5 avril 2023, 19:52

BURY TOMORROW

"The Seventh Sun"

Album : The Seventh Sun

Quand certains groupes rajoutent quelques touches de pop sucrée à leur musique, BURY TOMORROW fait tout l’inverse et durcit le ton avec son septième album, « The Seventh Sun », qui fait suite aux excellents « Cannibal » (2020 - chronique par-ici) et « Black Flame » (2018 - chronique par-là). Mais alors que nous écrivions à la sortie de « Cannibal » qu’il serait souhaitable que le groupe varie sa formule, nos souhaits n’ont pas été exaucés. Ou plutôt, si. Mais différemment.

BURY TOMORROW utilise une recette éprouvée, certes similaire à chaque sortie, mais reste droit dans ses bottes. Car si l’on a droit, comme de coutume, à un metalcore mélodique avec alternance de chant clair et de scream, on est tout de même dans le haut du panier. Car le groupe, mené par les frères Winter-Bates (Daniel, chant saturé et Davyd, basse), est de loin l’un des meilleurs dans sa catégorie et se distingue de la masse interchangeable des groupes de metalcore qui pullulent sur le marché, grâce à un son bien à lui et un art de la composition extrêmement bien ficelée. Et ce, malgré les changements de line-up que le groupe a subi en 2021. En effet, comme conséquence de la pandémie, il s’est avéré que le groupe et l’emblématique Jason Cameron, présent depuis le tout début, alors en charge des voix claires et de la guitare, ont préféré se séparer, n’étant plus sur la même longueur d’ondes. Lourde tache pour le petit nouveau, Tom Prendergast, que de remplacer Jason et sa voix si particulière qui donnait toute sa saveur au groupe. Mais le défi est relevé haut la main par le chanteur, également claviériste, qui amène un vent de fraicheur à la musique de BURY TOMORROW, accompagné par l’autre nouvelle recrue, le guitariste Ed Hartwell. Précédé en 2022 par la sortie de deux singles, "Death (Ever Colder)" et "Life (Paradise Denied)", « The Seventh Sun » voit le groupe franchir une étape dans sa déjà longue carrière.

Le désormais sextet vit une sorte de renaissance, crachant toute sa rage dans de nouvelles compositions aussi hargneuses que mélodiques. Dani n’a jamais sonné aussi agressif que sur cet album, ses growls étant maîtrisés et profonds comme jamais ("The Seventh Sun", "Abandon Us", "Forced Divide", "Boltcutter", "Heretic"), la batterie d’Adam Jackson et la basse de Davyd sont des rouleaux compresseurs,  et les guitares de Kristan Dawson et Ed Hartwell assènent un riffing acéré et efficace en diable, parsemé de soli inspirés. La touche de changement vient des claviers de Tom qui proposent des atmosphères entre douceur et noirceur et des mélodies mélancoliques. Dès le démarrage, on se prend une bonne branlée dans la gueule avec "The Seventh Sun" et "Abandon Us", qui s’enchaînent en ne laissant aucun répit. On se fait laminer dans les règles de l’art, mais les refrains mélodiques qui s’impriment dans la tête ne sont jamais loin. Le groupe arrive à trouver un juste milieu entre violence brute et passages plus aérés, à l’image de "Begin Again", qui ralentit un peu le tempo et offre de belles envolées vocales. Mais le répit est de courte durée, car "Forced Divide" est une autre mandale sur fond de cavalcade trépidante. Très bon morceau qui risque bien de faire quelques victimes dans les concerts.

"Boltcutter", le premier single sorti, propose une forme légèrement différente, puisque ce sont les couplets qui sont chantés en voix claire et le refrain en voix saturée, pour un résultat toujours aussi hargneux. On distingue plus clairement les claviers sur "Wrath", qui apportent cette note mélancolique, notamment sur le final planant. Puis vient la parenthèse de légèreté, la bulle d’oxygène au milieu de cet album dense, avec la superbe "Majesty", une ballade qui permet d’apprécier toutes les subtilités et nuances de la voix de Tom Prendergast, qui brille ici de mille feux, avec un début en douceur suivi d’une poignante envolée lyrique, à laquelle viennent s’ajouter les screams de Daniel Winter-Bates. "Heretic" est LE tube de l’album, avec son refrain très réussi et son côté bourrin à souhait, accompagné d’une vidéo pour le moins sanglante... Et qui plus est, Lawrence "Loz" Taylor, hurleur en chef de WHILE SHE SLEEPS, est venu filer un coup de main à ses potes en y posant sa voix de chat écorché, pour un résultat encore plus percutant. "Recovery" et "Care" sont dans la même veine, entre lignes de chant harmonieuses et riffs agressifs. Les morceaux sont tous sur un même format, court et ramassé (idéal pour un passage radio, bien que l’on doute fortement que BURY TOMORROW puisse passer sur les grandes ondes commerciales, vu la violence de son propos). Pas de fioritures, ni de détours alambiqués. On va droit au but, d’un point A à un point B, même si l’on doit traverser un champ de ronces et récolter quelques écorchures et cicatrices au passage.

On referme « The Seventh Sun » avec l’un des plus beaux titres que BURY TOMORROW ait composé. "The Carcass King" est épique et fort, qui voit une troisième voix, féminine cette fois, se mêler avec bonheur à celles des deux chanteurs. Cody Frost est une jeune fille connue pour avoir participé à la version britannique de l'émission de télévision "The Voice", et elle délivre ici une prestation toute en délicatesse, se mariant subtilement aux deux autres voix et à la musique, apportant une touche de fraicheur et de mélancolie de toute beauté, sans pour autant être prédominante.

En un mot comme en cent, on est toujours bien ancré dans le metalcore du groupe, mais ce dernier morceau apporte une autre dimension, profonde, et d’où se dégage une certaine tristesse désabusée avec ces derniers mots : « Takes no courage. Cast the stone and pray. There’s no worship. Only irony. » (« Cela ne demande aucun courage. Jetez la pierre et priez. Il n'y a pas de vénération. Seulement de l'ironie. »)
Toujours produit par Dan Weller, le son de « The Seventh Sun » est particulièrement réussi : moderne, frontal mais bien équilibré. Loin d’affecter leur créativité, les changements de personnel ont su booster les artistes et apporter des tonalités différentes à leur musique. « The Seventh Sun » est un album direct, abouti, débordant de hargne, avec un juste équilibre entre l’aspect harmonieux et la violence, vécu ici comme un exutoire, pour un metalcore de très haute volée. BURY TOMORROW n’est plus un challenger depuis longtemps et prouve, avec cette septième offrande, qu’il fait partie intégrante du peloton  de tête, très loin devant le troupeau des suiveurs.

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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