30 juin 2020, 18:00

SYSTEM OF A DOWN

• "System Of A Down" (1998 - Retro-Chronique)

Album : System of a Down

1998. Le 20e siècle tire sa révérence dans une dernière danse. De même, le metal évolue, varie, et on voit apparaître des sonorités nouvelles. La fusion est déjà passée par là. Avec l’arrivée de la vague neo-metal on sort complètement des structures instrumentales. Des rythmes syncopés, des breaks, des voix duales. Une espèce de volonté de rompre avec l’architecture classique du hard rock. Un besoin de changement ? A une époque de célèbres groupes grimpaient dans des ballons dirigeables en s’enivrant de tout sauf d’hélium, et faisaient dériver agréablement leur musique vers des horizons colorés et spirituels. En cette fin de millénaire les nouveaux groupes décidèrent d’exprimer d’emblée au travers de leur musique les sentiments qui les traversaient. Besoin d’exprimer sa rage ? Le voyage n’était plus extérieur, mais introspectif. De là à dire que le neo-metal est une forme moderne de psychanalyse il n’y a qu’un pas. Et on le franchit avec le premier album de SYSTEM OF A DOWN, « System Of A Down ». Un album à la pochette intrigante, gros plan sépia sur une main, affiche du parti communiste allemand pour une campagne électorale durant la république de Weimar. Le créneau du groupe est ainsi affiché : enragé et engagé.

"Suite Pee". Une courte attaque sauvage à coups de guitare épileptique minimaliste, puis une débauche de riffs thrash et de growl et voix posée alternée. Chaos savamment organisé. Dualité. Le morceau fait dans la charge antisecte. Je vous le disais, SYSTEM OF A DOWN, mené par son chanteur Serj Tankian, est impliqué dans tous les sujets de société. Fini l’époque des fumeurs d’eucalyptus et les buveurs de jus de cactus. Serj ? C’est la découverte d’un conteur étrange narrant des fables urbaines modernes. Trublion avec son bouc et ses yeux malicieux, sa bouche héberge une dizaine de personnages bien curieux. Des lutins à la voix claires, un guerrier brutal death aux éructations aussi effrayantes qu’une déclaration d’impôts, un jeune berger arménien (contrée d’origine de nos quatre musiciens américains) qui lâche des borborygmes régionaux, et bien plus encore tel un mini-cirque Barnum prisonnier d’un seul homme. Et quel extraterrestre ce "DDevil". SYSTEM OF A DOWN est du free jazz metal. Une expérimentation permanente.

« Had an Out of Body Experience
J'ai eu une expérience extracorporelle
The Other Day
L'autre jour
Her Name Was Jesus
Son nom était Jésus
And For Her Everyone Cried
Et pour elle tout le monde pleurait
Everyone Cried, Everyone Cried
Tout le monde pleurait, tout le monde pleurait »


"Know". Après un morceau couillu voilà un titre KORN-U. Batterie syncopée typique de ces metaleux qui ont choisi de se mettre à Nu, riffs qui tachent tels un bordeaux frelaté et breaks hypnotiques, mais SYSTEM OF A DOWN insuffle son identité propre, avec je le disais un atout fou en la personnalité de Serj, qui de manière indomptée lâche ici et là des « RHOOOOO » improbables !
Si le café se boit noir, SYSTEM OF A DOWN vous le fera déguster avec un magistral "Sugar". LE morceau qui a fait révéler le groupe au public, avec également "Spiders", révélant le style metarménien si spécifique du quatuor. Tel un FAITH NO MORE des années 2000, tous les styles se télescopent bras dessus bras dessous, dans une farandole improbable thrasho-death-funko-mélodico… bref c’est bien quelque chose de neo. Et ça fout une patate d’enfer. A prescrire très certainement dans les asiles, à toute personne souhaitant remplir les corridors hantés de son crâne avec des vibrations positivo-curatives.

SYSTEM OF A DOWN en déboulant avec de tels morceaux expérimentaux semblant peints par des Dadaïstes, ne saura pas de suite gagner les faveurs des grands moguls qui gardent le dogme du respectable temple metal. Mais quelques curieux, ainsi que l’engagement du groupe pour de grandes causes, notamment la reconnaissance du génocide arménien, et des clips remarqués sur MTV feront monter la ferveur. Aujourd’hui, nous le savons tous, SYSTEM OF A DOWN est un pilier de la scène metal tous genres confondus. Ouais, mais Serj,  c’est quand tu veux que tu te bouges et que tu rejoins tes potes pour un nouvel album attendu depuis 14 piges !
Quand rétrospectivement on écoute SYSTEM OF A DOWN, on y perçoit beaucoup de similarités avec l’album « Jazz » de QUEEN. Je vais me faire (encore) lapider. Les variations extrêmes du titres "Mustapha" notamment. Mettez-vous des morceaux tels que "Suggestions" dans les esgourdes, et ressentez ces alternations de riffs graisseux grungy, de chant d’oiseau où Titi sort tout guilleret de la bouche de Serj, ces calmes relatifs précédant un final symphocaliptique. Que dire de "Spiders" ? Hypnotique ce titre, avec son alliance basse-batterie métronomiques, auxquels succèdent des expressions de douleurs tranchantes et aigues. Une « Armenian Rhapsody »

« Through my head,through my head
Before you know,
Before you know I will be waiting all awake,
Dreams are made winding through her hair,
Dreams are made winding through her hair. »

Chanson d’amour toute empreinte de poésie moderne et duale. C’est ça les années 2.0

SYSTEM OF A DOWN  livre un album d’une énergie monstrueuse et aux sonorités variées. "Soil" et "Mind" inclassables, pop-thrash et funky à la fois. "War?" lâche une rage against the establishment. SYSTEM OF A DOWN a fait très fort avec une réelle offrande musicale. Son style si particulier s’affirme déjà au beau milieu de cette vague neo-metal. Ce n’est pas encore la pièce maîtresse que sera 3 ans plus tard « Toxicity », mais c’est parfait pour appréhender la musicalité d’un groupe qui sait s’affranchir des barrières en nous faisant tourner sur nous-mêmes au son de "Peephole", ou l’extrême "P.L.U.C.K.", ballerines déglinguées virevoltant à grand renfort de riffs metal.
SYSTEM OF A DOWN. Peu de groupes peuvent se vanter comme eux d’avoir changé la farce du Rock.

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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