Le dernier album en date de l’auvergnat Macabre, alias multi-instrumentaliste émérite au sein de MORTIS MUTILATI, m’avait fait une sacrée impression à sa sortie en 2018. Son black metal dépouillé, mélodique et d’une tristesse infinie m’avait achevé en moins de temps qu’il n’en fallait avec ses plongées vertigineuses dans des ambiances crépusculaires que n’aurait pas renié un ceratin SHINING. Mais celui-ci semble avoir remisé sa tapophilie de côté (fouillez dans les tréfonds de HARD FORCE pour relire la chronique du dernier album du groupe et tout, tout, tout, vous saurez tout sur la tapophilie) et s’est une nouvelle fois entiché de Devo (ex-bassiste de MARDUK) pour enregistrer son nouveau méfait entre les murs glacés de l’Endarker Studio. On ne change pas une équipe qui gagne. Sauf que cette fois-ci, le format individuel a cédé sa place à un vrai collectif constitué d’un line-up à temps plein qui intègre en partie les musiciens présents à titre d’invités sur le petit dernier ainsi qu’un batteur, Aryth, qui tire sur tout ce qui bouge avec une aisance remarquable. Pas une surprise cependant puisqu’il officie en parallèle chez les redoutables TOWERING (auteurs d’un très bon premier album paru l’année dernière sur le label Dolorem Records).
Avec ces quelques changements dans sa besace, est-ce pour autant que MORTIS MUTILATI a changé son fusil d’épaule ? Oui… et non. Non, rassurez-vous, puisqu’il conserve toujours cette section rythmique trempée dans le tremolo nordique et ce climat sombre, inquiétant, qu'il distille avec doigté tout au long de l’album. Oui, puisqu’au-delà des textes qui évoquent cette fois une catastrophe aérienne survenue à Rome qui a fait cinquante morts en 1964, il privilégie une musique qui fait la part belle aux multiples changement de rythmes et pointes mélodiques toujours plus soutenues. Et celle-ci capte l’attention dès les premières écoutes en plongeant l'auditeur dans son univers macabre. La fibre tragique reste toujours au cœur de son propos mais elle est apportée ici avec plus de subtilité donc, laissant plus de place aux émotions de tout bord : la peur du crash, les derniers instants, les mains tremblantes qui s’entrelacent une dernière fois et cette tension qui monte alors que chacun a bien conscience de la fin inéluctable qui l’attend. Cela se traduit pourtant avec une certaine sensibilité que l’on ne connaissait pas forcément à la formation hexagonale, qui se caractérise notamment par une mélancolie prégnante sur chaque morceau. Une sorte d’adieu, émouvant, délivré avec un niveau technique et un sens de la composition ("Vultures Of Steel" est une petite merveille à ce titre) qui en laissera plus d’un sur son séant !
« The Fate Of Flight 800 » est un donc disque bien équilibré, naviguant avec délice entre atmosphères ténébreuses et embardées sauvages où les guitares hurlent leur détresse à qui veut bien l'entendre. C’est aussi est un véritable labyrinthe aux structures tortueuses dont les contours sont mis en valeur par l'imposante production réalisée de main de maître par Devo. La France n’a donc pas un incroyable talent mais une légion d’artisans dévoués qui continuent à perpétrer l’esprit du black metal avec force et conviction. Et MORTIS MUTILATI est l’un d’entre eux..sans le moindre doute !