6 octobre 2021, 18:30

METALLICA

"The Metallica Blacklist"

Album : The Metallica Blacklist

Non contents d’avoir débarqué en septembre avec un titanesque coffret-anniversaire pour son « Metallica », communément appelé « Black Album », et qui contient 327 titres et documents différents, METALLICA se permet de sortir en plus un quadruple CD (ou sept vinyles) en forme de compilation de 53 reprises des chansons de ce même album, revisitées par une foultitude d’artistes différents et venant d’horizons très divers, tous on ne peut plus éloignés des terres métalliques du groupe californien. Ce roboratif coffret se nomme « The Metallica Blacklist ». Rassurez-vous, il n’est point question ici de formations que les Four Horsemen ont déclaré persona non grata, non. Il s’agit en fait des chansons du « Black Album » honorés par ces artistes. C’est pourquoi il est aussi imposant et que l’on y retrouve à la queue leu leu plusieurs versions de la même chanson, agencées comme sur l’album original, de "Enter Sandman" en premier pour terminer avec "The Struggle Within". On aurait (et on aura sûrement pour certains) pu penser que le cumul des compositions qui se suivent pourrait nuire à l’écoute et lasser très rapidement, or il n’en est rien. Ainsi, il n’est pas fastidieux d’enchaîner trois, quatre versions de "Enter Sandman" ou plus même si l’on prend "Nothing Else Matters", en raison de la versatilité artistique que l’on découvre morceau après morceau, du moins revisite après revisite.

Pour ne rien gâcher, et inciter par ailleurs à l’acheter, METALLICA a précisé que l’intégralité des bénéfices seraient reversés à l’association qu’ils ont créée, All Within My Hands, ainsi qu’à plus de 50 œuvres caritatives choisies par les artistes apparaissant sur ce projet. Une initiative qu’il est bon de saluer, une raison supplémentaire s’il en fallait, de vous procurer un disque très intéressant, et de faire une bonne action au passage.

Si l’on ne va pas vous faire une énumération sans fin des 53 versions différentes contenues sur ces quatre (ou sept) volumes, attardons-nous sur quelques-unes qui ont su capter un peu plus notre attention que d’autres, si atypiques que l’on ne pouvait passer à côté sans en remarquer la facette audacieuse et, très souvent, pertinente. Et ce, sans considération de styles et de genres bien entendu car un large panel de genres autres que le heavy metal et ses chapelles, est représenté. Autre point intéressant lorsque l’on observe l’ensemble, celui du pourcentage de femmes parmi les divers interprètes. Quand on sait que la sensibilité de la voix d’une femme permet de révéler des nuances pas toujours évidentes à l’écoute d’une chanson lorsque celle-ci est l’œuvre d’une voix d’homme, il n’est alors pas étonnant de constater qu’elles subliment des titres qui sont rentrés dans nos crânes depuis près de 30 ans et qui continuent de faire très mâle.

Première de cette série avec la jeune chanteuse canadienne de R&B Alessia Cara, déjà trois albums à son actif, et qui a remporté de nombreuses récompenses outre-Manche pour son travail. Comme je le précisais plus haut, Alessia insuffle une belle touche de féminité à "Enter Sandman", une chanson très mélodique et qui ne souffre pas de se voir édulcorée par le traitement qu’elle reçoit. Autre artiste, autre ambiance mais toujours le même titre lorsque démarre la version de Juanes, de son vrai nom, Juan Esteban Aristizábal Vásquez, qui est un compositeur-interprète et guitariste colombien de pop-rock latine. Bien sûr, il faut avoir un grand sens de l’ouverture musicale pour appréhender autant de genres éloignés du metal originel dans lequel les chansons ont été forgées, mais cela permet de l'entendre d’une oreille candide et pas à l’abri de bonnes surprises. En deuxième ligne, "Sad But True", avec Sam Fender tout d’abord, artiste britannique d'indie-rock comme seuls les Anglais savent le faire, puis la stupéfiante version country-rock de Jason Isbell & THE 400 UNIT qui est l’une des meilleures sur cette album-hommage. A la manière d’un Johnny Cash sous amphéts pour vous donner le ton et qui emballe l’affaire avec insolence.

De son vrai nom Annie Clark, la chanteuse et guitariste St. Vincent officie dans un style indie-pop et art-rock, s’adressant (sur le papier du moins) à une certaine frange éventuellement plus intellectuelle de l’auditoire, et encore, cela ne veut pas dire grand-chose au final. Le point commun jusque-là est que chaque reprise aime à ne pas reprendre la structure le doigt sur la couture du pantalon et montrant par là même que l’on n’a pas ici affaire à des artistes qui se sont contentés du minimum syndical. Pour cela, on validera donc l’essai de St. Vincent. Direction l’Asie à présent avec YB, signifiant Yoon Do-hyun Band (윤도현밴드), un groupe de rock fondé en 1996 et originaire de Corée du Sud. Plus brute que l’originale, sa vision de "Sad But True" se voit retirée quelques couches au niveau de la production, tout en libérant toujours autant d’énergie que celle de METALLICA. C’est maintenant au tour de THE CHATS, de jeunes freluquets australiens, d'envoyer l’bouzin sur "Holier Than Thou" à la manière d’un glaviot punk, le tout expédié en moins de 2 minutes 30. Toujours au rayon punk-rock mais cette fois plus hardcore, OFF! plie le morceau et ne déçoit pas. En même temps, on a devant nous un "supergroupe" composé de membres des CIRCLE JERKS, BLACK FLAG, BURNING BRIDES, REDD KROSS, ROCKETS FROM THE CRYPT et HOT SNAKES. Bref, du lourd !

Surannée et limite dépressive pour CAGE THE ELEPHANT, qui propose sa mélancolique lecture de "The Unforgiven" où la voix de Matt Schultz se balade de manière nonchalante et désabusée avant que HA*ASH (prononcer "Hach" et également connu sous le nom de THE SOLD-OUT QUEENS et JACH ) ne s’empare du créneau pour emmener ce même titre sur des sentiers latino. Une partie du chant est par ailleurs transposé en espagnol et les voix d’Hanna Nicole et Ashley Grace virevoltent autour de trompettes typiquement sud-américaines. Dépaysant et, surtout, excellent.
On sait le mouvement hip-hop féru de samples en tous genres et "Wherever I May Roam" s’y est déjà prêté volontiers, l’intro au sitar installant cette familière ambiance orientale sur un beat minimaliste et gorgé d’infrabasses. Cette toile a été tissée par Chase & Status, un duo anglais de producteurs de musique électronique, sur laquelle s’est posé le rappeur, lui aussi britannique, BackRoad Gee. Le tout se tient et on aime ou on déteste, en tout cas le résultat ne laisse pas de marbre. Et tant qu’on est au rayon electro, place à SebastiAn, de son vrai nom Sébastien Akchoté, un musicien, DJ, producteur, mixeur et compositeur... français. Oui madame. Notre compatriote s’est amusé à mélanger "Don’t Tread On Me" avec "Nothing Else Matters", a collé un beat electro-pop et funky (les DAFT PUNK ne sont pas loin) ainsi que des cuivres, aboutissant au final à un hybride totalement inattendu, mettant à l’honneur une orchestration XXL de "Nothing Else Matters" avant de repartir de plus belle dans l’electro. Ce n’est plus de l’audace ici, mais de l’insolence. Et le pire, c’est que l’on ne peut que féliciter le vaurien ! Totalement fuzz dans l’esprit, Aaron Beam (bassiste-chanteur de RED FANG), assaisonne à la sauce de son groupe un "Don’t Tread On Me" d’une voix presque haut perchée.

Arrivé à "Through The Never", c’est à THE HU d’opérer, un groupe de heavy metal et folk mongol formé en 2016 à Oulan-Bator. En incluant des instruments traditionnels, tel que le morin khuur, ainsi que du chant khöömii (chant de gorge), le groupe appelle son genre musical du "hunnu rock", "hu" étant un mot racine mongol pour humain. Voilà pour l’étymologie. Et le résultat ? Une hydre à plusieurs têtes qui rase tout sur son passage. On s’en serait presque douté, c’est "Nothing Else Matters" qui se voit la plus reprise (12 fois sur la compilation) et celle à laquelle se sont associés Miley Cyrus (qui l’a interprétée avec brio en live en compagnie de METALLICA), Elton John, le violoncelliste Yo-Yo Ma, Robert Trujillo et Chad Smith (RED HOT CHILI PEPPERS) est incontournable. Du grand art, mais comment en aurait-il pu en être autrement avec le pedigree de chacun des invités ? Pour sa part, Dave Gahan (DEPECHE MODE) fait tinter d’émotion les accords de cette chanson si délicate, à l’image de Dermot Kennedy, un auteur-compositeur-interprète irlandais pour un duo piano-voix, uniquement rehaussé de quelques cordes sur quelques mesures. Des paysages verdoyants de la lande irlandaise aux steppes arides du désert, il y a un canyon, mais quel voyage il nous est proposé de faire...

L’occasion d’introduire Chris Stappleton et sa version country poussiéreuse à souhait qui n’aurait pas dépareillé sur la bande-originale de la série Sons Of Anarchy par exemple. Si l’on évoque Avi Vinocur, il est fort à parier que ce seul nom ne dira pas grand-chose à beaucoup de monde. Mais si l’on ajoute que celui-ci a déjà joué avec METALLICA en 2018 (cf. le « Helping Hands... Live & Acoustic at The Masonic » paru en 2019), mais aussi lors d’une émission de l’animateur radio Howard Stern qui s’est tenue le 12 août 2020, cela ravivera quelques souvenirs pour certains. Il était ce jour-là choriste lorsqu’ils ont interprété "All Within My Hands" dans cette même émission. Pour l’anecdote, lorsqu’Avi fut présenté par le groupe, il plaisanta et indiqua que normalement, il n’était là que pour prendre les commandes de repas. Ce à quoi Stern répondit : « Eh franchement Avi, tu traînes avec METALLICA et tu vas faire les chœurs ! Te chie pas dessus, mec. » Et à l’issue du morceau, l’animateur d’ajouter : « C’était magnifique les gars. METALLICA avec Avi. La bonne nouvelle, c'est qu’il sait chanter. La mauvaise, c'est que les repas du groupe sont prêts et qu’il faut aller les chercher maintenant ! ». Blague à part, Avi fait partie d’un duo nommé GOODNIGHT, TEXAS, formé avec Patrick Dyer Wolf et qui, dans une veine majoritairement americana, propose un tout doux "Of Wolf And Man". Ce sont d’ailleurs les seuls qui font honneur à cette chanson, c’est bien maigre comparé aux douze versions de "Nothing Else Matters"...

IDLES, groupe de punk-rock et post-harcore anglais originaire de Bristol fondé en 2009, s’est occupé de déglinguer "The God That Failed", là encore avec un résultat surprenant mais qui, je le répète, est extrêmement pertinent et efficace. Il ne faut pas oublier que « Metallica » est un disque qui a 30 ans et a été retourné en long et en large, entendu et réentendu encore et inlassablement. Et la fraîcheur qui a cours sur « The Metallica Blacklist » fait office de cure de jouvence, pour les titres comme pour les auditeurs. Le deuxième "cocorico" du disque est dû à la chanteuse Izïa. Fille de Jacques Higelin et sœur d’Arthur H, musicien lui aussi et de Kên Higelin, réalisateur, elle rend justice dans une veine très rock français contemporain (rien de péjoratif ici) à l’un des morceaux les plus émouvants du disque, "My Friend Of Misery", preuve là encore que les femmes présentes sur la compilation ont toutes visé juste. Mais c’est à l’Américain Kamasi Washington, saxophoniste de jazz, que revient, pour ma part, la palme de la meilleure reprise de ces 53 titres. Si le jazz est un genre musical complexe, soit d’approche soit de par le côté technique de certaines de ses variantes, on est directement happé par l’atmosphère qui s’en dégage, nous entraînant virtuellement dans un club de jazz feutré new-yorkais, et où la virtuosité des interprètes (chant et piano compris) est renversante. C’est terriblement subjectif mais s’il ne fallait en retenir qu’une, eh bien voilà quoi... Seul essai retenu pour "The Struggle Within", et l’œuvre du duo Rodrigo Y Gabriela, tous deux originaires de Mexico et composé de Rodrigo Sánchez à la guitare solo et de Gabriela Quintero à la guitare rythmique. Une dernière touche d’exotisme qui clôt les débats après 4h05 de discussion en musique.

Certains d’entre vous s’étonneront que je n’ai pas évoqué ici GHOST, Corey Taylor ou bien VOLBEAT, trois illustres noms, mais leurs propositions sont si proches de l’univers sonore de METALLICA que l’on a le sentiment qu’elles n’apportent pas plus d’eau que cela au moulin. Fidèles au son de leurs formations respectives, GHOST fait du GHOST (et pas son meilleur...), Corey chante bien mais ne fait pas plus que son travail habituel et le son de VOLBEAT est tellement marqué par le chant reconnaissable entre mille de Michael Poulsen que l’on s’ennuie très vite en comparaison de tout ce que l'on a entendu autrement. Attention, leurs versions ne sont pas mauvaises en soi mais après de telles (re)découvertes, tant en rock ou en punk, en electro, jazz, country et d’autres que l’on est assez déçu d’entendre du metal presque "banal". Quant à toutes celles dont nous n’avons pas parlé, elles ne déméritent pas et ont largement gagné leurs galons pour figurer sur un disque estampillé METALLICA.
En conclusion, n’ayez pas peur de vous aventurer hors de votre zone de confort et découvrez, vous aussi, de nouveaux horizons grâce à « The Metallica Blacklist ».

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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