Quatre ans. C’est à peu près le temps qu’il aura fallu au trio américain WOLVES IN THE THRONE ROOM pour donner une suite à son sixième album, « Thrice Woven ». Ce dernier ne m’avait pas franchement convaincu à sa sortie, son côté décousu et trop "touche-à-tout" l’empêchant de développer une ligne artistique claire (ou obscure c’est selon). L’époque glorieuse de « Two Hunters », mètre-étalon black metal du groupe, restait donc confinée quelque part dans la profondeur des forêts d’Olympia, d’où le groupe est originaire. Et même si quelques fulgurances émaillaient encore des albums intermédiaires, « Black Cascade » et « Celestial Lineage », le groupe semblait tourner en rond sans trop savoir où vraiment poser ses guêtres. Mais les longues balades hivernales et les réunions nocturnes au coin du feu ont eu du bon : la lumière et le génie sont à nouveau de la partie sur « Primordial Arcana ». WOLVES IN THE THRONE ROOM a en effet enfanté un véritable monstre de chair et d'os, de racines et de lichens, de compost et d'humus : une plongée dans l'obscurité d'une forêt touffue. Dont la plus belle illustration est cette production profonde, vivante. Les frères Nathan et Aaron Weaver, à la manœuvre depuis plus de quinze ans dans leur sinistre entreprise, et une nouvelle fois épaulés par le troisième larron Kody Keyworth ont ici réalisé un boulot de titan avec un souci du détail qui force au respect.
Mais au-delà de l’enveloppe, le contenu est lui aussi à la hauteur : les riffs sont puissants, acérés, la batterie se révèle teigneuse, les vocalises ont retrouvé cette hargne qui leur faisait défaut sur les dernières réalisations. Cette impression, tenace, de retour en arrière est donc indéniable. Cependant celle-ci n’est en aucun cas synonyme de régression mais bel et bien de progression puisque le groupe ne se limite pas à une simple redite de ce qu’il sait faire de mieux, il va plus loin. "Eostre" par exemple, avec ses ambiances en apparence paisibles comparées aux précédentes déflagrations, se révèle un grand final subtil et tout en nuances. Ou "Mountain Magick", le morceau d’ouverture, qui est peut-être l’exemple le plus réussi de cette cohabitation entre ce passé flamboyant qui vient percuter un présent ragaillardi. Avec ses riffs épiques de toute beauté et cette montée en puissance typique des premiers albums du groupe, il place la barre très haut d’entrée de jeu. Le reste est du même standing, profondément black metal, redonnant ses lettres de noblesse aux ambiances d’une noirceur majestueuse. Tout comme le fabuleux "Underworld Aura" et ses claviers magnifiques, témoignant d’un doigté retrouvé dans le troussage d’atmosphères mélancoliques, de celles que l’on croyait oubliées depuis trop longtemps. "Spirit Of Lightning" et "Through Eternal Fields", plus directs, compacts, offriront eux aussi leurs lot de réjouissances aux fans du versant le plus traditionnel du genre.
« Primordial Arcana » est donc une réussite. Celle d’un groupe qui a toujours pris son temps pour peaufiner un black metal empreint de mystères, de nature et de passion. Une passion mais aussi une authenticité bien réelles qui laissent également transparaître ici toute la force et la beauté des Montagnes Olympiques, intarissable source d’inspiration pour notre trio...