Il y a des histoires d'amour longues et improbables. Tout a démarré comme le plan d'un soir en 1992, de façon anecdotique : «des blacks de Central Park font du metal !» criaient les potes, ça a fait un buzz mémorable en mêlant avec brio rap et metal et en déchaînant les hard rockers des 90's qui prenaient un plaisir indéniable. 28 ans après l’histoire se poursuit, avec des parutions irrégulières mais de qualité. On peut appeler ça une vraie romance... Après leurs retours aux affaires il y a deux albums de cela, BODY COUNT sort de son ghetto un disque intitulé «Carnivore».
Démarrage violent au milieu des sirènes de police, avec le titre éponyme. C’est comme à la grande époque, enlevé et lourd à la fois. Les riffs thrash sont au rendez-vous, avec la rythmique qui martèle façon pistolet mitrailleur uzi un hardcore furieux. Ice-T toujours en verve investit les rues de nos plaisirs obscures. Ca growl et ça rappe dans la nuit. Intensité viscérale et soli old-school, comme c'est bon. BODY COUNT a évolué dans son style, la structure est plus développée, mais le plaisir premier est toujours présent. En bref, on se prend une dizaine de titres bien vénèr dans les oreilles et on en redemande. C'est jouissif comme lors du premier album, sans être ni redondant, ni facile. Les rythmes sont changeant, les guitares s’inspirent d’énormément de genres : hardcore, thrash, groove metal, punk…
Ice-T invite des amis, Riley Gale de POWER TRIP vient crier sur "Point The Finger", avec pour notre bonheur des digressions graisseuses à la SLAYER. Nous nous souvenons tous de l'amour que porte BODY COUNT au groupe de Kerry King depuis leur reprise de "Raining Blood". "Point The Finger" fonce tête baissée dans le gras.
Autre invité de luxe, Jamey Jasta de HATEBREED. "Another Level" offre une introduction plus "South Of Heaven" que South Central, le duo de chanteurs monte haut comme pour dépasser les barrières des genres musicaux. Un autre niveau ? Après tout c'est ce que ces messieurs scandent. Hypnotique et pénétrant. Mais la surprise est le duo avec Amy Lee d'EVANESCENCE. "When I'm Gone" fait s'entremêler la rythmique hardcore avec de somptueux échos gothiques. Titre inspiré s'il en est (ça aurait pu être complètement foiré, mais non), avec accélération et breaks, voilà une ouverture à saluer.
Sur chaque album de BODY COUNT nous avons droit à une reprise d’un groupe qui a beaucoup influencé le groupe. Une tradition sympathique. Après SUICIDAL TENDENCIES ou SLAYER, quelle surprise d’entendre démarrer "Ace Of Spadse" de MOTÖRHEAD, et le moins qu'on puisse dire c’est que c’est enlevé. La voix de Ice-T se substitue à merveille à celle de Lemmy et on se laisse embarquer dans un west coast british heavy metal jouissif.
Un album riche je vous disais. On retrouve le BODY COUNT groovy-metal sur "Bum Rush", "Colors" et "Critical Beatdown", avec des allitérations légendaires, je parle bien sûr des légendaires "Fuck Motherfucker". Autant ça sonne et résonne bien, autant faut pas chercher à décrypter. Ah, Ice-T, sacré poète Cornélien !
«Carnivore» est un must have peut-être moins extrême dans l'usage de la violence du riff que sur « Bloodlust » (et encore, la plupart des morceaux défoncent bien), mais il est extrême dans son exploration des sens. Ses divers titres réveillent en nous toutes les nuances qui peuvent composer les sentiments de l'auditeur à leur écoute. La badassitude du rockeur en somme. Une histoire d’amour compliquée mais qui perdure, on se déchaîne en chantant sur "The Hate Is Real" mais on a une "nom de Dieu de banane". Beauté et hargne primale. Plus que toute chose, c’est ça BODY COUNT !