10 septembre 2023, 18:26

EMPIRE STATE BASTARD

"Rivers Of Heresy"

Album : Rivers Of Heresy

Fan de BIFFY CLYRO, quand j'ai su qu'un projet de "metal extrême" nommé EMPIRE STATE BASTARD, mené par Simon Neil & Mike Vennart, allait arriver,  j'ai pensé... Oh non, pourquoi faire ça ?... Pas que je sois allergique à un heavy metal un peu plus agressif et lourd que l'habituel NWOBHM, mais... cette image de Simon au piano et devant un micro que j'avais, m'obligeait à en savoir plus sur la genèse de EMPIRE STATE BASTARD et surtout sur ce premier album « Rivers Of Heresy ».

Pour la petite histoire, Mike Vennart, ancien chanteur de OCEANSIZE, guitariste de BIFFY CLYRO en tournée, a eu des démêlés avec une organisation d'extrême droite en 2018, je vous passe le détail des menaces qui visaient sa famille et sa maison... et des commentaires haineux sur les réseaux sociaux, un jour de Noël. Le feu qui a été allumé n'a pas seulement enflammé les trolls d'extrême droite, elle a également énervé Vennart à un degré colossal et il n'avait qu'un seul exutoire pour sa fureur. Il a donc commencé à écrire un mémo sur la façon dont une chanson devrait se dérouler, et s'est juste dit qu'il fallait faire sortir cette colère carrément sur un album complet.

C'est le coup d'envoi d'EMPIRE STATE BASTARD, une idée que Simon Neil avait lancé lors d'interviews dès 2011, mais il s'agissait simplement d'un nom et de pas grand-chose d'autre. La musique n'était pas encore tout à fait au point. Depuis cette expérience désagréable, Mike s'était mis en tête de ne plus vivre dans un monde où l'on a peur de dire les choses comme elles sont... Le premier mémo vocal de Mike est devenu "Tired, Aye", un titre voix & batterie qui figure sur « Rivers Of Heresy », le premier album d'EMPIRE STATE BASTARD. Il a fallu des trolls extrémistes pour obtenir le son d'ESB, puis une pandémie pour réaliser l'album. Peut-être que deux maux font un bien... qui sait ?

Cinq ans plus tard, EMPIRE STATE BASTARD était prêt à accueillir tous ceux qui auraient le courage de pénétrer dans son monde de metal légèrement tordu. Il s'agit d'une sorte de supergroupe, mais il s'agit plutôt d’alter-ego, d'anti-héros avec un son de méchant. Simon Neil et Mike Vennart mènent la danse, avec leurs moustaches parfaites et leur côté british agréable, tandis que Naomi Macleod de BITCH FALCOM et le légendaire batteur Dave Lombardo les soutiennent en tant que "Bastards" à part entière.

Heavy et vital, telles étaient les instructions de Simon à Mike sur la façon dont EMPIRE STATE BASTARD devait sonner. Vennart a essayé de faire quelque chose d'électroniquement infusé, puis de la musique pop déformée, mais ça n'a pas collé. Et puis Noël 2018 est arrivé... les idées et les riffs ont commencé à fuser. NAPALM DEATH, SLEEP, HIGH ON FIRE ou encore ROLO TOMASSI, ont été une source d'inspiration. Ajoutez à cela l'amour de Vennart pour FAITH NO MORE je pense, et à peu près tout ce que fait Mike Patton, plus avant-gardistes et légèrement loufoques. Quant à Simon Neil, EMPIRE STATE BASTARD se devait d'être radicalement différent de BIFFY CLYRO et ses autres projet.

Alors que les textes de Vennart circulaient d'une boîte mail à l'autre, que la pandémie les forçait à rester chez eux et qu'EMPIRE STATE BASTARD voyait le jour, le mariage Vennart-Neil a permis aux deux hommes de s'adapter rapidement à leurs nouveaux rôles. Mike balançait des idées de riffs à Simon et attendait de voir ce que cela donnerait...
« Rivers Of Heresy » a rapidement pris forme et c'est un album gargantuesque. Dès le moment où "Harvest" sort des enceintes avec un riff pulsant et puissant, il est inutile de regarder en arrière. Le morceau avance avec les lignes claires et screamées de Simon. Ce premier album est toujours brutal mais ils le font à chaque fois d'une manière différente. Il y a des titres qui sont vraiment très rapides, d'autres plus thrash old-school et d'autres encore qui sont du pur sludge de la Nouvelle-Orléans, mais cela reste toujours le même groupe et pas comme une playlist Spotify.

"Blusher" accélère le tempo et s'attaque aux idéologies de droite qui ont vu le jour à l'époque de la création du groupe. Le son implacable des ces deux premières chansons cède ensuite la place à "Moi?" et à une approche plus lente et inquiétante, et il est évident que de nombreuses dimensions changeantes sont à l'œuvre sur ce disque. Il y a plusieurs façons de construire quelque chose dit-on et « Rivers Of Heresy » en est le parfait exemple.
Les premières notes écrites sur un carnet au cœur de la nuit, délirantes de rage, ont abouti à "Tired, Aye", mais Simon en a retiré les guitares et la basse, il existe une version originale qui traîne au fond d'un tiroir apparemment. ''Palms Of Hands", avec ses guitares punky, est l'illustration d'une bringue post-pandémique qui a mal tournée. "Sold !" analyse avec ironie nos habitudes de consommation, mais son énergie chaotique a ramené Simon à son adolescence, lorsqu'il a entendu la musique de Vennart pour la première fois, cela lui a donné envie de se retrouver dans la fosse d'un concert de metal, les premiers rangs du Hellfet 2023 doivent encore s'en souvenir... Et avant que vous ne vous en rendiez compte, le dernier morceau, "The Looming", s'annonce comme un conte inquiétant sur le changement climatique.

Sur le plan musical, « Rivers Of Heresy » a l'allure d'un taureau dans un magasin de porcelaine, tandis que Simon a écrit un album qui jette un long regard sur la façon dont l'isolement nous a affectés au cours de ces dernières années, nombreux sont ceux qui ont perdu pied et juste après ce fut l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Des choses qui n'auraient pas dû se produire après le traumatisme que le monde a subi. C'est l'essence même de l'album même s'il n'est pas toujours sérieux.
C'est à Simon Neil que l'on doit en grande partie les quelques moments plus légers de l'album. Dans sa voix brute et pleine de rage sur scène, il était impitoyable, et cela ne s'est pas perdu sur l'enregistrement final du disque, mais, dans son rôle de curateur de « Rivers Of Heresy », le chanteur de BIFFY CLYRO a été en mesure de saupoudrer un peu de magie dans l'ensemble. Cela donne un album de metal riche, tout en étant constamment en mouvement et en évolution, mais EMPIRE STATE BASTARD a un son qui demande de l'attention et une écoute plus poussée.

« Rivers Of Heresy » n'est pas un feu de paille et EMPIRE STATE BASTARD encore moins, loin de là. Simon et Mike ont peut-être fait tout ce qu'il ne fallait pas faire jusqu'à présent - ils ont commencé avec un nom et pas de musique, ont tourné avec deux chansons, et ont fait un album sans groupe - mais ils sont là pour le long terme, maintenant qu'ils ont compris cela. Après avoir passé des années à préparer « Rivers Of Heresy' », ils ont déjà des projets pour le prochain album dont quelques nouvelles chansons comme "Corpse In The Château".

C'était l'histoire d'EMPIRE STATE BASTARD, un groupe qui a mis plusieurs année pour décider à quoi il ressemblerait, 12 pour sortir son premier album et qui mettra 12 semaines avant de retourner en studio pour enregistrer la suite. Ensemble, ils ont pris une situation horrible et en ont fait quelque chose de monumental. Un hommage au metal sous toutes ses formes. Un doigt d'honneur monolithique aux voyous qui ont tenté de faire taire Mike Vennart, mais qui lui ont permis de trouver sa voix. Un Empire State Bastard, en quelque sorte.

Blogger : Christophe Droit
Au sujet de l'auteur
Christophe Droit
Animateur radio chevronné de la région toulousaine, fidèle partenaire de HARD FORCE depuis toujours, Christophe, alias "Godzilla", a participé à l'élaboration du projet Radio Force (CD & Musique) encarté dans le magazine jusqu'en 2000. Depuis 2008, il supervise l'équipe et l'actualité dans HARD FORCE et sur Facebook et anime de très nombreuses émissions sur HEAVY1, notamment NOISEWEEK tous les vendredis soirs, consacrée à l'actualité discographique de la semaine.
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