11 mai 2021, 17:48

THE ALMIGHTY

"Welcome To Defiance - Complete Recordings 1994-2001"

Album : Welcome To Defiance - Complete Recordings 1994-2001

« On croise les doigts pour que pareil traitement soit opéré sur l’autre monument de leur trop brève carrière, l’excellent « Powertrippin' » sorti en 1993 en pleine vague grunge, et dont il emprunte les sonorités plus dark et expérimentales, tout en souhaitant surfer sur son succès croissant et sur une époque porteuse... en vain hélas, le suivant « Crank » étant un glaviot punk plutôt amer et percutant, qui verra le groupe se cantonner aux clubs minuscules et intimistes – pour le bonheur de certains ».

C’est ainsi que nous achevions il y a exactement six ans, début mai 2015, notre chronique des premiers albums de THE ALMIGHTY, « Blood, Fire & Love » et « Soul Destruction », tant aimés à l’époque pour lesquels nous nous enflammions à nouveau le temps de leurs rééditions chez Spinefarm – bien que nous ayons continuellement alimenté le feu en soufflant sur ses braises depuis le tout début des années 90, époque où nous avions découvert le groupe, dévotion que vous pouvez donc retrouver ICI

Si nous avons hélas complètement zappé cette réédition, pourtant tant espérée, de « Powertrippin' » sortie il y a à peine trois mois (fin février 2021, on ne s’en pardonne toujours pas !), le label anglais qui s’en est pourtant chargé vient de publier un exemplaire coffret CD qui contient... tout le reste. Tout le reste à savoir l’intégralité du catalogue THE ALMIGHTY à partir de 1994 et donc « Crank », jusqu’à la dernière note de son chapitre, « Psycho-Narco » en 2001. Soit quatre albums graduellement méconnus, mésestimés ou complètement passés à la trappe, quatre albums plutôt inégaux et moins impressionnants que leurs illustres prédécesseurs qui avaient hissé THE ALMIGHTY comme l’un des (derniers) espoirs les plus impressionnants de la scène heavy-rock britannique, avant qu’il ne soit, tellement à tort, éclipsé ces écrans radars par la scène alternative, grunge puis Britpop, trop associé à l’univers metal – alors qu’il en est tellement éloigné, et si intrinsèquement plus MOTÖRHEAD et punk que bon nombre de leurs contemporains.

Punk. Le mot est lâché : à partir de ce quatrième album « Crank », THE ALMIGHTY s’affranchit de toute réserve et assume complètement son ADN. Ricky Warwick troque ses cuirs et ses cheveux longs pour une coupe courte et lissée en arrière, des creepers, des marcels blancs et des chemises stylées de vieux rockabs’. C’est une évidence, le rockeur irlandais calque son look, ses inflexions vocales et l’orientation musicale de son groupe sur son héros et modèle Mike Ness, et incarne donc une alternative toute british à SOCIAL DISTORTION – aussi diablement frontale que mélodique et parfois encline à quelques ballades viriles. 

Assurément, « Crank » était cet album ultra puissant et in-your-face, sans concession, et qui caractérisait le basculement d’une époque, des mentalités, et de leurs propres désillusions face aux modes, au succès, à son mariage – et à la vie en général. Encore plus keupon, mais davantage nuancé et même audacieux dans l’exploration de sonorités vraiment old school façon THE CLASH, « Just Add Life » s’aventurait en 1996 vers un traitement sonore plus vintage et moins expéditif (quoiqu’en ouverture "Ongoing And Total" garantissait une certaine prudence dans la transition), et en lorgnant même vers des tendances carrément ska ("Dead Happy" ou encore "All Sussed Out" comme tentative de single) – avec à l’appui une pochette des plus conceptuelles à même de s’inscrire dans le paysage d’alors, entre BLUR et STONE ROSES. Autant l’album m’avait fortement déçu à sa sortie, autant le redécouvrir aujourd’hui n’est pas sans charme : il se savoure, même, avec vingt-cinq ans de recul et davantage de compréhension de son environnement et de la culture rock/punk anglo-saxonne, d’autant que ses compositions sont aussi solides qu’inspirées, méchamment viriles ou plus hétérogènes. 

Après quelques années de hiatus, THE ALMIGHTY réapparaissait avec un line-up modifié et un nouvel album homonyme en 2000 – hélas complètement ignoré, l’air du temps n’ayant que faire du retour aux affaires et au son originel du quatuor. Dommage car « The Almighty » et son rapide successeur « Psycho-Narco » en 2001 (l’un à la pochette façon tattoo entre tradition et modernité – et l’autre à l’artwork baclé, austère façon bootleg, et sans identité) voyaient le groupe renouer avec sa formule initiale, en tout cas celle de la première partie des années 90, de « Soul Destruction » à « Crank ». Certes ce dernier couple d’albums totalement passé inaperçu ne présente pas de hits notables, mais tous ses morceaux s’avèrent de bonne facture et s’inscrivent dans le song-writing qui avait alors tant séduit les fans de la première heure : rien de révolutionnaire à leur (re)découverte, mais l’assurance d’y trouver une recette hi-energy entre hard-rock, punk et rock'n'roll forcément virile et up-tempo qui pourrait cruellement manquer aujourd’hui, quelque part entre MOTÖRHEAD et SOCIAL DISTORTION, encore, sans l’ombre d’un doute – et surtout sans complexe, Warwick et ses compères n’ayant nulle autre intention que de jouer la musique de leurs tripes, la bande-son de leur vie, avec une sincérité contagieuse. 

Reproduire et rééditer proprement ces quatre albums inattendus est déjà une excellente initiative, mais la box façon "clamshell" de Cherry Red Records ne s’arrête pas là : le live « Crank And Deceit: Live In Japan », alors sorti uniquement là-bas en 1996 complète le package, témoignant d’un show brûlant donné le 16 juillet 1995 à Osaka au terme de la tournée « Crank », parfait témoignage souvenir du concert bordelais de février ’95 que nous avions follement vécu. Soit dix-sept mandales et autres uppercuts d’un groupe remonté à bloc et dont les mois et les mois sur les routes pour défendre cet ultime album populaire n’ont en rien éreinté (pour preuve les tueries "Wrench", "United State Of Apathy", "Ultraviolent" ou le "Crank And Deceit" qui lui donne son titre, sans parler des classiques "Over The Edge" et l’ultime et obligatoire "Crucify"). La vache, en réécoutant ça, pour la première fois en 26 ans, je revis ce concert du Dorémi !!!

Mais ce n’est pas tout : « Welcome To Defiance - Complete Recordings » propose deux autres CD. DEUX ! Ce qui porte le total de cette anthologie de deuxième partie de carrière à sept disques. SEPT. Le premier d’entre eux, « B-Sides & Remixes » est explicite : il regroupe un grand nombre de raretés des années 94-96, et notamment l’intégralité de l’EP « The Almighty » sorti par Chrysalis en France dans le sillage de la promo de l’album « Crank » ("Thanx Again, Again", "Knocking On Joe" déjà disponibles sur le single "Wrench", ainsi que "Give Me Fire" et "Do Anything You Wanna Do"), mais également "State Of Emergency" et "Hellelujah", ainsi que d’autres morceaux aussi obscurs tirés des séances de « Just Add Life » tels "Superpower", instrumental quasi funky, les ultra-punk "DSS (Desperately Seeking Something" et "Tense Nervous Headshake", "Canned Jesus", ou encore deux remixes du single "Jonestown Mind". 

Quant à l’ultime rondelle, « Live B-Sides & Sessions », elle vous offre de larges extraits d’un concert aussi incandescent que celui d’Osaka cette fois en début de tournée Crank (huit titres parfaits enregistrés au Kongret Zentrum de Stuttgart le 3 octobre 1994), une session radio du très Clash "Do You Understand" en ’96, et enfin deux faces B live, l’irrésistible "Jesus Loves You" et le oldie "I Fought The Law" justement popularisé par le groupe de Joe Strummer en 1979. 

Réhabiliter quatre albums entiers, un live intégral exotique et fiévreux comme une Malaria de première classe ainsi que l’intégralité des pépites les plus insoupçonnables du groupe depuis vingt-cinq ans : avec ses sept CD donc, chacun glissé dans des pochettes cartonnées répliques des originaux,  « Welcome To Defiance  - Complete Recordings 1994-2001 » se pose comme le dernier complément indispensable pour parfaire votre (re)découverte d’un des groupes les plus passionnants de son époque, avant que le sympathique Ricky Warwick ne parte avec autant d’intégrité en solo, et avec autant de classe assurer son rôle de frontman mûr et inspiré au sein des BLACK STAR RIDERS.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK