21 octobre 2022, 19:08

AVANTASIA

Interview Tobias Sammet

Le monde d’AVANTASIA s’ouvre à nouveau avec un nouvel album sous la lumière de la lune : « A Paranormal Evening With The Moonflower Society » . Entre musique monumentale et invités prestigieux sur visuels fantastiques, il invite à nouveau les auditeurs à sillonner un univers magique. Tobias Sammet, tête pensante du projet, nous parle de son univers où l’imagination déborde et la créativité s’ouvre à des horizons variés.
 

Bonjour Tobias, nous allons parler du neuvième album d'AVANTASIA, « A Paranormal Evening With The Moonflower Society ». Est-ce que tu as toujours le même plaisir à la sortie d'un nouvel album ?
Oui, bien sûr, c'est toujours du plaisir, sinon, je ne le ferai plus. Il y a eu quelques albums qui étaient plus durs à sortir mais je ne peux pas dire que je n'y ai pas pris de plaisir. En tous cas, pour cet album, je me sens détendu parce que pour quelque mauvaise raison que ce soit, je n'avais pas grand chose d'autre à faire de ma vie que de le composer pendant deux ans et demi. Travailler sur la musique a permis de me garder en pleine forme avec un esprit sain. J'ai vraiment apprécié mettre en forme cet album donc j'avais hâte de le voir sortir. 

C'est un album envoûtant, comme sa pochette d'ailleurs, qui a été réalisée à nouveau par un fabuleux artiste : Alexander Jansson. Comment t'est venue l'idée de le faire travailler sur l'artwork de tes albums ?
Eh bien en fait, c'est une coïncidence ou peut-être un coup de chance qu'on ne peut expliquer. Il y a quatre ans, je suis tombé sur son travail, en ligne, alors que j'étais juste en train de faire des recherches d'images sur Google. Tout de suite, ses images ont capté mon attention car je les ai trouvées fantastiques, amusantes, mignonnes mais en même temps un peu grotesques. Je l'ai contacté en lui demandant s'il serait d'accord pour aller encore un peu plus loin dans le grotesque et l'étrange et il a beaucoup aimé l'idée. Ce qui est drôle, c'est qu'il est peintre dans le domaine des livres pour enfants mais comme j'ai beaucoup tourné en Suède avec EDGUY et même AVANTASIA, il me connaissait. Donc quand j'ai tenté de lui expliquer ce que je faisais, il m'a dit : « Oui, oui, je sais ! » et a été d'accord pour faire la pochette d'un album de heavy metal malgré son expérience pour les enfants. On a travaillé ensemble sur « Moonglow » puis sur celui-là et j'en suis très content car son imagerie va très bien avec ma musique, elle est pleine d'imagination, fantastique mais aussi bizarre et grotesque.

Elle est le reflet de la musique variée de l'album avec des chansons lourdes comme "The Wicked Rule The Night" et d'autres plus lentes comme "Misplaced Among The Angels". Est-ce que c'est une bonne vision de tout le panel musical dont est capable AVANTASIA ?
Je ne sais pas s'il s'agit de la personnalité complète d'AVANTASIA mais en tous cas, je n'ai jamais voulu me contenter d'une musique étriquée, collant à un style défini, même lorsqu'il s'agissait déjà des premiers albums d'EDGUY. On a été d'un côté très extrême du power-metal et on l'a exploré à fond donc si je veux continuer à faire de la musique qui m'intéresse et qui soit excitant pour les gens, j'ai besoin d'ouvrir mes horizons, vers la gauche et la droite. Il est toujours intéressant d'enrichir ma musique avec de nouveaux aspects tout en gardant mon intégrité et en restant sincère vis à vis de mes racines. AVANTASIA est pour moi une véritable cour de récréation que j'adore. Cela me permet de vraiment faire tout ce dont j'ai envie tout en restant du AVANTASIA. Mais je me suis battu pour pouvoir jouer la musique que j'aime et en fin de compte, je pense que je le fais avec honnêteté et de façon convaincante. A vrai dire, je n'ai jamais senti que je trahissais le power-metal comme certains peuvent le dire. J'ai toujours joué du power-metal mais en m'ouvrant vers d'autres domaines.

La musique d'AVANTASIA est de toute façon incomparable avec celle d'autres groupes supposés du même style. Qu'en penses-tu ?
Oui, mon but est vraiment d'emmener les gens en voyage quand ils écoutent notre musique. C'est une aventure vers ma propre imagination et c'est comme ça que je veux qu'on approche l'album. « A Paranormal Evening With The Moonflower Society » n'a d'autre ambition qu'emmener mes amis et mes auditeurs vers un théâtre magique. C'est un voyage vers leur esprit et leur imagination aussi. C'est aussi pour cette raison que je pense que tu ne peux pas vraiment écouter AVANTASIA en streaming. C'est possible mais l'aspect visuel a énormément d'importance pour moi : le livre, les images... toute l'approche fantastique va au-delà de la musique en elle-même. J'ai vraiment envie de sortir les gens de leur environnement, de leur routine.

Est-ce que le fantastique et la magie sont une façon d'échapper à la réalité du monde qui nous entoure ?
Eh bien pas tout à fait. Bien sûr, ce que je compose permet de s'échapper mais je ne vois pas ma musique comme un exutoire. C'est une façon de se séparer du monde matériel, physique extérieur mais je ne crois pas que le monde dans lequel j'emmène mes auditeurs soit hors de la réalité. A mon sens, ce n'est qu'une autre facette de notre monde, un autre quartier de notre réalité. Mais c'est bien réel. Depuis qu'on est très jeunes, on nous enseigne qu'il y a deux mondes : le monde réel, celui des adultes, celui où tu dois être celui qu'on attend de toi et l'autre monde, celui du week-end où tu peux te saouler mais alors tu n'es plus dans le monde réel. Le métier que je fais est considéré comme hors de la réalité, rien de sérieux. Mais en ce qui me concerne, j'ai besoin de cette partie de ma réalité pour m'organiser et rester sain. J'y trouve un équilibre pour le monde matériel. Je tire beaucoup de force et de puissance dans mon imagination. Tout ce dont je rêve me paraît vraiment réel, pas forcément matériel, à part l'argent que je gagne avec ma musique, mais réel. Ces deux mondes sont connectés, ils sont deux parties d'un même monde en fait. Il m'arrive de passer sept ou huit heures par jour à imaginer des choses et réfléchir. Un adulte "normal" considérerait ça comme de la rêvasserie stupide et sans intérêt et que ce n'est pas le monde réel. Mais si je ne faisais pas ça, je serai incapable de produire ce que je fais. Alors bien sûr ma musique n'est pas d'une grande aide pour l'humanité en tant que telle, je le sais, mais même les gens qui sont de grands inventeurs doivent faire appel à leur imagination pour organiser leur pensée et progresser matériellement parlant. Je pense que l'imagination a un effet direct sur le monde matérialiste. Je suis la preuve réelle qu'il ne faut pas te laisser dire : « Arrêter de rêver, gagne ta vie ! » C'est une façon très limitée de considérer la vie. A mon sens en tous cas. La vie ne requiert pas toujours d’être mature, au contraire. La maturité ne te permet pas toujours d’aller au bout de tes rêves et de tes ambitions.

Est-ce que tu peux nous dire qu’elle est cette "société de fleur de Lune" dont tu parles ?
C’est en gros la société d’inspiration et d’imagination faite par les musiciens, les artistes et les gens de la culture. Ce sont les entités, les gardiens du monde dont je viens juste de parler. J’ai imaginé l’album comme une bande son d’un théâtre imaginatif où ces personnages, cette société, sont là pour accueillir l’auditeur et l’emmène vers "l’autre côté". Mais cette société existe aussi dans la vraie vie. Les fleurs de Lune (moonflowers) s’ouvrent la nuit, quand le monde s’endort, quand la compétition s’arrête. Comme je le fais moi-même. Je peux respirer, je peux souffler, pas de téléphone qui sonne, pas de compétition, pas d’infos à la télé. Le monde est silencieux et je peux créer. De nouveaux mondes s’ouvrent alors sous la lumière de la lune. Ma vie de musicien me permet d’être cette fleur de lune, ce que je ne pourrais probablement pas faire si j’étais un vrai adulte, mature et accompli. La musique est notre bouée de sauvetage.

On parlait du côté visuel d’AVANTASIA : sais-tu déjà ce que tu vas mettre en scène lors des futurs concerts ?
Je ne sais pas trop mais avec AVANTASIA, on était toujours en train de se demander comment combler la scène, en faire quelque chose de beau à voir, de fantastique pour le public. Mais ce dont je me suis aperçu, c’est que plus tu apportes de la distraction sur scène, plus tu détournes l’attention du public de ce qui compte vraiment : la musique. Si tu es un groupe avec quatre membres et que tu mets plein d’effets pyrotechniques, du maquillage, des objets... on ne te voit presque plus. Pour AVANTASIA, il y a une limite très fine entre faire un spectacle et jouer un concert. Donc pour les prochains concerts, je n’ai pas encore vraiment d’idées de ce que je veux faire mais je veux que ce soit avec style sans trop de distractions. De toute façon, même si on utilise de la pyrotechnie, on ne sera jamais aussi bon que KISS ou RAMMSTEIN, ce serait presque comme dans un mauvais film car il y aurait plein de trucs qui exploserait tout le temps et ça pourrait être super dérangeant pour une partie de notre public. On veut faire des concerts, pas jouer dans des pièces de théâtre.

Tu es toujours entouré d’invités spéciaux comme Bob Catley de MAGNUM ou Floor Jansen de NIGHTWISH... C’est important pour toi de partager ta musique avec d’autres musiciens, des amis ?
Oui, j’adore chanter et j’ai redécouvert la joie de chanter pendant le confinement donc je dois dire que c’est parfois difficile pour moi de partager les parties vocales mais la cour de récréation qu’est AVANTASIA est si gratifiante pour moi. Travailler avec tous les artistes présents sur l’album, c’est vraiment génial. L’essence même d’AVANTASIA, depuis le départ, c’était de travailler avec mes héros, des gens que j’admire. Et en tournée, c’est en plus un réel entraînement pour moi que d’être cinq fois par semaine sur scène avec des chanteurs talentueux. C’est très formateur. Quand j’avais quinze ans, je n’aurais jamais pu imaginer pouvoir chanter un jour avec mes idoles sur scène, gratuitement en plus, pendant trois mois d’affilée, sur tous les continents ! C’est incroyable quand tu y penses. Je suis béni de pouvoir partager ces moments avec les meilleurs musiciens du monde. Pourtant, aucun d’entre nous ne se comporte comme une star. Tout le monde est dédié entièrement à la musique et contribue à mettre chaque chanson au centre de l’attention. Je suis vraiment très fier de tout cela.

Pour terminer, peux-tu nous en dire plus sur la dernière chanson de l’album qui s’intitule "Arabesque" et qui fait preuve d’une grande originalité en liant des cornemuses, des passages orchestraux, des passages orientaux... ?
Oui, c’est une chanson très longue ce qui ne me pose pas de problème. Cette chanson a été écrite pendant l’enregistrement de l’album précédent ou même un peu avant mais on avait déjà deux longs titres pour « Moonglow » donc je l’ai mise un peu de côté pour l’utiliser pour cet album, la musique au moins car j’ai écrit les paroles juste là. En effet, il y a des parties très écossaises, des passages arabisants, des moments 70's, du rock, parfois c’est un peu comme du QUEEN... Il y a vraiment beaucoup de choses différentes et ça peut parfois être difficile à comprendre mais je le vois comme un concept. C’est un défi mais je ne veux pas me contenir. C’est ce qu’il faut retenir de « A Paranormal Evening With The Moonflower Society ». Je veux vous emmener en voyage, dans mon univers et ma vie, dans mon imagination. J’espère que l’album va vous plaire en tous cas.

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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