7 juillet 2022, 18:39

24-7 SPYZ

"Strength In Numbers" (1992 - Rétro-Chronique)

Album : Strength In Numbers

Nous sommes (déjà) en 2022 et cet album fête ses... 30 ans !

Adeptes de la fusion, musicale s’entend, celle de genres que normalement tout oppose mais qui, par magie, prennent une nouvelle forme en arrivant à nos oreilles et ouvrant ainsi grand les portes de la perception si chères à Aldous Huxley et aux DOORS, vous n’êtes pas en train de lire cela par hasard. Car vous faites partie d’une caste, d’un cercle d’initiés, d’une frange réduite de personnes ayant vu le jour dans les années 70 (environ) et qui ont donc vécu les années fusion à plein. 24-7 SPYZ est un groupe à ranger aux côtés des SCAT OPERA, FUNGO MUNGO, BEATCREAM, WHITE TRASH, IGNORANCE et autres LIQUID HIPS. Des formations – malheureusement – éphémères pour la plupart et qui n’ont pas connu le succès d’autres groupes dont les noms parleront bien plus à la majorité, à l’instar d’autres homologues ayant pour noms FISHBONE, LIVING COLOUR, URBAN DANCE SQUAD et RAGE AGAINST THE MACHINE. Et ces groupes précités ne sont pas moins intéressants que leurs illustres confrères mais tout autant, voire plus. Nantis de deux albums parus en 1989 et 1990 qui n’ont pas vraiment rencontré preneur du côté du grand public (et pourtant, « Harder Than You » posait les bases et pas qu’un peu), 24-7 SPYZ débarque sur les radars européens le 7 juillet 1992 avec un troisième forfait, « Strength In Numbers », sorti sur la major East West America qui leur a permis de ratisser plus large pour ce disque produit principalement par Terry Date, que les fans de PANTERA connaissaient alors déjà bien.

Essayant de muscler leur jeu selon la méthode qui sera préconisée par Aimé Jacquet à Robert Pirès lors de la Coupe du monde en 1998, 24-7 SPYZ feint de la jouer funky lors du riff d’intro du premier morceau "Break The Chains" avant qu’un mur de guitares metal agressives ne nous sautent à la gorge et aux oreilles. Massif, à l’image du guitariste Jimi Hazel dont le pseudo rend hommage à deux figures black de la six-cordes, Jimi Hendrix et Eddie Hazel, tisseur de riffs chez FUNKADELIC et PARLIAMENT. L’attaque en règles se poursuit de plus belle sur "Crime Story" au riff haché et rehaussé par la section rythmique-pilon composée du bassiste Rick Skatore et du batteur Joel Maitoza. Mais je parlais de fusion et le morceau "Judgement Day" à l’ambiance Malabar bi-goût (ça vous rappellera des souvenirs) ramène l’auditeur en terrain balisé à l’instar de "Got It Goin’ On" qui intervient un peu plus loin dans la tracklist. Puis arrive "Understanding", reggae mâtiné d’influences indiennes due à un sitar où l’on relèvera la phrase « Do not judge a man by the color of his skin », détournant partiellement le « Until the color of a man's skin is of no more significance than the color of his eyes » du titre "War" chanté par Bob Marley & The Wailers en la belle année 1976. Jusque-là, on ne peut qu’approuver le choix du nouveau groupe, ayant opté pour le chanteur Jeff Brodnax en remplacement de P. Fluid, pas une mince affaire en général dans la carrière d’un groupe et qui, s’il est différent de son prédécesseur surtout pour le phrasé, s’en sort avec les honneurs et sied parfaitement à l’ensemble. S’ouvrant sur un faux interlide où l’on devine des dealers de rue en train de vanter auprès de potentiels acheteurs leur purple (variété de marijuana à la couleur pourpre) avant que les « cops » arrivent, on repart ici de plus belle dans le metal lourd des débuts de l’album et 24-7 SPYZ nous refera partiellement le coup à l’entame de "Last Call" et son chaud/froid, riff-refrain hargneux/chœurs aériens.


​Rendus à la moitié du disque, on prend plaisir à bouger ses petons (si t’as la réf’, t’es un bon toi) sur "Room #9", au riff heavy tortueux suivi avec frénésie par le bassiste Rick Skatore sur un débit vocal en mode fast style que l’on retrouve le plus souvent dans un style tout autre que le metal, le raggamuffin (ou dancehall pour les puristes comme moi). Puis survient l’instrumentale "Sireality" où Jimi Hazel se laisse tranquillement aller sans en faire des tonnes sur un tempo lent aux relents jazzy. Alors c’est sûr que si l’on n’est pas un tant soit peu tolérant et un fervent adepte des carcans et cases stylistiques, on a du mal. Pour les autres, c’est grand panard assuré. "I’m Not Going" par son break, fera penser à du FISHBONE période « Give A Monkey A Brain… » ou encore à un LIVING COLOUR période « Stain », deux disques parus en 1993 et qui ont mêlé un groove pur et dur au metal le plus lourd. Ainsi cohabitent sur ce morceau du gros heavy et un break ska jubilatoire. Après avoir pris de bonnes gifles, une douce caresse arrive pour le final avec "Traveling Day" signifiant la fin de ce voyage en leur compagnie. Bien qu’un peu long avec 14 titres et près d’une heure au compteur, il est suffisamment diversifié pour ne pas faire décrocher l’auditeur.

Etant paru en pleine vague grunge, autant vous dire que « Strength In Numbers » ne s’est pas vendu par palettes et le groupe a ensuite mis trois ans à s’en remettre avant de revenir aux affaires avec le très bon « Temporarily Disconnected » qui voyait le line-up d’origine réuni avec son ancien chanteur P. Fluid. Les retrouvailles seront de courte durée puisque succéderont à ce disque en 1996 un album avec un double nom : « 6 » pour l’Europe, renommé « Heavy Metal Soul By The Pound » en Amérique. Il faudra ensuite dix ans pour écouter « Face The Day » puis treize ans encore avant le dernier en date, « The Soundtrack To The Innermost Galaxy », paru en 2019. Plus méconnu que sous-estimé, 24-7 SPYZ est un groupe à connaître absolument et « Strength In Numbers » un disque à avoir dans la discothèque de tout amateur de fusion qui se respecte.

Pour aller plus loin :
​« Harder Than You » (1989) : en dépit d’une pochette dégueulasse, un contenu au groove hautement contagieux
« Temporarily Disconnected » (1995) : en dépit d’une pochette dégueulasse, un contenu au groove hautement contagieux (bis)

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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