23 mars 2022, 19:00

TOOL

"Opiate" (1992 - Rétro-Chronique)

Album : Opiate

Nous sommes (déjà) en 2022 et cet album, non ! cet EP, fête ses... 30 ans !

Les migrations et déménagements ont parfois cela de bon qu’ils permettent de se séparer de bagages inutiles ou de laisser derrière soi les "encombrants".  Mais ils sont surtout l’occasion de faire de nouvelles rencontres, font naître de nouvelles amitiés et initier des projets qui, éventuellement, changeront la donne dans un domaine précis. Au cours des années 80, la convergence vers Los Angeles des futurs membres de TOOL va engendrer l’éclosion d’un groupe qui n’a pas d’égal dans son genre et qui va créer un style, devenir une référence absolue et faire naître une mythologie autour de sa cryptique discographie. Tels des aimants, le chanteur Maynard James Keenan et le batteur Danny Carey vont alors se retrouver voisins d’immeuble avant que ne les rejoignent le bassiste Paul D’Amour et le guitariste Adam Jones qui, à l’origine, s’orientaient tous deux vers une carrière dans l’industrie cinématographique. Ainsi naît TOOL. La machine se met en marche avec la parution en décembre 1991 de « 72826 », une démo sortie uniquement en cassette (avant une réédition non-officielle en 2017 agrémentée d’extraits du coffret de 2000 « Salival ») où l’on notera l’attirance du groupe pour la symbolique, "SATAN" s’écrivant 72826 si tapé sur un clavier téléphonique. Un fait confirmé par Keenan lui-même en 2016 dans sa biographie A Perfect Union Of Contrary Things. A noter également que cette cassette "6" titres était vendue au prix de "6" dollars.

Tout s’accélère ensuite pour le quatuor, lui permettant d’embrayer rapidement et de faire paraître le 10 mars 1992 son premier EP officiel, « Opiate », qui se traduit par opiacée mais serait à rapprocher de la citation de Karl Marx arguant que « [la religion] est l’opium du peuple ». Enregistré entre décembre 1991 et janvier 1992 dans les célèbres studios Sound City de Van Nuys en Californie (rachetés depuis par Dave Grohl, chanteur-guitariste de FOO FIGHTERS et ex-batteur de NIRVANA), l’EP permet d’amorcer les prémices de ce que TOOL s’attèlera à construire ensuite disque après disque. Dès les premières mesures de "Sweat", tout ce qui fait l’identité du groupe est déjà là et ce ne sont pas les phrasés de Keenan ou le côté syncopé de la rythmique du duo Carey-D’Amour que l’on découvre sur "Hush" et "Part Of Me" qui viendront contredire cela. Des morceaux courts, en totale opposition avec ceux que la formation composera plus tard, atmosphériques et progressifs et qui atteindront des durées plus que conséquentes. En cela, l’adjonction des morceaux live "Cold And Ugly" et "Jerk-Off" (quelles explosions de voix de Keenan !), secs comme des coups de trique et nerveux au possible, se veulent comme des témoignages des premières heures d’une bête sauvage en concert. La captation de ces deux morceaux a eu lieu à Los Angeles dans la nuit du 31 décembre 1991 au 1er janvier 1992 au Jellö Loft situé sur Hollywood Boulevard, un club qui accueille alors le groupe régulièrement. Concis, rock, explosifs certes mais la chanson-titre qui referme la marche, tranche totalement avec le reste du propos et pose les réelles bases de travail de TOOL pour les décades à venir. Son format un peu plus long permet ainsi d’alterner entre phases d’éclat et de calme relatif avant de laisser place, après 50 secondes de silence, à un titre caché, "The Gaping Lotus Experience", piste "chamanique" de deux minutes et quelques secondes.


​Il est intéressant de prendre en compte dans l’univers bourré de symboliques de TOOL ce qui est appelée la lacrymologie. Kézako ? Eh bien, si l’on se réfère à des indications que l’on trouve sur internet, l'univers du groupe est entre autres choses basé sur une invention d'Adam Jones. Selon l'historique écrit par le groupe, le guitariste, diplômé d'une école de cinéma et passionné par l'art sous toutes ses formes, traîne dans le milieu undergound de Los Angeles et y fait la rencontre d'un dénommé Ronald P. Vincent, auteur en 1949 d'une œuvre unique, A Joyful Guide To Lachrymology. Jones affirme que l'ambition de Vincent, grâce à son guide, est de fonder une philosophie/religion, la lacrymologie. Pour lui, le seul moyen pour un être humain de progresser et de se développer passe par l'exploration et la compréhension de sa douleur physique et de sa peine. Pendant plusieurs années, les musiciens propageront donc ce mythe, qui fait son apparition en 1993 dans une biographie distribuée avec les copies promotionnelles de l'album « Undertow ». Selon le site Urban Dictionnary, la lacrymologie est probablement née de leur volonté de railler mouvements religieux ou sectaires comme la scientologie, auquel le groupe s'attaque régulièrement dans ses textes.

Afin de célébrer les 30 ans de l’EP, est sorti le 18 mars 2022 « Opiate² », version 2.0 de la chanson-titre, durant dix minutes (soit le double de la durée du morceau original) à retrouver sur un disque Blu-ray en tant que court-métrage mis en images par l’artiste visuel Dominic Hailstone et le guitariste Adam Jones. On y trouve aussi des interviews et de nouveaux éclairages par des invités spéciaux, le tout accompagné d'un livret d’illustrations de 46 pages et de photos. La différence entre la version de 1992 et celle-ci tient surtout dans sa structure, avec un segment rythmique rallongé, faisant la part belle à la frappe du batteur Danny Carey. Le rendu sonore de la chanson se veut également plus affuté avec une meilleure clarté des instruments dans le mixage.

Evénement de taille si la situation permet de maintenir la date, TOOL se produira en France pour une date unique à Paris le 12 mai à l’Accor Arena.

Pour aller plus loin :
« Undertow » (1993)
« 10,000 Days » (2006)
« Fear Inoculum » (2019)



Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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