"Ça fait quoi ? Six ans ? Sept ans qu'on n'a pas joué ici ? Je n'ai pas la mémoire des dates" s'exclame Sammy Hagar, la crinière bouclée un peu défraîchie, le bouc broussailleux, la bedaine assumée qu'épouse un t-shirt orné des armes de Cabo-Wabo, son fief clubbesque légendaire. Joe Satriani lui fait signe qu'un peu moins, puisque ça ne remonte qu'au premier album de CHICKENFOOT, paru en 2009. Sammy piaffe de cette imprécision et en profite pour mimer en un geste majeur l'énigmatique titre de "III", leur second album qui ne tient qu'à un doigt... III moins II =...
Sammy Hagar, ce sera l'un des points forts et l'une des rares faiblesses de ce concert. 64 piges et la flamme totalement intacte. Un sourire qui témoigne que la scène, c'est sa vie, son carburant. C'est l'homme qui fait le lien entre les membres du groupe, un communicant-né avec le public, le Californien en baskets rouges qui inspire en quelques secondes, quelques notes ce qu'était la philosophie du rock durant l'âge d'or des années 70. Une leçon. Une voix, aussi, qui m'avait stupéfait lors du premier concert à l'Olympia (avec CHICKENFOOT, pas Ronnie Montrose, je ne suis pas aussi vieux !) tant elle était intacte, à l'heure où les sexagénaires, son cadet de quelques mois Robert Plant en tête, n'ont plus les capacités des envolées superbes qui ont établi leur légende. Or, Sammy Hagar, cette fois, avait la puissance et le swing mais pas toujours la justesse. Ça frottait notamment dans certains chœurs à risque ("Something Going Wrong") avec Michael Anthony, titre qui m'a irrité pendant le solo final de Satriani et sur lequel Hagar s'entêtait à flirter avec les quarts de ton dangereux. Évidemment, c'était peut-être ponctuel, c'est tombé sur Paris. Dommage sur ce point, car tout le reste était exempt de critique.
Satriani n'est jamais pris en défaut (et quel boulot il abat, seul en rythmique et en solo). Michael Anthony est le plus sous-estimé des bassistes que je connaisse.
Il est toujours en mouvement, il n'y a aucune linéarité, c'est un soliste permanent tout en rondeur, comme s'il était seul au monde et pourtant, c'est le pilier de l'édifice rythmique.
Et cette section complétée par le vieux briscard Kenny Aronoff, en substitution programmée de Chad Smith, était un fait majeur - pas une révélation, ce serait insultant - de ce show. Une turbine dont l'Olympia, au sol qui m'est apparu avec une légère inquiétude extrêmement mouvant sous les trépignements du public, se souviendra : c'était fort. Trop fort par instant, mais tellement logique sur des titres comme "Three and a Half Letters", le cri social et brut, un point culminant du dernier album. Je reformulerai aussi ma requête prononcée lors du live report de 2009 : Sammy Hagar devrait prendre la guitare plus souvent, même simplement en rythmique, car sa touche old school est un bonheur qui étoffe différemment la sonorité de CHICKENFOOT. Démonstration sur "Future in the Past".Le groupe nous gratifiait avant de reprises de MONTROSE ("Bad Motor Scooter"), LED ZEPPELIN ("Immigrant Song") et de DEEP PURPLE ("Highway Star"), c'est un remarquable "Foxy Lady" qui clôture ce set, hommage à un maître dont Joe Satriani s'est toujours et à juste titre réclamé, mais aussi référence d'un groupe à une époque où toutes les bases de notre musique ont été posées. Revisiter les fondamentaux, transmettre un savoir-jouer à l'ancienne avec la rigueur technique et la qualité d'aujourd'hui, c'est la vocation même de CHICKENFOOT.