9 juillet 2022, 12:14

BEATCREAM

"People Stink" (1992 - Rétro-Chronique)

Album : People Stink

Nous sommes en 2022 et cet album fête ses... 30 ans !

Les Pays-Bas, outre ses canaux, ses vélos, ses tulipes et ses coffee-shops, a su offrir quelques groupes qui, au fil des décades passées, ont su, soit parvenir jusqu’à nos oreilles françaises et/ou perdurer dans le temps, voire même parfois pu s’exporter au-delà de leurs frontières bataves et européennes. A croire d’ailleurs que les formations de metal symphonique en sont l’unique spécialité avec des DELAIN, WITHIN TEMPTATION et autres EPICA, même si d’autres groupes plus rentre-dedans ne sont pas en reste, à l’instar de LEGION OF THE DAMNED et PESTILENCE rayons thrash et death metal. Le bassiste-leader d’IRON MAIDEN Steve Harris lui, ne manquera pas de nous signaler l’existence de GOLDEN EARRING, un groupe plus ou moins toujours actif, créé il y a 61 ans (si si) et qui fut mis à l’honneur avec "Kill Me (Ce Soir)", un morceau de son dixième album « Switch » paru en 1975, et repris en 1990 par la Vierge de Fer en face B du single "Holy Smoke". Mais je digresse et il est bien plus approprié d’évoquer en ce qui concerne BEATCREAM un URBAN DANCE SQUAD (UDS pour les intimes) ou même certains morceaux de BURMA SHAVE pour les – très – pointus, qui avait alors un style bien plus proche de celui qui nous intéressent présentement, en comparaison avec l’ensemble des groupes précités.

Et, à l’image d’UDS dont les membres avaient tous adoptés des surnoms, BEATCREAM fit de même et on retrouve donc sur ce premier disque un quatuor composé du chanteur Paul Peter "PP" Fischer (parfois orthographié "Pepe") en charge également des sections de cuivres, du guitariste et chanteur Jeroen "Jerk" Den Hengst, du bassiste André "D.R.E." Van Rooyen (ou Dr. D.R.E. bien qu’il n’ait rien à voir avec le célèbre chanteur-producteur de hip-hop américain Andre Young) et du batteur Ronald "Robocop Rob" Krom pour lequel on relèvera le clin d’œil au film Robocop de Paul Verhoeven, réalisateur lui aussi néerlandais. Et pour la petite histoire, nos quat’ zazous se sont rencontrés à Haarlem, une banlieue BCBG d’Amsterdam, plus concernés qu’ils étaient à cette époque par la musique, le foot, l’herbe (celle sur laquelle on joue au ballon bien sûr) et d’autres conneries de "djeun’s", que par les études.

Et l’bouzin, il envoie ou pas ? D’entrée de jeu, oui. Impossible d’ailleurs de distinguer l’ambiance sonore de « People Stink » des autres productions du genre venant des Etats-Unis. Rien n’est d’ailleurs laissé au hasard pour ce jeune groupe ayant eu la chance d’être signé dès son premier album par Columbia/Sony Music, pas la moindre des références en matière de maisons de disques. On entend bien au résultat dans nos enceintes qu’un gros chèque a été lâché car la production s’avère solide, le groupe est en place et affûté, les chansons sont calibrées au cordeau, les basses bien calées pour faire groover son système d’écoute et les compositions s’enchaînent ainsi comme à la parade. "Rock, Rave & Roll", "Fatassed'n Narrowminded", "Trouble In Paradise" et "Urban Cowboy" formant un quatuor d’entrée en matière tout bonnement imparable, BEATCREAM fait prendre la sauce en un tournemain, dosant soigneusement des rythmes remuants (ça évite de réemployer à tort et à travers le terme de groove qui se veut pourtant omniprésent), des guitares acérées quand elles ne sont pas furieusement metal ("Trouble In Paradise", "Hellhole"), le tout sur des mélodies qui mettent l’auditeur à genoux lorsqu’arrivent les refrains. Comme bien souvent chez ses congénères en la matière, la funk s’invite grassement à la fête pour faire le plein de vitamines, laissant place ainsi à de multiples ambiances que tout amateur de fusion reçoit généralement avec emphase. Pour cela, reportez-vous à la bien-nommée "Vitamins" où le groupe s’est outrageusement permis d’adjoindre un zeste de guitare classique qui, sans crier gare, nous découpe le lard façon jambon d’York. Et ce sans compter que l’on a du B6, du B12 et l’PP en quelques minutes seulement, la pilule passant alors toute seule. En milieu d’album, "Bridge (Over Troubled Water)" voit la parenté s’arrêter là avec le duo folk Simon and Garfunkel qui a, en son temps, eu un succès certain avec une chanson homonyme. La recette BEATCREAM se veut tout aussi bonne dans son genre avec ce gros riff d’entrée sur une basse slappée à grande vitesse et dont le refrain contagieux s’insère durablement dans le crâne. Si l’on pense au thème du film Shaft au début de "Dope City" avec ses sirènes de police « so US », bruitages pluie-battante-par-nuit-grouillante-et-échos-de-rue en arrière-plan calés sur une ligne de wah-wah bien funky, le naturel revient au galop pour de la bonne fusion des familles qui finit par dégueuler sur des influences punk lors de la bien-nommée "Mach 1", jouée à 1224 km/h donc, ou la tiltante "Pinball Boogie". Et pour s’en coller une dernière derrière la cravate avant de partir, quoi de mieux que de botter le cul des "bourges" (puisque le titre de l’album leur est dédié tout comme "Fatassed'n Narrowminded", comprendre là "gros culs étroits d’esprit") avec la chanson-titre au refrain si doux et printanier (« Les gens puent, à toute heure de la journée ils pètent / Et leur odeur est insoutenable »). Bref, vous l’aurez compris, ou allez bientôt le comprendre, « People Stink » est, depuis sa sortie, un remède à la sinistrose qui ne souffre d’aucun temps mort pour se révéler un très prometteur galop d’essai.

Les plaisanteries les meilleures sont les plus courtes comme on dit généralement et, malheureusement, ce sera le cas avec un second et dernier album qui paraît deux ans plus tard, « Masters Of Bad Taste », défendu chez nous sur les planches de feu l’Arapaho parisienne en décembre 1994 en première partie des MELVINS, les Hollandais étant alors tout juste plébiscités en tant que "Groupe le plus sexy" des Pays-Bas dans le référendum annuel du magazine rock Oor. Les plus chanceux auront également pu les applaudir un an et demi plus tôt, le 15 mai 1993 précisément à Pau, en compagnie d’une affiche bien punk pour l’occasion (LES DESTROPOUILLAVES, LES TONTONS FLINGUEURS, MOLODOI, THE POGUES, TREPONEM PAL, GBH, LES WAMPAS) ou en décembre cette même année avec FAST UNITY à Issy les Moulineaux. Pour conclure (et c’est le cas de le dire), BEATCREAM a choisi d’adopter bien trop tôt le slogan cher au cœur des punks : No future! M’étant un peu lâché sur ce texte, si vous lisez ceci, merci d’être arrivés au bout de cette chronique.

Pour aller plus loin :
« Masters Of Bad Taste » (1994) : le contrepied presque total du premier album, très agressif et presque pas fusion pour un sou. Un disque néanmoins solide bien qu’un peu long à la fin des quinze titres qui le composent. Mais à cette époque, les groupes aimaient bien remplir les 80 mn d’espace disponible d’un CD.

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK