12 octobre 2021, 16:55

NO ONE IS INNOCENT

"Ennemis"

Album : Ennemis

Si NO ONE IS INNOCENT avait été Gaston Lagaffe, il aurait été pourchassé par l’agent Longtarin. Si NO ONE IS INNOCENT avait été Fantomas, son "pire" ennemi aurait été le commissaire Juve. Ces quelques emprunts aux 3e et 7e arts afin d’entrer dans le vif du sujet et préciser que sur l’album « Ennemis », il ne faut pas aller chercher bien loin la nature des ennemis annoncés et que dans les syndicats de la police, certains doivent serrer les dents et les doigts sur leurs tonfa en découvrant ce nouvel et huitième album des Parisiens. Or, NO ONE IS INNOCENT n’est qu’un groupe de musique, bénéficiant de ce fait d’une liberté totale d’expression et s’en emparant une fois de plus comme d’un drapeau de la résistance et comme un cri de révolté, sachant que cette liberté de parole gravée sur cire et plastique ne pourra être censurée de quelconque manière. Et si, au fil de sa carrière, de par les textes de son chanteur Kemar, la formation n’a jamais mâché ses mots, ils sont sur ce nouveau disque comme crachés à l’encontre de ceux majoritairement visés dans ces nouvelles compositions.

Il faut dire que depuis la sortie de « Frankenstein » début 2018, le mouvement des "gilets jaunes" est passé par là, la COVID aussi bien sûr et jamais le groupe n’a paru aussi enragé / remonté / en colère (rayer – ou pas – la/les mention(s) inutile(s)) face à une société française en déliquescence mais qui s’accroche vaille que vaille. Leurs propos s’adressent en priorité à leurs compatriotes nationaux (le chant en français limitant de fait la portée du message) et sont autant de cocktails molotov envoyés dans les rangs drus des forces de l’ordre, ou du désordre ici selon la chanson consacrée. Fidèle à ses habituels sujets de prédilection (comment par ailleurs pourrait-on le leur reprocher vu leur teneur ?), "Dobermann", chanson mordante sur laquelle Kemar aboie littéralement ses textes tandis que ses acolytes envoient une rythmique sur l’intro qui n’aurait pas dépareillé chez un RAMMSTEIN, est une nouvelle fois, un pamphlet anti-Marine et associés, biffant la case d’avertissement contre le Rassemblement National d’entrée de jeu (« La résistance emmerde la haine nationale »). C’est à partir du deuxième morceau, "La Caste", que les pavés se mettent à voler à l’encontre des « consanguins en uniforme » quand les "Forces du Désordre" elles, sont interpellées ainsi : « Aux armes, aux armes petit soldat / Tu as tous les droits, peu importe la loi / En toute impunité, à la force du bras / Les forces du désordre aux ordres du roi. ». Achtung baby! NO ONE IS INNOCENT n’est pas un groupe composé d’anars et il n’est pas question de mettre tout le monde dans le même sac bien sûr. Cependant, il est bon de le rappeler tant certains seraient très certainement prêts à tirer à vue , à ne pas trier le grain de l’ivraie pour démilitariser l'analogie précédente. Se ralliant au mouvement des travailleurs et/ou citoyens surexploités (ne parlons pas de "gilets jaunes", appellation trop réductrice à mon sens), la chanson "Nous Sommes" rappelle que l’union doit, et devrait même, faire la force sachant que nos gouvernants connaissent très bien l’expression diviser pour mieux régner. Dommage que cette unité évoquée ne soit pas aussi efficace dans les faits qu’elle pourrait l’être, l’individualisme prenant bien trop souvent le pas sur le collectif dès lors qu’un mouvement tend à (per)durer, on l’a encore bien vu lors de la crise sanitaire, l’instauration du pass et la vaccination. Mais je digresse.

Très martial dans l’esprit, « Ennemis » bénéficie de fait d’une plage de répit au nom fort à propos, "Armistice", bien que très dispensable sur ce champ de bataille décliné en 10 autres morceaux. Et si "Hyènes de L’Info" et "We Are Big Brother" sont en deçà du niveau global de cette livraison 2021, voire téléphonées dans le traitement des mots choisis, nous avons la surprise de voir s’intercaler une "Polit Blitzkrieg" avec ses consonances electro qui, si elles donnent envie de bouger ses petons en rythme, n’affaiblissent pas pour autant la portée du sujet abordé. Tout simplement l’une des meilleures chansons d’un disque qui, en tant qu’unité, pilonne pendant 40mn tout auditeur appuyant sur la touche "lecture", doté d'une production XXL. Pour clore de façon un peu moins belliqueuse que ne l’a été cette démonstration de savatages en règle, « Ennemis » se referme au son de "Aux Armes, aux Décibels", hymne à la musique qui rend sourd, preuve que NO ONE IS INNOCENT n’a pas oublié qu’il était un groupe de rock avant tout et que « Tout se passe sur scène et sans aucune violence ». Ce qui n’enlève ni ne gâche rien à l’engagement citoyen et insurrectionnel dont ils ont fait montre depuis quelques années maintenant et dont on espère qu’ils ne faiblissent pas, véritable étendard et porte-parole de générations qui se suivent au fil du temps. NO ONE IS INNOCENT, tout simplement l’un des derniers bastions de la résistance musicalisée.

En conclusion et à l’issue de ces brûlots, on a le sentiment partagé de vouloir d’un côté retrouver une société qui prendrait le temps de renouer avec l’égalité, le partage, la justice, prendre soin de ses enfants, de ses "petits vieux", que la Police soit là sans excès de répression et de réprimande aveugle et aveuglée, bref l’envie de vivre dans une société meilleure sous bien des aspects. Mais nous visons là une utopie, soyons réalistes, et cela nous priverait en plus d’albums de NO ONE IS INNOCENT. Et ça, il n’en est pas question !

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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