28 avril 2021, 15:59

MOTÖRHEAD

"Louder Than Noise... Live In Berlin"

Album : Louder Than Noise... Live in Berlin

Et c’est donc précisément au moment où l’on apprend qu’il y aura bien un coffret commémoratif pour le quarantième anniversaire de « No Sleep 'Till Hammersmith » en juin prochain (sans réelle surprise, on s’en doutait quelque peu – euh, 1981, 2021 ?) que l’on s’apprête enfin à se pencher sur le cas de ce "nouvel" album live de MOTÖRHEAD. La comparaison s’impose-t-elle d’elle même ? Impensable d’émettre ici des comparaisons tangibles entre les deux époques. 

Mais en allant chercher la petite bête, en voyant le nom de "Berlin" comme location dudit live, spontanément une première frayeur s’est emparée de nous : « non, ils n’auraient tout de même pas osé sortir LE dernier concert de MOTÖRHEAD ??? ». Entendons par là ce tout dernier show donné le 11 décembre 2015, précisément à Berlin... Parce que, même si nous n’étions pas présents à cette ultime représentation donnée deux semaines à peine avant son décès, on peut garantir que l’état de santé physique de Lemmy lors de ces derniers mois était des plus alarmants, des plus fragiles, et des plus "heart-breaking". On l’avait vu, si chétif, péniblement assurer son dernier concert français au Hellfest six mois plus tôt, en toute fin d’après-midi – et, déjà, l’ultime Zénith parisien du 18 novembre 2014 laissait sans nul doute présager qu’il s’agissait d’une des véritables dernières fois où l’on pourrait venir applaudir notre idole. Chose que se sont d’ailleurs empressés de faire les renifleurs de cadavres et autres hipsters du « fallait y être » : cocher sur une to-do list l’assurance d’être allé s’encanailler et d’avoir vu la légende du rock juste avant qu’elle disparaisse une bonne fois pour toutes. Mais où étiez-vous quelques-années plus tôt, quand le même groupe peinait à remplir nos salles ? Sûr qu’en 2014-2015, il y avait du (beau ?) monde pour s’enorgueillir de sa présence et de son auto-satisfaction – et de finalement briller, un certain 29 décembre au matin, la couv’ de Libé’ brandie à tout-va, en apostrophant les moins "chanceux" : « quoi ? tu n’as jamais vu Lemmy en concert ? Ah les boules ! Heureusement, je l’ai vu juste avant qu’il meure !!! ». Non, pas de langue de bois, on en a tous entendu autour de nous des comme ça. 

Oui les toutes dernières prestations de Lemmy sur scène ont été un véritable crève-coeur. Parce que fuck, il s’agissait aussi là, tout simplement, de la fin de nos dernières illusions : comment Lemmy Kilmister pouvait-il succomber ? Quasiment soixante-dix années de lifestyle à décimer des clans entiers de barbares : l’homme était réputé indestructible. Increvable. Ce que, même adultes, nous étions persuadés de croire, la preuve étant devant nous, tous les six mois, sur scène. Alors oui, nous avons craint un instant que ce nouvel album, et tout son package mercantile, ne soit qu’une énième exploitation de ses dernières heures en public, à l’instar du « Clean Your Work » qui témoignait du show de Münich le 21 novembre 2015 – et ce n’est pas forcément ce Lemmy-là que l’on se rêve à entendre à nouveau, ni à revoir, ni à se rappeler, même si, évidemment, le trio joue FORT.

Alors ce concert du 5 décembre 2012 à Berlin : il s’agit d’une des dates de la tournée Kings Of The Road Tour, tout juste deux semaines après la sempiternelle date parisienne au Zénith (le 21 novembre,  pour ceux qui y étaient – les bons !), avec ANTHRAX en première partie. Cette tournée était alors le deuxième gros déploiement de MOTÖRHEAD après celle de 2011/début 2012 pour promouvoir et développer la sortie de l’album « The Wörld Is Yours » : l’on sait déjà qu’elle a été très copieusement documentée sur les deux volumes « The Wörld Is Ours », chacun en DVD et double-CD, avec leurs diverses captations au Wacken, au Sonisphere UK, au Rock In Rio, à Santiago du Chili, à New York ou encore à Manchester.     

Dans la tradition de son double « Everything Louder Than Everyone Else » sorti en 1999 et enregistré à Hambourg, MOTÖRHEAD fait une nouvelle fois honneur à l’un de ses plus grands territoires de bataille, quasiment son pays d’adoption : l’Allemagne. Croix de fer, si je mens je vais en enfer, la Germanie a toujours fait montre d’une adulation sans limite pour le groupe de Lemmy, qui s’y sentait lui-même des plus à l’aise pour attiser sa fascination pour l’Histoire et particulièrement celle autour de la Seconde Guerre Mondiale, ainsi que de son attirance pour l’esthétique du Troisième Reich, y venant certainement faire des emplettes sur le marché noir, dans le but d’agrandir sa collection d’artefacts nazi. Pour le reste, le climat et les jolies filles étaient bien plis profitables à Los Angeles, le Rainbow y étant un meilleur spot qu’une taverne bien virile de Düsseldorf. 

Et pour cause : « Louder Than Noise... Live In Berlin » marquera les historiens et fans du groupe puisqu’il vient restituer l’ambiance de son plus gros concert outre-Rhin : 12000 Fanatikers sont donc regonflés à bloc et à la bière, sans boules Quiès et le gosier déjà affuté, pour acclamer LEUR groupe, dans le Berlin Velodrom de la capitale. 

On ne va pas se mentir : le MOTÖRHEAD de Kilmister/Campbell/Dee est ce qu’il se faisait de mieux pour palier à l’absence du groupe mythique de 1976-1982 – bien que quelque part par dépit, et en terme d’aura et de créativité. Comme bon nombre de groupes mythiques, le MOTÖRHEAD des années 90, 2000 et 2010, si stable et controlé, n’a fait qu’entretenir un savoir-faire, sans jamais en sublimer ou en en surpassant le postulat initial. Après : EVIDEMMENT le groupe était-il finalement bien plus attendu dans les salles que dans les bacs, les sorties d’albums étant à chaque fois des prétextes pour remettre en branle un nouveau périple mondial – ainsi que, au cours des dernières années, une implacable machinerie marketing, le merchandising dédié prenant de plus en plus des airs de franchise – comme tous les autres à vrai dire. 

Alors, même si le chagrin et l’absence de notre idole restent toujours aussi vifs et douloureux (quotidiennement en ce qui me concerne) comme me le rappellent chaque logo gothico-germanique ou photos qui accrochent mon regard à tout va dans ce bureau confiné, avions-nous donc besoin d’un énième live en grandes pompes de ce MOTÖRHEAD-là, là où les bonus de la réédition de « Ace Of Spades », formule Kilmister-Clarke-Taylor, furent eux carrément stupéfiants ?

Vous connaissez déjà les trois quarts de sa set-list : impensable pour le groupe de ne pas jouer ses incontournables pivots – c’eut été ein skandal. "Damage Case". "Stay Clean". "Metropolis". "Over The Top". Cependant, après une introduction faite de larsens et de shrapnels provenant de la basse over-drivée du Chef, d’un "Guten abend" de circonstance, et de l’habituel « We are Motörhead, and we play rock’n’roll », c’est le forcément tonitruant "Born To Lose", justement tiré de « The Wörld Is Yours », qui ouvrait les hostilités sur chaque soirée de cette tournée-là. Et heureusement, le son ici restitué est à la hauteur de son titre : plus fort encore que le bruit. Au moins nous mangeons-nous ici dans les gencives ce mur sonique dense et épais, barbelé des riffs de la fameuse Rickenbacker en rythmique impitoyable – mais idéalement dompté par le quatrième membre de l’ombre, le producteur Cameron Webb, qui gère tout ce qui se passe en studio depuis « Inferno » en 2004. Tout est FORT, Vu-mètres dans le pourpre – mais perceptible, puissant et dynamique à la fois. Idéal, serions-nous tentés de dire. 

Autre atout, ce live se démarque grâce à un titre absolument jouissif si rarement joué en concert : ne vous fiez pas à ce bizarre "String Theory" annoncé dans le track-listing, il ne s’agit que du solo inutile de Phil Campbell, drapé de synthétiseur (!!!!), en introduction au dantesque "The Chase Is Better Than The Catch" de 1980. Non, la pépite reste ce "You Better Run", blues forcément lent et gras, sommet du mitigé « March Or Die » en 1992, ce soir-là mis à l’honneur – et également joué à Paris quelques jours plus tôt. "You Better Run", c’est de la jouissance à l’état brut, le blues de la Rickenbacker !!!! Le "Boom Boom" de John Lee Hooker et le "Mannish Boy" de Muddy Waters revus et corrigés par Lemmy avec un son de basse gras comme un marché de Rungis de charcuterie bavaroise !

Et après une telle salve, suivie d’un "The One To Sing The Blues" de circonstance (qui ouvrait avec fracas le fameux « 1916 ») et prompt à la démonstration de frappe de Mikkey, c’est la triplette finale qui assomme : l’enchaînement "Going To Brazil" du même album (façon rock’n’roll à la Chuck Berry), le monument "Killed By Death" et enfin l’hymne "Ace Of Spades". Easy, easy ! L’effet, jubilatoire, reste invariablement le même, même si vécu/entendu mille fois auparavant : c’est du très grand hard-rock et l’assurance ici de voir ces douze mille berlinois péter les plombs comme il se doit sur de tels morceaux. Et vlan, c’est enfin l’heure de l’exécution sans sommation avec « Overkill » et de ses trois conclusions reprises derrière dans une attaque de double grosse caisse furibarde qui vient over-tuer le public, pourtant habitué au blitzkrieg, de Berlin.

Alors, à la très légitime question de l’utilité d’un énième live de MOTÖRHEAD à revivre, la réponse est : ÖUI !!!! Trois fois oui lorsque l’album répond à toutes les attentes et livre une représentation stellaire d’une de ces soirées de 2012 – et rappelons-nous s’il vous plait d’être sorti du Zénith cette année là avec les oreilles bourdonnantes et un immense sourire nous défigurant le visage en sueur : « putain oui c’était bon !!!! ». Et même de se rappeler que ce concert-là était parmi les meilleurs qui nous avaient été donnés de voir après tant d’années. Donc en guise de souvenir à cette belle soirée parisienne, ce Berlin est un substitut de premier choix, 2012 ayant été un cru inoubliable !

Enfin, en terme de bonus, différentes éditions de « Louder Than Noise... Live In Berlin » sont accompagnées du DVD du même show, qu’il s’agisse de sa version CD ou de la box-set de rigueur, qui contient elle, en sus du double-vinyle, une couverture en simili-cuir ornée du Snaggletooth pour protéger votre passeport – qui fera son petit effet en passant à l’immigration d’un aéroport (un jour ?), pour peu que l’on embarque dans un bombardier.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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