23 juin 2023, 12:15

AVENGED SEVENFOLD

Interview Johnny Christ


Rares sont les groupes qui peuvent se permettre de prendre autant de temps entre deux albums. Pourtant, ce sont bien sept longues années qui séparent "Life Is but a Dream..." de son prédécesseur, l’unanimement acclamé "The Stage". Couplé à ce vide discographique, une absence scénique de près de cinq ans qui aurait pu laisser penser que le groupe ne reviendrait tout simplement pas. Mais cela serait mal connaître les cinq Californiens, affairés à nous concocter leur album le plus ambitieux, comme nous l'explique le bassiste Johnny Christ dans cet entretien. Ambitieux et audacieux, car après tant d’attente, revenir avec un disque aussi varié et surprenant, fallait oser... et A7X l’a brillamment fait !


L’album est extraordinairement complexe et ambitieux. Quel était votre état d’esprit au moment de vous lancer dans son écriture ?
Avant même d’avoir écrit la moindre note pour cet album, nous nous sommes réunis tous ensemble afin de savoir ce que nous voulions faire, quelle était la prochaine étape. Avec "The Stage", nous avions connu un beau succès. Cela n’a pas été simple, car nous avions besoin d’un nouveau but à atteindre. La conclusion de cette discussion, c'est qu’il fallait parvenir à trouver le bon équilibre entre ce que nous voulions entendre et surtout réussir à créer quelque chose qui n’avait jamais été fait auparavant. Voilà, en résumé, le point de départ et cela nous a pris cinq ans pour tout mettre en oeuvre. Les idées venaient, nous les avons modifiées, parfois nous les abandonnions au profit d’autres que nous trouvions meilleures. Ce fut un long cheminement. 

En découvrant le premier single, "Nobody", en mars dernier, les fans auraient pu y voir l’orientation générale du disque, mais il est si diversifié qu'au bout du compte, il faut vraiment écouter tout l’album pour pouvoir l’appréhender dans son entièreté.
C’est vrai, mais la première fois que j’ai entendu le riff de « Nobody » sur nos démos, je me suis dit que ce serait un super single. En revanche, pour moi, ce n’est pas un single au sens strict du terme, car effectivement il n’est pas représentatif de l’album. Lors de son écoute, tu peux penser que c’est différent, mais que cela reste du AVENGED SEVENFOLD. C’était la bonne chose à faire pour ne pas décontenancer nos fans. Depuis, « We Love You » est sorti en mai et nos fans ont commencé à se rendre compte que cet album serait différent. Les titres de ce disque sont tous tellement uniques, qu’il est difficile d’en extraire un ou deux. Il faut entièrement l'écouter et pas un titre par-ci par-là. C’est notre album le plus court, mais en même temps, c’est aussi le plus complexe. Il montre parfaitement où nous en sommes en tant que groupe et vers quoi nous souhaitons aller.
 

C’est notre album le plus court, mais en même temps, c’est aussi le plus complexe . - Johnny Christ


On ne peut qu’abonder dans ton sens, l’album fourmille d’arrangements avec, comme point d’orgue, votre collaboration avec l’orchestre de San Bernardino et ses 78 musiciens.
Tu peux le dire, c’est totalement fou. Passer après John Williams qui venait de faire la bande originale de "Kenobi", c'était incroyable. Mais le plus important, c'était de faire de bonnes chansons, en éliminant le superflu. Pour autant, lorsque nous travaillions sur l'écriture d'un pont ou d'un riff, nous ne voulions pas le dépouiller pour le dépouiller. S’il sonnait comme nous l’entendions avec tous ses arrangements, nous les gardions pour la version finale. Et je t’assure que nous avons coupé plein de choses, mais lorsque nous étions 100% satisfaits, peu importe le nombre de pistes, nous le gardions. Je veux juste que nos auditeurs prennent la mesure de ce que nous avons accompli. C’est difficile à décrire, mais je suis certain qu’au moment où nos fans écoutent ce disque, ils comprennent ce que je veux dire.

Quelle a été la réaction de Joe Barresi - votre producteur – quand vous lui avez présenté les démos de "Life Is but a Dream...". Vous a-t-il poussés à aller plus loin ou au contraire vous a-t-il freinés dans votre audace ? 
Il nous connait bien, car nous avions déjà travaillé ensemble sur l’album précédent et il nous a poussés à aller plus loin. Que ce soit avec Synyster (Gates, guitare) qu’il a encouragé dans ses soli ou même moi, il s’est assuré que nous donnions le meilleur de nous-même afin d’obtenir ce que nous souhaitions. Il a travaillé dur pour que chaque morceau sonne comme nous l’entendions. Il doit avoir un million de pédales dans son studio et il n’a pas eu peur de prendre le temps de travailler avec nous pour avoir LE son pour chaque chanson. Nous avons littéralement passé des jours entiers à chercher chaque son de chaque titer avant d'enregistrer la moindre note. Mais c’est une méthode très plaisante, car cela rend ton album vraiment unique et naturel.

Il a été jusqu’à pousser Synyster Gates dans ses derniers retranchements sur le dernier titre. Est-ce vrai qu’au départ, vous vouliez engager un pianiste professionnel pour enregistrer ce final ?
C’est tout à fait exact. A l'origine, ce titre a été composé par Brian (alias Synyster Gates) sur un clavier midi, en 2015. Depuis cette époque, je n’ai cessé de penser à cette chanson. Je suis un grand fan de Chopin et pour moi, ce titre aurait pu être une oeuvre de Chopin. Il sait jouer du piano, mais il ne se considère pas comme pianiste accompli. Là encore, c’est Joe qui l’a incité à jouer ce titre. Cela a pris des mois, mais Synyster a fini par l'enregistrer sur son propre piano et c’est précisément ce que tu entends sur l’album. Ce que j’aime avec l'instrumental "Life Is but a Dream...", c’est qu’il est parfait pour clôturer le disque et en même temps, il est parfait pour relancer une seconde écoute dans la foulée. Evidemment, chacun le ressent comme il veut, mais pour nous, il est positionné à la fin pour inciter à reprendre une nouvelle écoute du disque. Je suis particulièrement fier de Brian, car ce n’est pas simple à jouer, même pour un pianiste accompli. 

De manière inattendue et fait rarissime de la part d'un groupe américain dans son inspiration, "l’Etranger" d’Albert Camus a servi de base aux paroles de cet album. Peux-tu nous en expliquer les raisons ?
Les paroles sont inspirées d'abord de nos vies, ces cinq dernières années. Nous avons passé tout notre temps ensemble à discuter, à s’échanger des livres, etc… Nos vies ont énormément changé pendant ce laps de temps, nous avons eu des enfants, construit des familles et surtout pris conscience que nous devions apprécier chaque instant. C’est ce que Matt a voulu exprimer dans ses paroles. Et quand Camus te dit qu’à la fin de ta vie, tu ne sais pas grand-chose en somme dessus, cela résonne en moi. Tu dois apprendre un peu chaque jour, que ce soit sur toi ou sur les autres. Après, tu peux décider de te raccrocher à la foi, mais ce n’est pas mon cas. On croit tous en quelque chose, mais au final nous finissons tous par ne pas nous réveiller un jour. Les paroles de "Life Is but a Dream..." traduisent cet état d’esprit, celui qui nous a animés pendant ces cinq dernières années. Ce fut un long moment passé à la maison et nous avons réalisé que sur ces vingt dernières années, nous avons accompli beaucoup de choses sans nous en rendre compte. Que nous avions atteint tout un tas de buts que nous nous étions fixés à 19 ans et nous en avons 40 maintenant. Raison de plus pour apprécier davantage chaque instant.

Cette émotion est palpable dans ce disque. Penses-tu qu’il soit le plus intense de votre carrière ?
Je le pense, oui. Même si "Nightmare" l'avait vraiment été pour d’autres raisons (ndr : l’album faisait suite au décès de son batteur Jimmy "The Rev" Sullivan et avait été enregistré avec Mike Portnoy). Comme je te le disais lors de ta question précédente, ma vision des choses a changé, d’autant plus que j’ai des enfants maintenant. Cela transforme complètement ta manière de percevoir les choses et te fait revoir tes priorités. J’ai choisi de me focaliser sur les bons moments. Nous vivons dans un monde qui n’est pas forcément très joyeux, mais comme nos vies peuvent s’interrompre à n’importe quel moment, autant se focaliser sur le positif tant qu’on peut le faire. Nous sommes tous dans le même bateau, au final. La pandémie nous a fait prendre conscience de cela. Quels sont mes buts, quelle est la finalité de ma vie ? Ces deux ans ont vraiment remis les choses en perspective pour nous et finalement, nous en avons tiré du positif alors que ce qui s’est passé était terrible.


Dans les écrits de Camus, on retrouve cette notion de diversion exercée par la religion vis-à-vis de nos propres vies. Est-ce pour cela, l'allusion des trois derniers titres dont les initiales forment le mot « GOD » (DIEU) ?
Il n’y a pas de jugement personnel vis-à-vis de la religion. Il y a du bon dans chacune d’entre elles. Il y a forcément un créateur quelque part (rire), mais ce n’est pas pour autant que je me verrais aller à l’église tous les dimanches. Pour répondre un peu plus à ta question, il y a effectivement un lien entre ces trois titres. Le « G » renvoie à ces gens qui pensent que s’ils prient pour un tout, ça va marcher pour eux. C’est très ironique, car finalement nous ne savons rien et parfois vaut-il mieux compter sur soi pour que les choses s'accomplissent. Le « O », quant à lui, évoque l’intelligence artificielle. Nous sommes en train de créer un esprit humain, de créer la vie. C’est un outil qui est censé nous aider dans notre évolution. Tu te rends compte que tout n’est qu’un code. L’ADN est un code, alors pourquoi pas nos émotions ? La question à se poser avec cette IA, c’est de savoir si elle sera comme nous ou meilleure que nous. C’est assez flippant (rire). Concernant la dernière lettre, « D », le titre pose la question du libre arbitre. Cela reprend la thématique de Camus dans "l’Etranger". Pour résumer, c’est l’histoire d’un homme sans but. Tu peux très bien décider de mettre un terme à ta vie, car tu n’as tout simplement plus envie d’être là. Peut-être y a-t-il quelque chose après la mort ou non, je ne sais pas. Dans mon cas, j’ai choisi de profiter de ce que j’ai ici, sur cette Terre. Ces trois titres sont trois interprétations différentes de ce que pourrait être Dieu. 

L’artwork, signé Wes Lang, fait il écho au concept du disque...
C’est un artiste incroyable. Au fil du temps, il est devenu ami avec Matt et a décidé de travailler avec nous en se basant sur les démos de l’album. C’est assez incroyable, car il ne bosse pas avec toi si tu ne l’inspires pas. Il a non seulement fait la pochette, mais aussi notre merch et il nous aide sur les visuels scéniques. Nous nous sommes inspirés mutuellement, car nous échangeons avec lui depuis longtemps, bien avant que l’album ne soit fini. 

Pour conclure, à quand un retour scénique en Europe et surtout allez-vous revenir en France en 2024 ?
C’est le but effectivement. Nous tournons aux Etats-Unis en cette fin d’année et ensuite, nous allons reprendre un cycle normal après la sortie d’un album, donc nous reviendrons en France en 2024 et nous espérons aussi pouvoir faire le Hellfest. 

Pour découvrir les créations de Wes Lang : www.weslang.com

Blogger : Julien Meurot
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