12 septembre 2020, 10:30

PORT DU MASQUE OBLIGATOIRE

• Une brève histoire du face-paint et des masques

On n'aura jamais autant parlé de masques qu'en cette période de pandémie. Loin de nous l'idée de ressasser le triste quotidien qui est le nôtre depuis des mois, mais de là est née l'idée d'établir un tour d'horizon – non exhaustif – des artistes et formations pour qui la musique ne serait pas complète sans un look qui sort vraiment de l'ordinaire. Face paint, corpse paint, body paint, masques, prothèses, costumes... il y en a pour tous les goûts.


« L'homme est moins lui-même quand il est sincère, donnez-lui un masque et il dira la vérité » disait Oscar Wilde, le père du Portrait de Dorian Gray. Voilà qui peut s'appliquer à certains musiciens, le "masque" pouvant être un maquillage aussi couvrant que visuel, le face paint, voire une prothèse ou un lourd et encombrant costume. Le petit déclic qui permet de lâcher prise et d'oser être enfin soi-même en se retranchant derrière cet alter ego, de montrer tout ce que l'on a à cacher. Ou de se mettre à nu.

Corey Taylor, par exemple, reconnaît que dès qu'il enfile son masque, il entre dans une sorte d'état second et "devient" le chanteur de SLIPKNOT, différent de ce qu'il est avec STONE SOUR, son autre groupe, ou en solo.
 

«Nous ne portons pas de masques pour nous cacher, mais pour nous révéler. Révéler la personne qui joue cette musique. Révéler cette âme qui crie au fond de nous, pour évacuer toute cette agressivité. Pour moi, c’est une des plus grandes libertés que tu puisses avoir. Si tu ne l'as pas vécue, c’est impossible à décrire : quand tu sors de scène et que tu enlèves ce masque, tu te sens : "Aaaaaaaaaah !" C’est un pied... énorme !» - Corey Taylor (METALXS - 2015)



Si certains musiciens mettent un point d'honneur à être en live comme dans la vie de tous les jours, voilà bien longtemps que d'autres ont choisi d'apparaître sous un jour différent, en endossant une autre personnalité. Par essence, un artiste est considéré comme un performer, quelqu'un capable de changer et de se transcender dès lors qu'il est en public, dans son élément. Il y en a pour qui la transformation opère à l'instant où ils mettent un pied sur scène, quelle que soit sa taille, que le public soit tout acquis à leur cause ou à conquérir.
Et il y a ceux qui, parce que la musique est un tout et se doit de marcher de pair avec le visuel, pour diverses raisons que nous allons voir, utilisent un certain nombre d'artifices – maquillages, face paint, body paint, prothèses, masques… – pour obtenir le résultat souhaité. Et, selon l'expression consacrée, « nous emmener avec eux ». Une chose est sûre, cela leur confère une aura (noire) supplémentaire.

A ce petit jeu, il existe plusieurs "écoles" : 

• Ceux qui adoptent un maquillage "léger" (la vague glam/hair metal américaine des années 80 qui joue l'androgynie) en tapant dans la trousse de leur copine ou outrancier (les NEW YORK DOLLS, TWISTED SISTER). Dee Snider, leader de TWISTED SISTER, racontait récemment à notre collaborateur Benjamin Delacoux :
« J’ai rejoint TWISTED SISTER alors qu’ils existaient depuis quelques années déjà. C’était un groupe à paillettes qui s’inspirait du groupe de glam les NEW YORK DOLLS dans les années 70. Moi, j’étais un métalleux, mais j’adorais le glam rock, j’adorais David Bowie, SLADE, T. REX et Alice Cooper et aussi les NEW YORK DOLLS. Alors, l’idée de joindre un groupe de glam m’enchantait. Ils se maquillaient, portaient des habits féminins et moi, j’adorais la provocation. Ça n’avait rien à voir avec le fait d’être homosexuel, tout comme les NEW YORK DOLLS, ils n’étaient pas gay, il s’agissait juste de provoquer et de dire aux autres : "Va te faire foutre, si t’es pas content, qu’est ce que tu peux faire contre ça ?". Et dans les endroits où l'on jouait, en pleine période disco, on voulait vraiment que les gens nous remarquent.
A cette époque, les groupes de rock étaient traités comme de vulgaires juke-box, ils ne jouaient pas trop fort, ils jouaient des chansons populaires et nous, on débarquait pour jouer juste après. Donc, habillés comme ça, on attirait forcément l’attention du public. On voulait être provocants et je défiais le public de détourner son regard :
"Hé toi, que je ne te vois pas tourner la tête, regarde-nous !". Et puis ça a évolué, c’est devenu un besoin de transformation. Quand tu joues ce personnage, concert après concert, c’est pas que je me plaignais, mais tu commences à te lasser à force. Malgré tout, une fois dans ta loge, que tu mets ton maquillage et ton costume, ça te transforme, ça te booste, ça te redonne de l’énergie et encore aujourd’hui, j’ai besoin d’avoir une tenue bien particulière pour monter sur scène. Je ne peux pas faire un concert avec les vêtements que j’ai portés dans la journée, comme Mike Portnoy par exemple. Lui, il monte sur scène avec ce qu’il a sur le dos, peu importe ce qu’il faisait avant. Comment il fait pour faire ça ? Non, moi, j’ai besoin de me transformer.» 

• Les "schizophrènes", qui deviennent quelqu'un d'autre dès lors qu'ils enregistrent un album ou foulent les planches. Qui ont créé un concept et que cette image, souvent accompagnée d'une tenue spécifique, aide à mieux habiter leur personnage (Vincent "Dr. Jekyll" Furnier et son alter ego, Alice "Mr. Hyde" Cooper, Rob Zombie), mais dont on connaît le physique, le maquillage restant un gimmick. Au même titre que l'univers qu'ils ont créé et que les accessoires (guillotine, monstres...) qu'ils utilisent sur scène. Bref, qui proposent un package son-lumière et image pour un spectacle encore plus immersif et dépaysant pour les fans. Parce qu'ils trouvent, à tort ou à raison, qu'il n'y a rien de plus pénible que des musiciens qui ressemblent à ses voisins de palier.
Au-delà de leur vision créative, ils ont aussi plus prosaïquement compris que ce gimmick leur permettrait d’attirer l’attention sur eux.
 

- Serais-tu capable de jouer un jour sans maquillage, sans effet, ni décor ?
«Je préférerais encore ouvrir un McDonald’s que de faire ça. Je ne ferai jamais quelque chose de moyen. Tout ou rien ! Je me sentirais stupide à essayer de jouer les Bryan Ferry. Je me sentirais très mal sans tout ce qu’il y a autour, le côté théâtral et le maquillage. J’adore vraiment être déguisé.»
 - Alice Cooper (HARD FORCE - octobre 1987)



• Ceux pour qui les peintures de guerre sont un des signes obligatoires de l'appartenance à un genre musical : le black metal et son corpse paint ("peinture de cadavre"). « Allô, non mais allô, quoi ! T'es un musicien de black metal et t'as pas de face paint, c'est comme si je dis t'es dans un groupe de hair metal et t'as pas de laque ! » Pardon...

• Ceux qui, au fil des années, ont fait évoluer leur image pour apparaître avec des maquillages souvent élaborés qui correspondent à une démarche artistique, mais que l'on a connus à visage découvert (Wes Borland de LIMP BIZKIT, LACUNA COIL, IN THIS MOMENT…). 

• Il y a aussi ceux qui ont choisi de disparaître totalement derrière un maquillage "impénétrable" et dont l'identité est (ou du moins a été) jalousement gardée le plus longtemps possible, comme KISS ou GHOST. Jusqu'à ce que les musiciens eux-mêmes décident d'apparaître museau au vent, en se sabordant au passage vous affirmeront certains fans hardcore, ou soient "dénoncés" – comme Tobias Forge, tête pensante et unique membre permanent de GHOST – par des ex-musiciens qui lui ont intenté un procès. 

Sans oublier les musiciens de SLIPKNOT, qui sont apparus sans masque en public à l'occasion d'une conférence de presse, le lendemain du décès de leur bassiste Paul Gray, en mai 2010, pour lui rendre hommage. Mais qui n'ont absolument pas l'intention de renoncer à cette particularité en live, partie intégrante de leur "folklore". Particularité dans les deux cas, comme chez MUSHROOMHEAD ou même HOLLYWOOD UNDEAD, leur look évolue d'album en album et parfois même en cours de tournée (SLIPKNOT encore).
 

Lordi en 2020


​• Et puis, il y a les "jusqu'au-boutistes", ceux qui, comme les musiciens de GWAR ou LORDI, utilisent moult prothèses et costumes pour coller aux personnages qu'ils ont créés et que leur mère elle-même ne reconnaîtrait pas. Et qui, depuis leurs débuts, suivent un concept en rapport avec leur look, au point de ne jamais révéler leur identité eux non plus.

• Cas à part, citons également IRON MAIDEN et sa célèbre mascotte, Eddie The 'Ead, qui rejoint "physiquement" les musiciens en live. Voilà bien longtemps que le roadie qui déboulait coiffé d'un masque du mort-vivant le plus cool du metal a été remplacé par une marionnette géante, puis par un robot de 3 mètres correspondant au thème de l'album dont les Anglais assurent la promotion. 

Quoi qu'il en soit, une image qui sort de l'ordinaire n'est certes pas forcément synonyme de succès assuré (heureusement, la musique a toujours son mot à dire), mais elle joue un indéniable rôle d'accélérateur d'intérêt. Et si le public, attiré par le plumage, reste pour le ramage, que demande le peuple ?
Un "plus" évident, même si une image forte peut aussi jouer en la défaveur des musiciens que certains amateurs de musique moins ouverts d'esprit, ou plus "élitistes", auront tendance à prendre pour des guignols et qu'ils n'auront pas forcément envie d'écouter.
Ou qui seront réduits, quels que soient leur succès et leur apport musical, au rang de simples amuseurs. Car ne l'oublions pas, certains écoutent aussi la musique avec les yeux. Et il y a toujours le risque que les fans les plus acharnés se détournent du groupe si, un jour, celui-ci décide de se renouveler et de remiser son image au placard. 

Petite plongée – non exhaustive, donc – dans ce "bestiaire" fantastique.
 


Un peu d'histoire...

1956 

En concert, Jalacy "Screamin' Jay" Hawkins sort d'un cercueil sur scène, ne se sépare jamais d'Henry, un crâne humain, et s'inspire des cérémonies vaudou. Il est considéré comme le créateur du shock rock. S'il ne porte pas de maquillage à proprement parler, il va avoir une très forte influence sur le côté le plus théâtral du rock – et donc du hard rock et du metal.

1968

Arthur Brown, alias « le Dieu des flammes de l'Enfer », pousse le concept encore un peu plus loin. Casque en feu, costumes délirants, maquillages outranciers, le Britannique est un performer qui n'hésite pas à emprunter à Hawkins son sens de la théâtralité en même temps que son "I Put A Spell On You" qu'il reprend sur sa carte de visite, « The Crazy World Of Arthur Brown ». Il aura une grande influence sur le jeune Vincent Furnier.

De l'autre côté de l'Atlantique, Frank Zappa signe ALICE COOPER – le groupe – sur son label. Pour devenir Alice Cooper, Vincent Furnier adopte un maquillage dégoulinant à base de ronds noirs autour des yeux, inspiré par l'actrice Bette Midler dans le film Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? (1962), et de traits descendants aux commissures des lèvres. Côté tenue de scène, il a flashé sur celle en cuir noir que porte Anita Pallenberg dans Barbarella (1968). Le but avoué est de créer un méchant qui va marquer les esprits pour attirer le public… et les journalistes. Bingo !

1969

David Bowie, qui prendra soin de se réinventer à chaque album, entre dans la légende du rock avec le personnage de Ziggy Stardust. 

1970

Screaming Lord Sutch, inspiré par son précurseur américain, donne dans l'horror rock. Le chanteur fait revivre une grande "figure" britannique, Jack l'Eventreur. Ce qui se traduira, en concert, par le (faux) meurtre au couteau d'un de ses musiciens et le lancer de foie et de cœur (d'animaux, fournis par un boucher) dans le public. Avec ses quartiers de barbaque crue jetés dans la fosse aux débuts de W.A.S.P., Blackie Lawless n'a finalement rien inventé…

1972

Outre-Manche, Zal Cleminson, guitariste de THE SENSATIONAL ALEX HARVEY BAND, adopte le maquillage du clown blanc, puis des mimes, pour que le public puisse mieux le voir sur scène. 

1973

A New York, les musiciens de KISS ont un éclair de génie. Pour se démarquer des autres formations, ils vont se transformer en super-héros qui jouent du rock'n'roll toute la nuit et font la fête toute la journée. Pour ce faire, ils adoptent un face paint élaboré en même temps qu'une personnalité propre. Gene Simmons est le Démon à la langue bien pendue ; Paul Stanley, l'Enfant des étoiles ; Ace Frehley, l'Homme de l'espace ; et Peter Criss, l'Homme-Chat – avec costumes et platform boots. 

Avec des concerts à leur démesure qui, un quart de siècle avant RAMMSTEIN, font d'eux le « hottest band in the word », ils vont conquérir des millions de fans tout en devenant des icônes à la tête d'un véritable empire. En public, ils se déplacent un foulard sur le visage, entourés de leurs gardes du corps, et rachètent avant publication d'éventuels clichés de paparazzi qui les auraient démasqués. Jusqu'en 1983, quand ils décideront d'oublier le maquillage et d'apparaître en "civil".
 

«Je voulais déjà virer les masques à l’époque de « Creatures of The Night » en 1982. Je ne supportais plus d’être comparé à un pantin. Nous avons pleinement profité de cette époque, mais à un moment donné, qu’importe ton choix, il faut redémarrer en évoluant, sans pour autant changer ta ligne de conduite. (…) Nous savions qu’avec ou sans maquillage, nous resterions les mêmes et la preuve, nous sommes toujours là.» - Paul Stanley (HARD FORCE - octobre 1988)


Pas à une contradiction près, douze ans plus tard, KISS créera l'événement en réactivant la machine. There is no business like show business...
 

KISS et sa formation originelle


1978

Aux USA, THE MISFITS, fondé par Glenn Danzig, pratique ce qui sera qualifié d'"horror punk", un punk avec de fortes références au cinéma d'horreur. Et quoi de plus naturel, du coup, que d'adopter un fard noir autour des yeux, façon orbites vides, ainsi qu'une coiffure en pointe spécifique ?

Sur le vieux continent, Kim Bendix Petersen, qui sera bientôt connu des mortels sous le nom de King Diamond, commence à taper dans la palette de noir et blanc avec BLACK ROSE. Viendront ensuite MERCYFUL FATE, puis KING DIAMOND. A la fin des années 90, Gene Simmons, qui juge le maquillage du Danois trop proche du sien (c'est vrai, il est noir et blanc…), lui envoie une mise en demeure lui demandant d'en changer sous peine de poursuites. Sataniste convaincu, King (of the night time world) choisit de faire évoluer son face paint, qui lui prend 2 heures à réaliser chaque soir, plutôt que de lancer une malédiction au God Of Thunder.
Le chanteur, qui n'aime rien tant que l'occulte, l'ésotérisme, les croix inversées et les pentagrammes, aura une influence musicale et visuelle majeures sur la scène black metal. 
 


1984

CELTIC FROST, trio suisse de metal extrême né des cendres de HELLHAMMER, adopte le "noiràzyeux". 

1986

Les musiciens de CRIMSON GLORY, qui jouent du metal prog, se parent d'un masque métallique argenté qui leur couvre intégralement le visage, exception faite du chanteur, Midnight, qui a la bouche dégagée pour des raisons évidentes. Ces derniers se transformeront en "loups", toujours métalliques, qui rappellent un peu celui porté par Erik, le génie musical défiguré du Fantôme de l'opéra, la chaleur étant tout simplement intenable sous la lumière des spots.
 


 

«On désirait créer un look complètement différent des autres groupes et de la mode actuelle, une image de marque qui évoque immédiatement CRIMSON GLORY. Peut-être existe-t-il une ressemblance quelconque avec des formations comme KISS... Néanmoins, notre musique est différente, elle est plus précise, plus déterminée : on ne joue pas du rock ’n’ roll classique et bateau. Mais le fait d’être comparé à eux est un compliment.» - Jon Drenning (avril 1987 - HARD FORCE)


1987

Au Brésil, SARCÓFAGO, vraisemblablement inspiré par CELTIC FROST, se fait remarquer avec la pochette de son premier album, « INRI », et devient vraisemblablement l'un des premiers groupes extrêmes à apparaître avec des peintures de guerre qui seront bientôt baptisées "corpse paint". 

Une appellation que l'on doit, affirme Hellhammer, batteur de MAYHEM, à son chanteur, Per "Dead" Ohlin. Le jeune Norvégien, fasciné par la mort et franchement barré, se grime de façon à ressembler à un cadavre aux orbites vides. Il se suicidera en avril 1991 d'une balle dans la tête, gagnant par là même le statut de légende dans le monde du black metal. 

Faisons d'ailleurs une brève parenthèse sur le genre, le face paint noir et blanc étant un signe emblématique pour ceux qui le pratiquent. De BATHORY à IMMORTAL, en passant par Abbath, EMPEROR, MAYHEM, DARKTHRONE, MARDUKDIMMU BORGIRBEHEMOTH ou CARACH ANGREN, pour ne citer que quelques-uns de ses plus grands représentants, tout le monde sans exception pratique le corpse paint. Certains ont même ajouté de la couleur, ou plus exactement du rouge sang, comme TURISAS.
 

«Je ne peux envisager MARDUK sans maquillage,
car cela fait partie de nous.
Ce n’est pas l’aspect primordial pour le groupe mais c’est important pour visualiser le côté bestial de notre musique.
Nous pourrions tout autant nous en passer. Nous ne sommes plus des gamins qui veulent se déguiser» 
- Morgan (HARD FORCE - 1999)

«Le face paint fait partie intégrante de nos personnages, mais c'est quelque chose de sérieux pour nous. Une fois que nous l'avons appliqué, nous sommes différents. Cela permet de faire ressortir notre côté créatif et d'être satanistes - c'est à dire d'être nous-mêmes.» - Astennu (DIMMU BORGIR)


​1988

Un soir où il regardait le quatrième volet de Vendredi 13 tout en mangeant un seau de Kentucky Fried Chicken, Brian Patrick Carroll a une illumination : il portera désormais un masque comme celui de Michael Myers, l'invincible serial killer du slasher, se coiffera d'un saut de KFC et sera connu des Hommes sous le nom de Buckethead. L'Américain perché n'en est pas moins un guitariste virtuose qui a enregistré « Chinese Democracy » du GUNS N' ROSES d'Axl Rose. Et qui, sur scène, fait souvent une démonstration de nunchaku et danse comme un robot. Un véritable "son et lumières" à lui tout seul.

1989

Les musiciens de BRUJERIA n'apparaissent jamais sans un foulard sur le visage pour préserver leur anonymat. Ces prétendus membres d'un cartel de drogue mexicain, qui n'hésitent pas à avoir recours au meurtre pour protéger leurs intérêts, dit leur bio, sont en fait des musiciens de FEAR FACTORY, FAITH NO MORE ou NAPALM DEATH qui donnent dans le metal extrême.

1990

Descendants de barbares humanoïdes extraterrestres à l'origine de la genèse de l'univers, dont le vaisseau spatial s'est écrasé dans l'Antarctique (ou du moins, c'est ce qu'affirme leur bio), les musiciens de GWAR adoptent de lourds costumes en latex, des pseudonymes grotesques et un humour scatologique, sexuel et gore. Un concept qui restera le fil conducteur de leur carrière, de leurs shows et de leurs vidéos et qui n'empêchera pas les Américains d'être nommés par deux fois aux Grammy Awards, catégorie "Meilleure Vidéo".

1993

Fondateur et guitariste d'EMPEROR, Havard Ellefsen ne tarde pas à se lancer en solo sous le nom de MORTIIS qui devient également son nom de scène. Evoluant dans un style expérimental, le Norvégien utilise un masque et des prothèses inspirés de Blix, un gobelin au nez crochu qui apparaît dans le film Legend de Ridley Scott. 

1995

Pour se démarquer des différents groupes dans lesquels jouent ses membres, MUSHROOMHEAD, qui n'est au départ qu'un side project pour les huit musiciens de l'Ohio qui le composent, portent des masques, des costumes et utilisent des pseudonymes. S'ensuivra un conflit avec SLIPKNOT pour plagiat bien que, sur le principe, MUSHROOMHEAD ait l'antériorité et que leurs masques, plus travaillés et changeant de cycle en cycle eux aussi, ne ressemblent pas à ceux de Corey Taylor & Cie.

1998

Avec « Cruelty And The Beast », disque charnière de leur discographie, les membres de CRADLE OF FILTH oublient leur look gothique de vampires pour une esthétique qui n'est pas sans rappeler celle de Pinhead dans Hellraiser. Dani Filth et ses cohortes infernales se saisiront ensuite de leur palette de noir et blanc qu'ils ne lâcheront plus. Le chanteur, qui fait régulièrement évoluer son face paint, s'inspirera même un peu trop de celui du chanteur de CARACH ANGREN

Dans la foulée de WHITE ZOMBIE, qui jouait sur une image en rapport avec les séries B d'horreur auxquelles il porte un amour immodéré, Rob Zombie se lance en solo. Le mort-vivant dreadlocké, chanteur et futur réalisateur de films gore, adopte un maquillage ad hoc et en live, retranscrit son univers dans des shows horrifiques archi visuels, colorés et non dénués de second degré. 

1999

Ils sont originaire de l'Iowa, portent la combinaison des condamnés à mort américains, un masque (de cochon, kabuki, de tengu, qui rappelle celui de Leatherface de Massacre à la tronçonneuse…), un numéro (ce ne sont donc pas des hommes libres) et ils s'appellent SLIPKNOT. Neuf personnalités définies dont le look évoluera d'abord sur chaque album puis, depuis quelques années, également en cours de tournée.
 

Photo promotionnelle de SLIPKNOT lors de la sortie de son premier album

«Jouer masqué ? Ça fait tellement longtemps que je le fais que je ne sens plus vraiment la différence. Ça te désinhibe, tu vois ce que je veux dire ? Je ne suis pas une personne très extravertie, je suis plutôt solitaire, je manque un peu d’assurance, je suis un peu timide, tout ça… Mais quand je mets ce masque, c’est presque comme si…"Personne ne peut me voir ! (rires) Je peux faire n’importe quoi et personne ne m’en tiendra rigueur !" Donc oui, il y a beaucoup de ça. Le but, pour nous, ça a toujours été de faire de l’effet en live. Au début, c’était même "anti-image" car, quand à l’époque où on a commencé, tout ce qui comptait c’était le yacht, la Lamborghini que t’avais dans ton clip… tous ces trucs flashy, la manière dont t’étais fringué… Nous, on était contre tout ça. Ce qui est bizarre, au fond, car la mode joue quand même un grande part dans le rock ’n’ roll, je trouve.» - Jim Root (METALXS - 2015) 


Si Wes Borland, guitariste de LIMP BIZKIT, commence par porter de simples lentilles noires et à se peinturlurer le visage en blanc, il va adopter au fil des années de surprenants maquillages de plus en plus chiadés tout en pratiquant aussi le body paint et en utilisant parfois des masques. Une démarche artistique puisqu'il est également peintre et dessinateur.
 

«Monter sur scène habillé comme dans la vie de tous les jours, c'est une occasion ratée. Quand ta musique a un impact, pourquoi ne pas faire en sorte que ton look soit lui aussi puissant et impactant ?» - Wes Borland (LIMP BIZKIT, BLACK LIGHT BURNS, BIG DUMB FACE)



2000

MUDVAYNE fait une arrivée remarquée avec « L.D. 50 », dont l'un des producteurs exécutifs n'est autre que Shawn "Clown" Crahan de SLIPKNOT. Les quatre hommes originaires de l'Illinois apparaissent avec leurs peintures de guerre élaborées et changeantes qu'ils abandonneront en 2003. Chad Gray, le chanteur, renouera partiellement avec le maquillage au sein de HELLYEAH, dernier groupe du regretté Vinnie Paul, ex-batteur de PANTERA et DAMAGEPLAN.

2002

Il aura fallu dix ans à LORDI pour se faire un nom en dehors de la Finlande avec ses masques et ses costumes monstrueux. Fondateur de la KISS Army dans son pays natal, Mr. Lordi a été largement influencé par ses "parrains", mais a poussé le concept beaucoup plus loin, en y mêlant sa fascination pour les films d'horreur. En 2006, le groupe est devenu la première (et unique à ce jour) formation hard rock à remporter l'Eurovision, boostée par les votes de tous les fans de metal.

Après avoir rejoint MAYHEM en 1994 en tant que remplaçant de Dead qui s'est suicidé, Attila Csihar, qui multiplie les projets expérimentaux, devient chanteur de SUNN O))). Le Hongrois, que l'on retrouvera en 2016 chez SINSAENUM, devient célèbre pour ses looks improbables, puisqu'il peut indifféremment apparaître sur scène déguisé en arbre, en prêtre ou en momie. Et il s'est même mis à dos certains fans en interprétant du MAYHEM en live avec un costume de lapin…

2003

MOTOGRATER, adepte du full body painting et du face painting, sort son premier album éponyme. Les Californiens comptent alors dans leurs rangs Ivan "Ghost" Moody, futur chanteur de FIVE FINGER DEATH PUNCH, qui a conservé un goût immodéré pour les couleurs pétantes…

2005

Si les musiciens de HOLLYWOOD UNDEAD apparaissent avec un masque en concert, dans les vidéos et en interview, ça n'est pas pour cacher leur identité mais juste « pour avoir l'air cool ». Différents d'album en album, ces derniers sont généralement réalisés par Jerry Constantine, spécialiste des maquillages et effets spéciaux (The Watchmen : les Gardiens).
 

«Musicalement, nous ne ressemblons à aucun autre groupe, alors pourquoi aurions-nous le même look que les autres ?» - J-Dog (HOLLYWOOD UNDEAD)



2006

Avec son nom qui ressemble à une insulte du Capitaine Haddock, NEKROGOBLIKON est un groupe parodique de death mélodique qui pratique le "goblin metal". D'où le masque vert et les fausses mains assorties de son chanteur, les autres musiciens sévissant à visage découvert.

2010

Le nouveau (anti)Pape est suédois et sataniste (avec un fort sens du second degré) et il est accompagné dans GHOST de musiciens masqués au look parfaitement identique, les Nameless Ghouls, qui, comme le sous-entend leur nom, sont anonymes. Papa Emeritus premier du nom est né et chaque fin de cycle de tournée marquera l'avènement de son successeur (Papa Emeritus II, puis III), avec à chaque fois une différence dans son corpse paint, avant qu'il ne cède la place au Cardinal Copia. Mais Papa Emeritus IV devrait être de retour en 2021. Une vraie Popestar… C'est là aussi Jerry Constantine qui œuvrent pour eux.
 


​2011

Malgré ce que leur corpse paint (gris) le laisserait penser, les Allemands de POWERWOLF pratiquent le power metal et non pas le black (gray ?) metal.

2012 

Johannes Eckerström, chanteur d'AVATAR, adopte un maquillage "clownesque" dès « Black Waltz », quatrième album des Suédois. Bien qu'il soit le seul à arborer un face paint, les autres musiciens ont un look assorti qui suit le concept de chaque album.
 

«Avec mon face paint, je cache mon visage. Mais en même temps, je révèle une partie de moi-même. Je me mets à nu.» - Johannes Ackerström (AVATAR)



Obsédés par leur ville de New York, les musiciens d'IMPERIAL TRIUMPHANT, dont le style mêle jazz et metal extrême avant-gardiste, n'apparaissent que le visage caché par un masque doré (qui rappelle les traits mutiques de la statue de la Liberté) de style Art déco et vêtus d'une coule noire. Pourtant, ses membres ne cachent pas leur identité sous des pseudonymes. « C'est une représentation visuelle de notre musique » explique en effet Zackary Ilya Ezrin, chanteur/guitariste qui a fondé le groupe en 2005, mais date ses véritables débuts à 2012. 

2014

Après avoir commencé par parler de satanisme, comme tout groupe de black metal (épique ou non) qui se respecte, CULT OF FIRE agrandit son champ d'horizon en se tournant vers la théologie orientale, plus particulièrement la déesse hindoue Kali et la recherche spirituelle. Vêtus de longues robes noires, le visage caché par des masques (noirs aussi) et coiffés de cornes et autres coiffes, les Tchèques mêlent images empruntées à l'hindouisme, faucilles, cierges et autels sacrificiels à leur stageshow.

Aux USA, IN THIS MOMENT peut enfin proposer un spectacle en adéquation avec ce que Maria Brink, la chanteuse, et Chris Howorth, le guitariste, ont en tête depuis leurs débuts. Les Américains vont ainsi évoluer d'album en album, musicalement mais aussi au niveau de leur look, en adoptant le face paint pour les musiciens, des masques et tenues changeantes pour la frontwoman, qui sera par la suite accompagnée de danseuses sur scène. 

Equation parodique : BLACK SABBATH + McDonald's = MAC SABBATH, groupe américain de "Drive Thru Metal", soit un tribute aux parrains du metal qui fait une fixette sur McDo. Méconnaissables, les quatre Californiens qui tiennent à leur anonymat, sont déguisés en personnages de l'univers de Ronald McDonald.

2016

LACUNA COIL, qui a adopté le face paint, montre son attirance pour le cinéma d'horreur avec son album « Delirium ».

2017

Le plus grand secret entoure SLEEP TOKEN. Tout juste sait-on que ce collectif de musiciens, dont l'identité est jalousement gardée, est basé à Londres. Et ils n'apparaissent qu'encapuchonnés, comme les Nameless Ghouls à leurs débuts, le visage caché par un masque en tissu frappé d'un signe cabalistique distinctif. Ils se présentent comme des serviteurs d'une ancienne divinité du nom de Sleep qui serait apparue au chanteur Vessel dans son sommeil et, musicalement, pratiquent un mélange aussi déroutant que fascinant de post-rock, metal, ambiant et rock alternatif.
 

«Nous n'abandonnerons jamais les masques. Pour moi, c'est une religion. C'est ma vie. Je ne nous imagine pas autrement. Je me sentirais déprécié, je me sentirais trahi. Nous avons une idée très précise de notre art et JAMAIS nous ne nous en détournerons.» - Shawn "Clown" Crahan (SLIPKNOT)


Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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3 commentaires

User
Karl Libus
le 12 sept. 2020 à 12:42
Excellent article!
User
Fabrice ANDRE
le 12 sept. 2020 à 19:27
Bonsoir Laurence, oui effectivement, ton article est excellent et très intéressant.
User
Laurence Faure
le 12 sept. 2020 à 20:50
Merci à tous les deux.
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