Pari risqué que celui de LEPROUS de vouloir présenter en direct leur tout nouvel album « Aphelion » (chronique à retrouver ici), deux jours avant la sortie officielle de celui-ci, soit le 25 août dernier. Et le groupe norvégien étant un adepte des challenges en tout genre, ce ne sera pas un, mais deux livestreams consécutifs qu’il présentera aux fans. Le premier à 19h00 pour l'Europe, et rebelote à 1h00 du matin pour les Etats-Unis. Découverte totale pour celles et ceux qui, à ce moment-là, attendent comme des loups affamés la sortie de « Aphelion ». Seuls les chanceux chroniqueurs dont je fais partie ont eu le plaisir d’écouter l’album en avant-première.
L’excitation est à son comble dans les chaumières, sur les réseaux sociaux, et même dans la salle pour les personnes qui ont pu faire le déplacement jusqu’en Norvège, au Théâtre de Notodden, où le groupe a pris ses quartiers pendant la pandémie, afin d’offrir à son public des livestreams dignes de ce nom. Les musiciens sont à 19h00 pétantes sur scène et entament donc l’intro de "Running Low", premier titre du nouvel album, choisi également comme premier single. Le son est très bon mais les lumières sont par contre assez tamisées, et la qualité de l’image en pâtit un peu.
Alors que ses collègues sont bien en place, il semblerait qu’Einar Solberg (chant & claviers) soit un brin stressé. En effet, il se mélange complètement les pinceaux sur les paroles des couplets, mais son professionnalisme lui permet de se rattraper, et la grande majorité n’y a probablement vu que du feu. La deuxième chanson, "Out Of Here", est la première "vraie" découverte de la soirée. Parfaitement exécutée, elle est encore plus intense dans sa version live. "Silhouette" remporte un franc succès (mérité) auprès du public présent dans la salle. Contrairement à un concert traditionnel, le groupe prend le temps entre chaque morceau pour expliquer la genèse de leur composition respective, ou bien une anecdote liée au titre en question. Ainsi, on apprend que "All The Moments" a été écrit en studio, d’une manière très spontanée, que "Have You Ever ?" a été composé en grande partie par le talentueux bassiste Simen Daniel Lindstad Børven , et que paradoxalement, il ne contient pas de basse, mais aussi que "Silhouette" est le seul morceau de LEPROUS sur lequel le bassiste n’utilise qu’une corde ! Ou bien encore, que les parties de batterie sur "The Shadow Side" sont les mêmes que sur le titre bonus, "A Prophecy To Trust", présent sur la version mediabook de l’album, et puis qu’il aura fallu au groupe quatre ans pour venir à bout de "The Silent Revelation", dont les premières ébauches remontent à l’époque de l’album « Malina » paru en 2017.
Les cinq musiciens sont parfaitement détendus, au fur et à mesure que se déroule le concert, et s’adonnent même à quelques plaisanteries qui pimentent la soirée. Ils sont accompagnés de leur violoncelliste attitré, Raphael Weinroth-Browne, qui a filmé ses parties chez lui, au Canada, ne pouvant pas être présent sur place, pour les raisons que l’on connait depuis maintenant un an et demi. Mention particulière également pour le guitariste Robin Ognedal, qui brille particulièrement tout au long de la soirée (et de l’album) avec des interventions techniques, mélodiques et un touché tout en délicatesse, comme sur le superbe solo à la fin de "The Shadow Side". Tor Oddmund Suhrke, quant à lui, assure la triple casquette de guitariste rythmique, de claviériste et de choriste (soutenu aussi par Robin et Simen), le tout avec maestria et une sérénité à faire pâlir d’envie tous les musiciens en herbe, compte tenu de la complexité de la tâche qui lui est dévolue. Baard Kolstad est toujours aussi flamboyant derrière ses fûts, avec ce petit grain de folie inimitable qui en fait un personnage particulièrement attachant.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser compte tenu de leurs différences, les chansons de « Aphelion », se révèlent au public dans une belle continuité et une fluidité naturelles. "On Hold" et "Castaway Angels" étant des morceaux très exigeants vocalement, Einar Solberg, obligé de les interpréter à la suite, subit une légère faiblesse et sa voix se voile légèrement sur la fin de "On Hold" et sur la partie la plus aigüe de "Castaway Angels". Mais cela ne nuit en rien à sa prestation, bien au contraire, ce voile rajoute une fragilité supplémentaire à ces morceaux déjà très émotionnels.
Le concert s’achève sur la joyeuse mixture que compose "Nighttime Disguise", où LEPROUS présente sa facette la plus avant-gardiste et progressive : une sorte de retour à l’époque de l’album « Bilateral », sur lequel les musiciens s’amusaient à mettre tous les ingrédients possibles et imaginables dans le shaker : secouer le tout, et servir bien frais, évidemment. Et le pire, ou plutôt devrais-je dire, le meilleur, c’est que ça fonctionne !
Ce premier concert en livestream, malgré ses petites imperfections, a permis à LEPROUS et à ses fans de se rapprocher encore plus en partageant cette expérience inédite et en découvrant ces nouvelles chansons sous le meilleur des angles : la scène. Car s’il est bien un domaine dans lequel les Norvégiens excellent, c’est cette communication, directe et vivante, de leur musique riche, colorée et inimitable. Et le deuxième show pour la zone US s’est avéré, parait-il, encore plus intense. Le concert du 23 octobre à Toulouse pour le Ready For Prog Festival, ainsi que la future tournée de décembre s’annoncent ainsi sous les meilleurs auspices. Un conseil : ne tardez pas à réserver vos places, vous risqueriez de le regretter amèrement.
