'il n'est n'est pas historique. Tout est fondé scientifiquement et historiquement correct : c'est notre essence même. Mais l'album est une réflexion profonde sur les anciennes paraboles et allégories du monde celte du point de vue de notre vie quotidienne moderne. On ne fait pas qu'en parler, on se les est appropriées en tant qu'individus et on en présente une vision personnelle. Ça a été une expérience très intense en fait, un peu comme une expérience spirituelle. Elle nous a aussi apporté quelques surprises. L'album est en fait le résultat de ce voyage, si on peut parler de voyage. On peut considérer toutes ces images, toute cette expérience comme une renaissance. Pas dans le sens d'une vie après la mort ou d'une résurrection mais comme une allégorie de notre vie personnelle où une partie de nous vit de nouvelles expériences emmagasinées au fur et à mesure de notre existence. Nous avons puisé ces idées dans la mythologie celtique et nous l'avons appliqué à nos vies personnelles. C'est tout ce dont parle « Ategnatos »

Est-ce que tu le trouves plus profond, plus philosophique que les précédents ?
Je ne dirais pas plus profond non, mais plus personnel. Nos albums ont toujours été très historiques et aussi plein d'émotions. Lorsque j'écris les paroles, je laisse toujours la part à l'interprétation des auditeurs. Si tu prends l'album « Origins », par exemple, tu peux lire les paroles de façon très intense et elles deviendront très profondes pour toi. Si tu n'en as pas envie, tu peux juste écouter la musique sans te soucier du sens, et ce sera moins profond mais tout aussi intéressant. Tout dépend de ton état d'esprit. Donc, je ne peux pas dire qu' « Ategnatos » est plus profond, il est juste plus personnel. Il est peut-être aussi un peu plus philosophique car on ne fait pas que reprendre les paroles des anciens Druides : on les traduit dans notre monde moderne. Ceci est possible car aucun de ces vers n'a perdu de son sens de nos jours. Ils sont toujours pleins de sens et d'importance aujourd'hui. C'est aussi une des belles surprises que nous avons eue au cours de l'écriture de l'album : on s'est aperçu à quel point les mythes anciens faisaient encore partie de notre quotidien à différents points de vue. En plus d'être un album historique, c'est aussi un album de critique sociologique.
 

"En général, nos chansons sont en anglais donc si j'utilise le gaulois, c'est pour donner une dimension plus spéciale"


Pour les précédents albums, vous étiez en étroite collaboration avec des scientifiques et des historiens de façon à retranscrire au plus juste le gaulois et la mythologie celtique. Est-ce toujours le cas ?
En fait, oui et non. Oui, si on parle de la partie langue gauloise pour les paroles. Non pour le reste. On va dire ça comme ça. J'ai passé un an et demi avec des scientifiques lors de l'écriture d'« Origins » Et la réflexion personnelle menée pour « Ategnatos » n'aurait pas été possible sans ça. Donc, cet album est basé sur le travail fait lors de la création d'« Origins ».

De toute façon, tu dois devenir toi-même expert en la matière à force, non ?
Ah, je ne suis pas sûr qu'on peut me considérer comme un expert, non ! J'ai commencé à étudier la culture celtique et gauloise il y a 20 ans donc j'ai deux trois connaissances à ce propos. J'ai même été invité à l'université de Zurich pour tenir une conférence, ce qui était assez drôle et bizarre. Mais j'ai toujours besoin d'experts autour de moi et je trouve qu'on a vraiment de la chance d'avoir des gens qui veuillent bien travailler avec nous.

Ce doit être une sorte d'émulation. Ils doivent apprécier de travailler avec ELUVEITIE aussi...
En fait, c'est incroyable le nombre de metalleux dans le domaine. J'ai rencontré plusieurs professeurs d'histoire qui sont fans de metal ! C'est vraiment cool !

En parlant de collaboration, est-ce que tu peux nous parler de votre travail avec le quatuor à cordes qui joue sur l'album ?
Oh oui, c'était une belle expérience. Ils donnent un côté très naturel à l'album. Cette collaboration a été très spontanée lors de la création de l'album. En fait, on a eu très peu de temps pour enregistrer « Ategnatos ». Cela vient du fait que le studio dans lequel nous enregistrons d'habitude était déjà réservé et comme nous ne voulions pas aller ailleurs, on a dû se contenter de 4 semaines. Le résultat est parfait mais ça a été une période très stressante. A un moment, j'étais assis dans la cuisine du studio et je travaillais sur la partie orchestrale des chansons. Fabi (Fabienne Erni, la vocaliste) est entrée et j'ai commencé à me plaindre, à lui dire que je ne pensais jamais y arriver, etc., et elle m'a répondu qu'elle connaissait peut-être quelqu'un qui pourrait nous aider. Une de ses amies, enseignante en musique à l'université de Zurich et fan de notre musique est venue au studio et nous a proposé de faire jouer quelques-uns de ses élèves. Ça a été très cool pour nous mais aussi pour les étudiants. C'était très inattendu !

A propos de l'écriture des paroles, comment fais-tu le choix d'écrire en gaulois ou en anglais ?
C'est une question difficile ! En fait, ce n'est pas vraiment une chose à laquelle je réfléchis, ça me vient assez naturellement. En général, nos chansons sont en anglais donc si j'utilise le gaulois, c'est pour donner une dimension plus spéciale, excepté pour l'album acoustique bien sûr. Pour moi, cela revient à créer une atmosphère, cela donne du corps à la partie historique de nos morceaux.
 


Et est-ce que tu peux nous parler de la pochette de l'album et de ce qu'elle représente ?
Pour « Ategnatos », on voulait vraiment cette image de nature comme nous l'avions eue auparavant. J'ai commencé à chercher des représentations de nature qui comprenaient le sens de nos paroles et j'ai fini par trouver cette photo qui est sur la pochette. C'est un endroit du centre de la Suisse qui s'appelle la “grotte vulve” et qui a littéralement la forme d'une vulve. Dans les temps anciens, ces types de cavernes était des sites où se tenaient des rituels en lien avec la fertilité mais aussi en rapport avec la vie en général. On a trouvé que cette photo était très représentative de ce que l'album dépeint : la vie, la naissance, la renaissance. Elle correspond parfaitement à notre musique.

Il y a une grosse tournée qui commence, avant même la sortie de l'album. Vous devez être impatients de présenter votre nouveau-né à votre public !
Oui, on est très excités ! On a fait quelques tournées ces derniers temps mais rien d'intense comme il y a 6 ou 7 ans. On est donc très contents que tout recommence. A dire vrai, je suis un peu fatigué en ce moment car comme tu le disais, la tournée "Ategnatos" a déjà commencé et c'est assez nouveau pour nous. D'habitude, on sort l'album et ensuite on part en tournée. Donc, on a enchaîné l'enregistrement, la promotion et la tournée. On revient d'un mois de tournée en Amérique centrale et du Sud, c'était chouette. Là, on a un break de quelques semaines pour créer quelques vidéos et ensuite, on part en Australie, en Asie, puis ce sera l'été et on sera en Europe pour les festivals puis on enchaîne avec les Etats-Unis et le Canada et on reviendra en Europe dans les salles jusqu'en décembre. Et ce sera la fin de l'année déjà !

A bientôt en France alors !
Oui, super ! A très bientôt !


Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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