8 novembre 2021, 17:43

LED ZEPPELIN

"Led Zeppelin IV" (1971 - Rétro-Chronique)

Album : Led Zeppelin IV

A mon avis, je pense que comme votre serviteur, la quasi-totalité des lecteurs de ces lignes n’auront pas eu la chance de vivre par eux-mêmes la sortie de cet album, ayant eu lieu le 8 novembre 1971, il y a un demi-siècle de cela. L’album sans nom de LED ZEPPELIN est judicieusement surnommé « IV » par le public (ou « ZoSo », l’un des symboles que l’on trouve à l’intérieur et sur lesquels nous allons revenir ci-après), quatrième de cordée qu'il est dans la discographie de la formation anglaise fondée à Londres trois ans plus tôt avec Robert Plant au chant, Jimmy Page à la guitare, John Paul Jones à la basse, aux claviers et John "Bonzo" Bonham à la batterie. Un disque qui a marqué durablement les esprits et continue de le faire cinquante ans plus tard. Le quatuor lui, est responsable d’un séisme musical mondial à la sortie de son premier album en janvier 1969, devenant l’un des pères du hard rock moderne, sous couvert d’un disque dont les fondations s’ancrent profondément dans les standards du blues (ce pourquoi ils seront vivement critiqués par certains, nous l’évoquerons plus bas), tandis que leurs compatriotes de BLACK SABBATH allaient de leur côté enfanter depuis Birmingham le heavy metal à peine un an plus tard. Dès le départ, LED ZEPPELIN ne perd pas de temps, véritable machine à vapeur lancée à toute vitesse dans un monde qui offrait alors bien moins de choix que nous en avons de nos jours, et livre quatre disques en moins de trois ans, calés entre janvier 1969 et novembre 1971. Seuls DEEP PURPLE pouvait alors prétendre rivaliser et offrir une alternative aux adorateurs de la musique qui fait du bruit.
 


Arrêtons-nous dans un premier temps sur les symboles, puisque l’un d’entre eux a servi de nom de substitution comme indiqué ci-dessus, puis nous en viendrons ensuite au gros de l’affaire, la musique. Commençons par celui du maestro, ZoSo, conçu par Jimmy Page en personne et qui s’est lui-même inspiré de l’Ars Magica Arteficii, un grimoire d’alchimie daté de 1557 rédigé par le mathématicien, philosophe, astrologue, inventeur et médecin italien Gerolamo Cardano (francisé en Jérôme Cardan) et qui traite notamment d’astrologie. Le Z est censé symboliser Saturne ou le signe du Capricorne (celui de Page) et, sans savoir précisément ce qu’il représente pour lui, il est probable que cela soit en rapport avec l’intérêt qu’il portait à l’occultisme et à Aleister Crowley en particulier. Le guitariste a d’ailleurs fait l’acquisition en 1971 de la Boleskine House, propriété ayant appartenu à Crowley entre 1898 et 1913 et qui est supposée avoir été le théâtre de messes noires et de sacrifices dédiés aux forces du mal. Robert Plant a plus sagement opté pour la plume de Maât, fille de Rê, déesse égyptienne de l'ordre, de l'équilibre du monde, de l'équité, de la paix et de la justice, que l’on trouve dans un cercle continu, symbole de vie. La plume est par ailleurs censée rappeler l’écriture et Plant a indiqué que le symbole avait également été conçu en s’inspirant d’une ancienne civilisation appelée Mu, qui aurait existé il y a 14 000 ans de cela. John Paul Jones a choisi un cercle recoupant trois vesica piscis évoquant dans le langage des runes une personne de confiance. Quant à John Bonham, il est personnifié au travers de trois cercles qui s’entrelacent, représentant ainsi la trinité père/mère/enfant. Mais il a aussi été interprété comme des toms de batterie vus du dessus. Enfin, fait du hasard (ou pas), ce symbole est celui d’une bière américaine, la Ballantine, un rapprochement fait par le groupe en voyant une publicité de la marque alors qu’il transitait entre deux concerts. On note enfin un cinquième et dernier symbole sur la pochette intérieure, constitué de trois triangles équilatéraux rejoints par leurs sommets et qui est affilié à Sandy Denny, pour sa contribution au morceau "The Battle Of Evermore". Féru d’occultisme qu’il est, Page et son groupe dans une plus large mesure, ont dû affronter la controverse liée à ces symboles, accusés longtemps plus tard de satanisme par un site internet évangélique qui a été mis en lumière (leurs initiateurs eux, n’en sont peut-être pas par contre) de par l’accusation alléguant que l’histoire de Harry Potter serait « une tentative du Malin pour renverser la Bible ». On vous laissera donc seuls juges de cette accusation et de son (toussotement) bien-fondé.


​Quid des huit chansons, que dis-je, fondations intégrales de l’Histoire du rock ? L’album démarre par "Black Dog", qui n’a rien à voir avec le surnom donné par le Vieux Lion Winston Churchill à sa dépression chronique dont il a souffert toute sa vie et qui, dans un bon jour, lorsqu’une personne lui avait dit « Je ne fume pas, je ne bois pas et je suis à 100% », avait alors rétorqué « Je fume, je bois et je suis à 200% ». Et ça, si ce n’est pas de la punchline 300 % rock n’ roll, je ne m’y connais pas. Mais c'est bien le seul rapprochement capillotracté que l'on peut faire entre les deux. Cette première composition ne doit son titre qu’à un chien noir qui trainait près des studios lorsque le groupe y était en plein effort. Je ne sais pas si cela casse un mythe mais la réalité est parfois d’une banalité assourdissante. A savoir tout de même, pour les plus musiciens d’entre vous, que le solo de fin a été enregistré en branchant directement la guitare de Jimmy Page dans la console, sans passer par un ampli. Puis vient "Rock and Roll", deuxième chanson de facture classique dirons-nous, mais rock jusqu’au bout du riff et qui aurait pu figurer quelques années plus tard sur un album d’AC/DC sans que l’on n’y trouve à redire. Ce n’est qu’à partir de "The Battle Of Evermore" que les choses commencent à devenir plus profondes. Ce titre, avec son leitmotiv joué à la mandoline, est le seul morceau de LED ZEPPELIN sur lequel figure l’adjonction d’une voix féminine, celle de Sandy Denny, du groupe Fairport Convention, un groupe folk pop britannique. Les paroles, elles, traitent des guerres d’indépendance de l’Ecosse, une série de campagnes militaires qui opposèrent l’Ecosse à l’Angleterre durant la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe siècle, entre 1296 et 1328. La première guerre débuta avec l’invasion anglaise de l’Écosse et se termina avec la signature du traité d'Edimbourg-Northampton. On arrive au terme de la première face du disque (restons vintage, cet album vermeil en vinyle a tout de même 50 ans) avec "Stairway To Heaven", pour lequel tout a été écrit, lu, dit, redit et qui est très certainement l’un des titres du groupe que toute personne ou presque sur cette planète a au moins entendu une fois dans sa vie. On appréciera par la suite les avertissements dans de nombreux magasins d’instruments autour du globe avec ces affiches à l’attention des guitaristes en herbe, les enjoignant à « Ne pas jouer "Stairway To Heaven", merci » (vingt ans plus tard, elle sera relevée de ses fonctions dans ces mêmes magasins par "Enter Sandman" de METALLICA). Sans parler des détournements humoristiques qui ont été mis en images sous forme de memes (ah, Kermit la grenouille…) ces dernières années pointant que John Bonham passait 4mn et 17 secondes à se tourner les pouces avant de pouvoir commencer à jouer. Il n’empêche que cette chanson mérite tout de même un peu de respect, pendant angélique du démoniaque "Highway To Hell" d’un groupe australo-écossais, sorti huit ans plus tard.

Face B, c’est parti. Ou plutôt, ça continue avec "Misty Mountain Hop", dont le nom est emprunté à l’univers de l’écrivain J.R.R. Tolkien, en référence aux montagnes brumeuses créées par le Vala Melkor pendant les Années des Arbres, comme obstacle pour Oromë. Les paroles elles, sont en total contraste et ancrées dans la réalité de l’époque, Plant y parlant de pouvoir se griller un spliff où il le souhaite sans être inquiété par les forces de l'ordre. Vous pouvez retrouver une version live de ce titre en fin de chronique, extraite du film The Song Remains The Same et filmée au Madison Square Garden de New-York en juillet 1973. "Four Sticks", littéralement « quatre baguettes » dans la langue de Molière, et une chanson effectivement jouée à la batterie avec non pas deux, mais quatre baguettes mais toujours deux bras, et qui fut compliquée à enregistrer, notamment de par sa signature rythmique alambiquée en 5/8 et 6/8 (toujours pour les plus musiciens qui lisent ceci). Particularité, elle ne fut interprétée qu’une seule fois en concert, lors de la venue du groupe en 1971 dans la capitale du Danemark, Copenhague. Inspirée par l’artiste canadienne Roberta Joan "Joni" Mitchell, "Going To California" est un titre acoustique qui s’appelait à l’origine "Guide To California" et qui fut pendant longtemps un pilier des set-lists du groupe. Enfin, "When The Levee Breaks", seule composition créditée en partie à un auteur différent, Memphis Minnie, une chanteuse afro-américaine de blues du début du 20e siècle, qui a été écrite en 1929 et se veut à l’origine une chanson de blues enregistrée par le couple Kansas Joe McCoy et Memphis Minnie justement. La version du zeppelin de plomb s’en inspire seulement, musicalement différente à l’arrivée, les paroles ayant par ailleurs été remaniées par Robert Plant. Mais sachant que les critiques, faites à juste titre en 1969, sur l’appropriation de morceaux du premier album qui étaient écrits par d’autres, le crédit attribué à Memphis Minnie remet ici les pendules à l’heure, du moins rend à César ce qui appartient à César (et Césarine le cas présent). LED ZEP en propose une version avec plomb justement, lourde comme la frappe de Bonzo que l’on y entend. Là encore, le groupe, Page en tête, continue d’utiliser à plein les moyens techniques et technologiques à sa disposition et expérimente à discrétion. Quitte parfois à compliquer les choses de façon presque inextricable, mais un travail payant à l’arrivée une fois le chemin trouvé. Ce qui est le cas pour ce titre final dont les parties de chant ont été enchevêtrées, décalées pour aboutir au résultat que l’on connait.

Le disque, s’est vendu à près de 30 millions d’exemplaires à travers le monde et a tutoyé le sommet des charts anglais, canadiens et néerlandais, trustant la deuxième place en France ou en Australie. Des chiffres totalement insensés qui ne pourraient plus avoir cours de nos jours. LED ZEPPELIN, avec ce disque, continue sur sa lancée et, alors mastodonte du rock avant d’en devenir un dinosaure dix ans plus tard, écume les stades et ne fait pas de quartier. On les retrouvera en 1973 pour « Houses Of The Holy », un disque qui renferme des pépites telles "The Song Remains The Same", "The Rain Song", "No Quarter" ou la reggae "D’yer Mak’er" (un jeu de mots avec le nom Jamaica lorsque prononcé avec l’accent anglais). Mais ceci est une autre histoire…

Pour aller plus loin :
« Led Zeppelin » (1969)
« Led Zeppelin II » (1969)
« Led Zeppelin III » (1970)
« Houses Of The Holy » (1973)
« Physical Graffiti » (1975)

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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