5 juillet 2022, 23:59

BRING ME THE HORIZON + FEVER 333 + LANDMVRKS

@ Lyon (Halle Tony Garnier)

Seule date française rescapée du "Survival Horror European Tour" de BRING ME THE HORIZON en 2022 (celle de Toulouse ayant été repoussée au 13 février 2023), ce mardi 5 juillet 2022 est à marquer d’une pierre blanche. La Halle Tony Garnier de Lyon a revêtu ses plus beaux atours pour accueillir le groupe de Sheffield. Et même si la configuration de la salle est un peu restreinte, le public s’est quand même déplacé en masse pour les Britanniques qui ont donné, dix jours auparavant, un excellent concert au Hellfest à Clisson (visible sur Arte). On laisse la moiteur étouffante du sud-est en milieu d’après-midi pour rejoindre Lyon bien avant l’ouverture des portes. L’air y est doux, en cette fin de journée, le soleil se fait moins brulant et l’attente est plaisante à l’ombre des arbres, une légère brise venant caresser la peau.

Le public déjà présent rassemble toutes les générations et tous les styles. Souvent décrié, l’éclectisme de BRING ME THE HORIZON est précisément ce qui fait sa force. Toujours avec un train d’avance sur les autres, et se jouant des soi-disant barrières, le groupe mélange allègrement metalcore, pop, electro, punk, emo, techno et autre, pour parvenir à créer une musique riche, puissante et aboutie. Fondamentalement joyeuse dans la forme, mais profondément torturée dans le fond. Car si l’on se plonge un tant soit peu dans les paroles des chansons, on comprend très vite que les textes sont un exutoire psychologique pour le chanteur, Oliver Sykes, qui y expose son mal-être, sa fragilité et ses émotions. Fait suffisamment rare pour être rapporté, le timing de la soirée est respecté à la lettre, tant pour l’ouverture des portes à 18h30 que pour les horaires de passage des groupes. Les anciens abattoirs de Lyon se sont offert un sacré lifting depuis leur transformation fin 1988 en salle de spectacle, et le son, qui a toujours eu la réputation d’être plutôt exécrable dans ce lieu tout en longueur, s’avère d’excellente qualité ce soir.  Pour les trois groupes, qui plus est. 


En effet, les premières parties sont assurées par deux groupes qui n’étaient initialement pas prévus à l’affiche. Pour notre plus grand bonheur, les Français LANDMVRKS, dont nous avions particulièrement apprécié le concert au dernier Hellfest (report ici) et les Américains FEVER 333, la révélation du Hellfest 2019 (report ici) se sont joints à la dernière minute à BRING ME THE HORIZON. Excellents choix pour assurer une ambiance explosive de la première à la dernière seconde de cette soirée ! Il est 19h45 lorsque les lumières s’éteignent dans une Halle déjà bien pleine, fosse comme gradins. A voir le nombre de T-shirts, les Marseillais semblent très attendus, ce qui n’a rien de surprenant, quand on connait la qualité de leurs prestations et leur popularité grandissante. LANDMVRKS propose un set parfait et équilibré, entre morceaux ultra  bourrins ("Death", "Rainfall"), catchy ("Lost In A Wave", "Blistering"), mélodiques ("Visage") et complexes, leur permettant d’exposer en un minimum de temps, toute la palette de leurs multiples aptitudes. Une fois de plus, on se prend une bonne branlée de la part de LANDMVRKS, qui maîtrise l’art d’habiter la scène. Les musiciens sont carrés, le son est propre et puissant, et Flo Salfati (chant) fait encore des merveilles, capable de passer d’un registre doux en voix claire, à un phrasé rappé, ou à des growls profonds venant du fond des tripes. Ces musiciens sont habités par la passion et la rage, et leur musique fait immédiatement de nouveaux émules dans la salle, qui réagit très positivement à leur metalcore moderne, dynamique, mélodique et fort bien exécuté. Une demi-heure passée trop vite, sans temps mort, et un succès mérité pour LANDMVRKS, qui continue de gravir les échelons à vitesse grand V.

Le temps du changement de plateau et c’est au tour de FEVER 333 d’investir la scène et de dégoupiller leurs premières grenades avec "Bite Back" et "Only One". Le trio de fou furieux composé de Jason Aalon Butler au chant/cris/hurlements, de Stephen Harrison à la guitare et de l’exceptionnel Aric Improta à la batterie (et aux pirouettes), nous envoie déflagration sur déflagration. Déjà bien animée avec LANDMVRKS, l’ambiance dans la fosse se réchauffe copieusement au son du metal/hip-hop/hardcore/punk des Américains. "Made An America", LE tube incontestable, est repris en chœur par la foule, et les frissons de plaisir remontent tout le long de la colonne vertébrale. D’autant plus lorsque Jason Aalon Butler, qui présente le groupe, en français dans le texte (« We are Fever Trois Trois Trois »), prend la parole en faveur des minorités, des gens de couleur, des femmes (merci pour elles, merci pour nous !), et contre ceux et celles qui détiennent le pouvoir, en usent et en abusent... L’homme est habité, convaincu et convaincant, mais il est également un frontman possédé par son art, n’hésitant pas à faire un vol plané par-dessus la batterie de son collègue, Aric Improta, qui lui, reste un peu plus sobre que d’habitude côté pirouettes. C’est pour pouvoir mieux nous éclater la gueule avec son groove incroyable et sa puissance de frappe. Eblouissant de talent, ce batteur est fascinant ! Quant à Stephen Harrison, il est aussi fêlé que ses comparses, parcourant la scène de long en large, et martyrisant sa guitare comme un possédé. La musique revendicative et monstrueusement groovy du trio fait mouche auprès de la majorité du public, qui headbangue en rythme et se jette dans des pogos incontrôlables, déversant toute l’énergie négative accumulée pour la transformer en une force ultra brillante et positive. "One Of Us", "Trigger", "Burn It Down" sont des occasions supplémentaires de donner de la voix. Acclamé comme il se doit, FEVER 333 nous laisse exsangues sur les dernières notes de "Hunting Season". Nom de Dieu, quel show !


La Halle Tony Garnier est désormais bien remplie lorsque qu’arrive les six musiciens, tous élégamment vêtus de noir, de BRING ME THE HORIZON, à 21h40 tapantes, au son du cultissime "Can You Feel My Heart", issu du non moins cultissime album, « Sempiternal » (2013), qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’est PAS une chanson d’amour. Et la salle de s’embraser d’un coup, chacun hurlant les paroles à plein poumons : « Can you hear the silence? Can you see the dark? Can you fix the broken? Can you feel, can you feel my heart? » (« Peux-tu entendre le silence ? Peux-tu voir l'obscurité ? Peux-tu réparer celui qui est cassé ? Peux-tu sentir, peux-tu sentir mon cœur ? ») ainsi que son break très émouvant : « I'm scared to get close, and I hate being alone. I long for that feeling to not feel at all. The higher I get, the lower I'll sink. I can't drown my demons, they know how to swim » (« J'ai peur de m'approcher, et je déteste être seul. J'aspire à ce sentiment de ne rien sentir du tout. Plus je m'élève, plus je tombe bas. Je ne peux pas noyer mes démons, ils savent nager. »)


Le fond de scène et les contremarches de l’escalier sont illuminés de différentes vidéos nous immergeant complètement dans l’univers du groupe. Les musiciens se tiennent sur les différents paliers qui composent la scène, la batterie de Matt Nicholls et les percussions de Jordan Fish étant placées sur la plus haute marche. Cette disposition permet de bien voir ce qu’il se passe sur scène, malgré l’éloignement ou la présence de grands gaillards postés devant nous. Matt Kean (basse), Lee Malia (guitare) et Oli Sykes, quant à eux, investissent l’intégralité de la scène, jouant sur la largeur et les différentes hauteurs, ce qui donne à voir les silhouettes des musiciens qui se découpent en ombres chinoises, dans un rendu immersif très artistique.

La ferveur est palpable tout au long de la soirée. La set-list fait bien évidemment la part belle aux chansons issues du récent et excellent EP, « Post Human Survival Horror » (2020), tout en n’omettant point les classiques du groupe, depuis l’album « Sempiternal ». Seul "Diamonds Aren’t Forever" de « Suicide Season » (2008) sera joué en rappel, pour le plus grand bonheur des fans de la première heure. Effectivement, le groupe préfère se concentrer sur ses travaux les plus récents, qui sont, indéniablement, les plus qualitatifs. Après "Happy Song", on se prend en pleine face un "Teardrops" absolument monstrueux de puissance. Toute la salle frémit et chante à s’en péter les cordes vocales. Interprétation magistrale qui décuple la force de ce superbe titre. "Medicine" calme un peu le jeu mais ce sera de courte durée, car BRING ME THE HORIZON enchaîne alors quatre morceaux ("Ludens", formidable en version live, "Dear Diary", un véritable déferlement de violence, "Parasite Eve" puis "Shadow Moses" avec son imparable refrain) au son dantesque qui n’accordent aucun répit à la fosse en ébullition. Même les gradins ne sont pas épargnés par l’énergie bouillonnante qui se dégage de la moindre parcelle de peau de chaque spectateur présent. Un échange intime entre groupe et public, qui ne font plus qu’un, le temps d’une soirée. Lorsque retenti "Itch For The Cure (When Will We Be Free?)", qui fait office d’introduction à "Kingslayer", on se prépare à sauter et danser comme des possédés. Entre circle-pits et mosh-pits, la fosse est méchamment secouée. A tel point que nous voyons surgir de cette lave en fusion une jeune fille qui peine à retrouver son souffle. Aidée d’un ami et d’un spectateur, elle sera évacuée vers la sortie, afin de pouvoir se remettre de son malaise.


"DiE4u" accorde une brève accalmie, avant de repartir de plus belle avec "Mantra", qui est rudement plus efficace en concert que sur disque. Si tous les regards se tournent naturellement vers Oli Sykes, débordant de charisme, les cinq autres musiciens ne sont pas là pour faire de la figuration. Mention toute particulière à Jordan Fish qui soutient et complète admirablement bien les parties de chant du frontman. Ce dernier est d’ailleurs très en voix, autant sur son chant clair que sur ses growls. Pas de fausseté, pas de dérapage vocal incontrôlé, Oli Sykes a vraiment pris de l’assurance et son chant a bénéficié de cette évolution positive, tant sa technique et sa maîtrise ont progressées.
A la demande du chanteur, les hommes font grimper leurs compagnes ou amies sur leurs épaules, et toute la salle s’éclaire de la lueur des téléphones portables, pour la version acoustique particulièrement émouvante  de "Follow You". Et l’on restera dans l’émotion, avec "Drown", pendant laquelle Oli a pris l’habitude de descendre devant le premier rang pour chanter au plus proche des fans. Le groupe sort de scène sous les applaudissements déchainés du public, pour revenir quelques minutes plus tard avec les trois dernière chansons de cette soirée démente, "Obey", "Diamonds Aren’t Forever" et l’indétrônable "Throne" sur lequel les spectateurs vont  jeter leur dernières forces en sautant à n’en plus finir, et en entonnant les « Ohohohoh » de rigueur. Du premier au dernier rang, la joie explose, les sourires rayonnent et les yeux se parent de mille lucioles.

Pas une personne ne ressortira de ce concert en faisant la tronche, car chaque âme ici présente vient de recevoir son quota de bonheur, à emmagasiner précieusement dans le rayon des souvenirs impérissables.  BRING ME THE HORIZON a été tout simplement grandiose et magistral ce mardi soir, formidablement soutenu par FEVER 333 et LANDMVRKS. Ceux qui étaient là s’en souviendront toute leur vie. Ceux qui n’y étaient pas risquent fort de le regretter toute leur vie ! Ne dit-on pas que les absents ont toujours tort ? •

Portfolios : BMTH - FEVER 333

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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