Déjà 30 ans de métier derrière lui - hors débuts discographiques en 2000, 13 albums studio, 17 albums live (et j’en oublie sûrement), Joe Bonamassa est un phénomène rare et quiconque l’a entendu ou vu jouer en est convaincu. Et durant sa déjà longue et conséquente carrière, il a notamment pu jouer au côté de Jeff Beck alors qu’il n’était qu’un gamin ou auprès des plus grands bluesmen de légende, étant devenu lui-même un des plus grands, bien qu’encore contemporain certes. Chaque homme a des rêves et certains mettent tout en œuvre pour les atteindre. L’un de ceux de Joe Bonamassa était d’enregistrer dans le mythique studio 1 londonien du complexe Abbey Road et c’est désormais chose faite avec ce « Royal Tea » (un jeu de mot avec l’homonyme royalty, royauté faisant écho à la Reine Elizabeth mais également un terme qui désigne les droits d’auteur, les pépettes à son pépère !). Abbey Road, c’est les albums des BEATLES, le « Dark Side Of The Moon » de PINK FLOYD, la bande-son de l’épisode VI de la saga Star Wars, Le Retour Du Jedi, entre autres. Un temple.
Afin de mettre en forme les compositions de « Royal Tea », le guitariste-chanteur aux inamovibles lunettes noires et smoking a convoqué rien moins que Bernie Marsden (ancien guitariste de WHITESNAKE), Pete Brown qui fut parolier du groupe CREAM, l’illustre pianiste du cru qu’est Jools Holland et a composé le tout sur place avec du matériel vintage glané dans les meilleurs magasins de musique situés sur la célèbre Denmark Street connue des musiciens pour ses cavernes d’Ali Baba, contribuant selon lui à un ajout de valeur inestimable. A ce sujet, il précise « Je suis arrivé là-bas sans rien, juste quelques notes écrites et plein de bonnes intentions ». Et à l’écoute, on ne peut que se féliciter du résultat obtenu. Produit par le fidèle Kevin Shirley (également l’homme des manettes d’IRON MAIDEN), on entend sur cet album d’autres figures connues des fans, le bassiste Michael Rhodes, le batteur Anton Fig, le claviériste Reese Wynans ainsi que le trompettiste Lee Thornburg et le saxophoniste Paulie Cerra. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça joue sévère et à un volume élevé selon les dires de Bonamassa, précisant que « les musiciens classiques sur place nous regardaient de travers lorsqu’on descendait en pause tellement on jouait fort ! »
L’album s’ouvre sur un titre épique, ''When One Door Opens'', doté d’un break rappelant quelques mesures du Boléro de Ravel et marquant de manière forte l’entrée en matière. Si l’éponyme ''Royal Tea'' apporte une petite note de légèreté tel un nuage de lait dans une tasse de Darjeeling, le blues langoureux reprend ses droits dès ''Why Does It Take So Long To Say Goodbye'' où sa montée en puissance lui fait côtoyer ensuite le hard dans sa tradition la plus british, le tout agrémenté d’arrangements luxueux. Quelques morceaux, sinon convenus, du moins typiques du style de JoBo (son surnom) s’accordent avec d’autres titres se démarquant vraiment du lot, à l’instar de ''A Conversation With Alice'', écrite en écho aux visites qu’il a faites auprès d’une professionnelle de l’écoute sur les conseils d’amis lui suggérant de parler de certains problèmes revenant de temps à autre, ''Lonely Boy'' et son atmosphère de Big Band et enfin ''Savannah'' qui apporte une touche country avant de prendre congé à l’issue de ce tea time.
Il est difficile de parler d'un album de Joe Bonamassa pour deux raisons, l’une bonne et l’autre un peu moins. La bonne est que l’on constate une qualité constante et très élevée à chaque parution discographique. La deuxième est que son style d’écriture et sa voix étant tellement marqués qu’il lui est difficile de renouveler totalement le propos, donnant parfois le sentiment d’avoir affaire – parfois seulement – à des chansons interchangeables. Cela n’enlève rien à la maestria et au talent du bonhomme et chaque livraison apporte à coup sûr avec elle son lot d’exquis muffins, « Royal Tea » n’échappant pas à la règle.