16 mai 2019, 19:33

Joe Bonamassa

• Interview Joe Bonamassa


© Marty Moffatt


Une légende vivante. Si le terme pourra sembler excessif à ceux pour qui le blues rock n’a pas droit de cité, les autres savent. A une heure trente de son concert marseillais, Joe Bonamassa est tout ce qu’il y a de plus détendu. En jeans et sweat à capuche, sans le costard et les lunettes noires qui constituent son look de scène depuis plusieurs années maintenant, le maestro a répondu à nos questions. Loquace et souriant, sans jamais arrêter de “gratouiller” une magnifique Telecaster vintage.
 

Joe Bonamassa est de ces musiciens qui appellent l’emploi de superlatifs. Boulimique de travail, ce surdoué américain, qui tourne environ 200 jours par an quand il n’est pas en studio, a déjà près de 40 albums à son actif en quasiment 30 années de carrière. Et pour une fois, la quantité est toujours gage de qualité. Ainsi, depuis 2016, Joe a-t-il sorti pas moins de cinq albums très recommandables : deux en solo de musique originale (« Blues Of Desperation », 2016, et « Redemption », 2018), un avec BLACK COUNTRY COMMUNION (« BCCIV », leur meilleur, en 2017), un de reprises (« British Blues Explosion Live », 2018, également disponible en DVD), sans oublier un deuxième album avec l’immense Beth Hart (« Black Coffee », 2018). Et ça n’est pas terminé puisque dès juin, il mettra un petit nouveau en route…

Sur « British Blues Explosion Live », tu rends un vibrant hommage à Jimmy Page, Jeff Beck, Eric Clapton et John Mayall & THE BLUESBREAKERS. Pourquoi cette envie ?
Joe Bonamassa : Leur approche de la guitare et du blues a redéfini le genre, d’où mon désir de leur rendre hommage. J’avais déjà joué et même, parfois, déjà enregistré certaines de leurs chansons mais jamais je n’avais centré l’intégralité de mes concerts sur ce qui est, d’après moi, des moments forts de leurs répertoires respectifs. Ce ne sont pas leurs morceaux les plus connus mais ils ont du sens pour moi.

Le titre de tes deux albums studio précédents, « Blues Of Desperation » (le blues du désespoir) et « Redemption », ainsi qu’un certain nombre de tes chansons, laissent à penser qu’il faut avoir du vague à l’âme ou aller mal pour être un authentique bluesman. Est-ce le cas ?
C’est un cycle. La vie n’est pas un long fleuve tranquille, on connaît tous des hauts et des bas. Disons que c’étaient les bons albums au bon moment. Non, il n’est pas nécessaire d’aller mal pour faire du blues, l’expérience aide. Je ne pense pas qu’il faille vivre la vie d’un authentique bluesman – SDF, qui passe d’un train à l’autre et boit du whisky à même le baril – pour être crédible. De même qu’il n'est pas nécessaire d’être âgé, même si j’ai souvent entendu dire que j’étais trop jeune pour jouer du blues…

Tes textes sont-ils toujours autobiographiques ?
Pas forcément. Il arrive que je joue un rôle. Mais je pense que les meilleures chansons sont celles qui ont une résonance et une signification particulières parce qu’elle sont personnelles. Le contact avec le public est meilleur quand on injecte une partie de soi-même dans ses morceaux.

En février dernier, tu disais dans Guitarworld.com :  « Je pourrai très bien ne plus jamais enregistrer d’album. Il est probable que je ne serai plus là dans 10 ans et évident que je ne serai plus du tout dans 20 ans » . Pourtant, tu enregistreras bientôt un nouveau disque…
Je vais avoir 42 ans demain (NDJ : interview réalisée le 7 mai), cela fait 30 ans que je fais des concerts et j’ai presque 40 albums à mon actif. Je vais effectivement enregistrer en juin à Abbey Road. J’ai joué avec les plus grands musiciens, je me suis produit dans toutes les salles où j’avais envie de jouer, j’ai toutes les guitares dont je rêve. Tous les trois ou quatre ans, je me remets en question. « Puis-je sincèrement enregistrer un album dont je serai fier et m’amuser sur scène ? » Je continuerai aussi longtemps que je pourrai répondre à ces deux questions par l’affirmative. Le jour où ça ne sera plus le cas, le moment sera venu pour moi d’arrêter. Basta ! Il sera temps de passer à autre chose.
 

« Tous les trois ou quatre ans, je me remets en question. « Puis-je sincèrement enregistrer un album dont je serai fier et m’amuser sur scène ? » Je continuerai aussi longtemps que je pourrai répondre à ces deux questions par l’affirmative. »


Combien as-tu de guitares dans ta collection ?
Je n’en ai plus que 90 environ. Il y a eu une époque, dans les années 2000, où il m’est arrivé d’acheter un modèle et de m’apercevoir peu de temps après que j’en avais déjà un exemplaire, quand ça n’était pas deux… C’était un besoin compulsif, une passion dévorante (sourire). Mais je me suis un peu calmé.

Tu as déjà une idée de ce que tu aimerais faire quand tu arrêteras la musique ?
J'irai en Californie et j’ouvrirai peut-être une pépinière de cactées… Quoi qu’il en soit, ce sera l’antithèse de ce que je fais aujourd’hui. Je ne serai plus un personnage public, qui joue de la guitare, chante et donne des concerts. Quand je prendrai ma retraite, ce sera définitif. Je ne ferai pas de come-back, ce serait une perte de crédibilité.

C’est pourtant ce que font de nombreux musiciens qui avaient juré qu’on ne les y reprendrait plus…
Oui, quand ils doivent payer leur divorce, une pension alimentaire… Ils n’ont pas le choix.

Qui sait si, au bout d’un moment, tout ça ne te manquera pas finalement ?
Quand le feu intérieur s’est éteint, il est très difficile à rallumer. Et même si au bout de trois ou quatre ans je reprenais la guitare, ce ne serait certainement pas pour repartir en tournée. Les voyages, les aéroports, les taxis, les hôtels, faire sa valise, la défaire… J’en ai marre des valises ! (NDJ : Il montre son fly case à roulettes rempli de costumes) Quand on tourne depuis aussi longtemps que moi, on veut passer à autre chose. J’aimerais voyager, pour moi. Prendre des vacances, ce qui ne m’est jamais arrivé. Certains me disent que de toute façon, je suis toujours en vacances. Mais non, jouer de la musique est un véritable travail !
 


Quel est le premier concert qui t’a donné envie de passer de l’autre côté de la barrière et d’être sur scène plutôt que dans le public ?
J’avais 6 ans, c’était le DICKEY BETTS BAND qui ouvrait pour le GREG ALLMAN BAND. Les frères Allman avaient chacun leur groupe solo et ils jouaient dans des petits clubs d’environ 300 places. C’était à New York et à l’instant où j’ai vu une Les Paul Sunburst, j’ai su que c’était ce que je voulais faire. J’ai attrapé le virus…

Qui t’a offert ta première guitare ?
Mes parents. Ils m’ont dit que c’était le Père Noël qui m’avait apporté cette Yamaha Classical mais je me doutais bien que c’était eux (sourire).

Tu vas donc enregistrer aux mythiques studios d’Abbey Road. Pourquoi ce choix ?
J’ai déjà bossé là-bas. Avec Jon Lord (claviériste de DEEP PURPLE) et avec Ginger Baker (batteur de CREAM, BBM). Mais ce sera la première fois que j’y enregistrerai un album dans son intégralité. Le prochain sera du pur blues britannique et cet endroit ajoutera nécessairement un plus à l’album. On peut enregistrer un album de blues à Los Angeles, à New York, sans doute ici, à Marseille… Mais à Abbey Road, il y a cette vibration. Tu baignes constamment dans cette atmosphère, dans le blues britannique. Tout, jusqu’aux tasses à café, te rappelle à chaque instant pourquoi tu es là et pourquoi tu es devenu musicien. Les tarifs sont prohibitifs mais ça le vaut largement.

Y aura-t-il des guests ?
Ce n’est pas prévu pour l’instant. Quand j’ai des invités sur mes albums, c’est qu’il y a une bonne raison à cela. Ça doit toujours avoir un sens, musicalement parlant. De toute façon, ça fait longtemps que les guests ne font pas – ne font plus – vendre plus d’albums.
 

« Quand tu bosses avec Glenn Hughes, c’est un peu comme si tu travaillais avec tous les héros de ta jeunesse. Dès qu’il branche sa basse à son ampli, on se croirait revenu dans les années 70. »


Peut-on espérer un cinquième disque de BLACK COUNTRY COMMUNION ?
Sans doute. C’est du 50/50. Il faut que tout le monde (NDJ : Glenn Hughes à la basse et au chant, Jason “fils de” Bonham à la batterie et Derek Sherinian aux claviers) soit partant. Je suis très fier de « BCCIV », le dernier en date. Pour moi, c’est le meilleur que nous ayons fait. Glenn est un chanteur tellement exceptionnel… Quand tu bosses avec lui, c’est un peu comme si tu travaillais avec tous les héros de ta jeunesse. Dès qu’il branche sa basse à son ampli, on se croirait revenu dans les années 70. Et puis c’est une rock-star, dans le bon sens du terme. C’était mon idole quand j’étais enfant et adolescent. C’est certainement l’un des plus grands musiciens que j’ai côtoyés, que ça soit en tant que chanteur, bassiste ou songwriter.

Y a-t-il des artistes ou des groupes récents qui t’ont fait dresser l’oreille ?
Il y en a tellement dont je n’ai jamais entendu parler et qui tout d’un coup débarquent, avec des millions de followers sur Instagram, cinq tour bus et des semis avec des lights et la production qui va avec… Et qui disparaissent assez rapidement. Je n’arrive pas à suivre, alors j’ai arrêté. De toute façon, quand j’écoute la radio, leurs chansons se ressemblent toutes.

Je parlais en concert, là où l’on juge vraiment de ce que les musiciens ont dans le ventre…
Il y quelques années, à l’occasion d’un festival en Espagne où jouait BLACK COUNTRY COMMUNION, j’ai découvert WOLFMOTHER. Un vrai groupe avec un vrai chanteur.

Que t’apporte Kevin Shirley, ton producteur attitré ?
Nous travaillons ensemble depuis 2005. Il me pousse dans mes derniers retranchements et m’oblige à sortir de ma zone de confort… A ne pas jouer en pilotage automatique. C’est ce que l’on doit attendre d’un bon producteur : tirer le meilleur de l’artiste avec qui il travaille, peu importe qui il est et quel style il joue.

Après toutes ces années, un autre producteur pourrait aussi te montrer sous un autre jour…
… Ou pas. J’ai vendu plus de 3 millions d’albums et Kevin fait partie de la famille. Beaucoup de producteurs sont bons en matière de relations humaines mais ne poussent pas les artistes à se remettre en question. Lui, il se moque pas mal de tes sentiments (rires). Ce qui l’intéresse, c’est faire un bon album.


Le portfolio du concert au Dôme
Le live report
 

Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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