
11 février 2023 : date particulièrement mémorable qui restera à jamais gravée dans le cœur et l’esprit des personnes présentes ce samedi au Trabendo. La raison tient en cinq lettres : KLONE. Alors que le groupe Poitevin a sorti la veille son septième album studio, « Meanwhile » (chronique à, retrouver ici-même), il s’apprête également à enflammer le public parisien venu en masse pour assister à ce concert exceptionnel, et vivre une expérience émotionnelle hors du commun. Reconnaissance plus que largement méritée pour un groupe qui roule sa bosse depuis plus de vingt ans et n’a cessé de se renouveler, sans jamais se renier.
Après l’ouverture des portes à 19h, en guise d’entrée en matière, ce sont THE OLD DEAD TREE et PATRÓN qui assurent les premières parties. Dès 19h30, ces derniers, emmenés par Lo, leur chanteur-compositeur charismatique à la voix de baryton irrésistible, nous servent un set d’une trentaine de minutes, que l’on ne sent pas passer, tant leur desert-rock ultra groovy et inspiré a le don de remuer l’assistance dans une atmosphère de joie pure et saine. Une musique qui fait du bien à entendre et fait éclore des étincelles de bonne humeur, avec une basse très en avant qui sert de locomotive à des compositions faites pour danser. Le quatuor ne ménage pas son énergie et sa fougue et cela se perçoit sur les visages illuminés d’un grand sourire des personnes présentes. Une vraie belle découverte. Un groupe que l’on a hâte de revoir car 30 minutes de cette qualité, c’est vraiment trop court !

Le changement de plateau se fait assez rapidement. A ce sujet, efficacité et maîtrise seront de la partie toute la soirée, et c’est, pour le public, un plus non négligeable. De ce fait, l’ambiance ne retombe pas à la manière d’un soufflé raté qui serait sorti trop tôt du four, comme c’est bien trop souvent le cas. Autre atmosphère avec THE OLD DEAD TREE qui propose un metal à la croisée des chemins entre dark, extrême et gothique. Mélodies émouvantes, rythmes puissants, alternance de chaud et froid, de légèreté et de profondeur pour une musique intimiste, violente et torturée. Las, on ne peut que regretter les problèmes de sonorisation qui mettent basse et guitares très en avant et noient quasiment tout du long la voix du chanteur Manuel Munoz, qui, malgré son investissement et son émotion palpable, en devient par moment presque inaudible. En découlent aussi des problèmes de justesse de ton, dus sans doute à ce volume trop fort. Fort dommage, car lorsqu’on écoute les productions discographiques du groupe, on se laisse envoûter par cette voix belle et touchantes. Cela ne remet donc pas en cause la beauté des compositions du groupe qui a, ce soir, joué de malchance et aurait pu délivrer une prestation bien au-dessus de celle à laquelle nous avons assisté. L’audience réserve tout de même un bel accueil au quintet, qui n’a pas démérité, notamment avec un passage acoustique de toute beauté. A revoir, on le souhaite, dans de meilleures conditions au Hellfest en juin prochain.

A sentir la tension qui s’accumule, il est évident que les rois de la soirée sont très attendus, et c’est sous les ovations d’un public déjà chauffé à blanc que Guillaume Bernard (guitare), Aldrick Guadagnino (guitare), Morgan Berthet (batterie), Enzo Alfano (basse) et Yann Ligner (chant) entrent en scène au son de l’intro majestueuse de "Elusive" (signée Matthieu Metzger au saxophone), et c’est parti pour 1h15 de tout ce qui fait l’essence de KLONE : alternance de riffs lourds et planants, batterie ultra-puissante (ah, ce son de caisse claire inimitable qui claque dans l’air comme un coup de tonnerre !), basse grondante et mélodieuse, sans oublier la voix sublime chargée d’émotion d’un Yann Ligner, royal de bout en bout. Ce premier morceau prend une force et une intensité accrues en live, par rapport à la version studio. Une entrée qui met les choses au clair dès le départ : on n’est pas là pour une soirée tricot et vielles broderies entre retraités du quatrième âge ! La force de vie que dégage le groupe est époustouflante. Comme quoi, on peut avoir déjà plus de vingt ans de carrière et être au top de sa forme et de sa créativité. Et ce, malgré la fatigue accumulée que les musiciens ont eue à gérer depuis trois jours, avec un nombre de kilomètres indigeste au compteur, et seulement quelques heures de sommeil dans les jambes. Sans oublier les aléas de la route, et les emmerdes qui vont avec...

Le groupe poursuit sa mission "cassage de nuques" avec un "Rocket Smoke" pas piqué des vers. En l’espace de deux titres, on vient de se prendre un aller-retour en pleine face qui met tout le monde d’accord. Le superbe "Night And Day" pose une ambiance plus profonde et touchante, avec cette ligne de basse de toute beauté, et son refrain prenant : « Night and day, I will be by your side / Everywhere, there is so much to live before we die. » (« Nuit et jour, je serai à tes côtés.Partout, il y a tant à vivre avant de mourir. ») Superbe morceau qui prend une ampleur tragique emmené par la présence magistrale de Yann Ligner. Tout juste peut-on regretter, du premier rang du moins, que la voix du chanteur semble un peu en retrait par rapport aux instruments, et ce, durant tout le set. Mais fort heureusement, l’énergie et la force émotionnelle dégagées se chargent de pallier à ce léger inconvénient. S’en suivent les premiers moments plus aériens avec les très beaux "Sealed" et "Keystone" issus de l'album « Le Grand Voyage » (2019), avant que le quintet ne nous balance une grosse dose de groove avec le génial "Gone Up In Flames" tiré, lui, de « Here Comes The Sun » (2015). Un régal ! Puis ce sont les désormais connus et attendus "Within Reach" et "Bystander" du dernier album que le groupe nous envoie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la période de rodage en live est loin derrière (voir reports des concerts de Toulouse et Istres ici et là). Les musiciens maîtrisent de mieux en mieux les nouvelles chansons et leur donnent du relief et une vibration toute particulière qui en font des moments plus que savoureux. C’est là que l’on se rend compte de la portée de cet album, qui risque fort d’emmener KLONE haut, très haut, dans le cœur et l’âme des auditeurs et fans toujours plus nombreux. "Immersion" est l’occasion de se laisser porter par la grâce et d’oublier tout ce qui nous entoure. Une plongée dans la beauté de la musique, avec tout ce qu’elle recèle d’indicible et d’indescriptible. Juste le son qui flotte dans l’air...

Mais ce serait mal connaitre le groupe que de penser qu’il allait nous laisser planer trop longtemps. Mission "cassage de nuques - étape 2" réussie haut la main avec un "Army Of Me" déchainé et surpuissant ! Déflagration musicale qui achève la moindre des résistances. Tout simplement fantastique. L’ambiance est survoltée, le public en communion absolue avec le groupe, qui ne se ménage pas une seconde, autant Guillaume, Aldrick et Enzo, qui parcourent la scène de long en large, que Yann, qui assure sa présence charismatique, bien ancré dans le sol, et Morgan, qui fait souffrir ses toms et cymbales comme jamais. Mais comme KLONE sait jouer avec les montagnes russes de nos émotions avec une maîtrise épatante, on se retrouve une fois encore, sur le fil sensible, entre frissons et larmes avec "Nebulous" et "Silver Gate", joyaux de délicatesse et de finesse, qui fissureraient même le plus solide des granits. Ovations, applaudissements nourris, cris de rappel verront les musiciens revenir pour un dernier moment suspendu. Et ce sera "Yonder" qui, une fois de plus, aura l’honneur de clôturer une soirée éblouissante de richesse, bouillonnante de créativité et de chaleur humaine. Car après avoir quitté la scène, les artistes prendront aussi le temps de partager et d’échanger avec leurs fans, avec une générosité dont bien peu de groupes font preuve, hélas. Bravo Messieurs, pour votre talent, votre investissement et votre musique qui s’imprègne dans le cœur des fans pour ne plus jamais en sortir. Et merci de nous offrir le meilleur de vous-même avec toute la sincérité et l’altruisme dont vous êtes capables. Instants précieux, mémoire d’instants de vie, les concerts de KLONE sont des expériences dont on ressort grandi.
Photos © Régis Peylet - Portfolios : KLONE | THE OLD DEAD TREE | PATRÓN
