15 juin 2024, 13:55

NIGHTMARE

Interview Yves Campion


Que ce soit simplement de culture générale ou bien évidemment à propos de NIGHTMARE, parler metal avec Yves Campion est toujours une vraie sinécure. Je dirais aussi un privilège, quand on sait que son groupe est l'une des formations françaises de heavy metal les plus anciennes et des plus reconnues à ce jour. D’ailleurs, le terme ''ancien'' ne signifie pas que ses membres se reposent sur leurs lauriers en vous servant une fois de plus la même mixture musicale d’album en album. Parce que cette nouvelle et douzième production nommée « Encrypted » va en bousculer plus d’un.
 

« Encrypted » est le tout premier album avec Barbara Mogore, votre nouvelle chanteuse, a-t-elle participé à l’écriture ?
Yves Campion : Complètement. Elle s’est d’abord jetée dans le bain du live, ce qui était déjà un vrai challenge pour elle. Sur la partie création, nous avons toujours eu plus ou moins le même procédé dans le groupe, à savoir les guitaristes qui amènent des riffs, puis nous nous basons dessus pour les textes et mélodies. Cela a matché, car elle avait des idées intéressantes sur la direction artistique de « Encrypted ». Elle a donc été tout de suite impliquée, sans faire l’interprète, et tout son concept colle à NIGHTMARE.

Au niveau de son chant, est-ce que Barbara s’est adaptée à NIGHTMARE en travaillant sa voix ?
C’est plutôt nous qui nous sommes adaptés à elle. Comme je te disais, elle a d’abord fait du live avant de faire l’album, elle a donc pu prendre ses repères. Il y a aussi la tonalité, là où elle brillait le mieux. Il faut savoir que c’est son métier, car elle est intermittente du spectacle. Elle a apporté beaucoup de technique, et nous avons pu aller vers des horizons musicaux un peu plus poussés ; maintenant il y a le growl. Le but n’était pas non plus d’en mettre partout, nous ne voulions pas faire du sous JINJER ou INFECTED RAIN. Mais de l’utiliser au bon moment, et certains morceaux ne s’y prêtaient pas. C’est peut-être l’album le plus ambitieux qu’on ait réalisé d’un point de vue ouverture musicale. Ce n’est pas évident de s’en rendre compte quand tu as la tête dedans, et les retours que nous avons jusqu'à aujourd’hui semblent assez identiques. Je pense que nous avons réussi à faire matcher cette nouvelle identité.

L’annonce du remplacement de Madie par Barbara a été très soudain, et j’ai l’impression qu’il y a une certaine incompréhension à propos de ce changement de la part de certains fans ?
Il y a la vue interne du groupe, et ce qui s’est passé. Nous étions quatre à vouloir changer de chanteuse, il y a quelque chose qui faisait qu’on n’avait plus le choix. Je ne veux pas rentrer dans le jeu des réseaux sociaux ou dire du mal, car cela ne m’intéresse pas. Nous sommes très contents de l’album que nous avons fait avec Madie. Il faut savoir que « Aeternam » sonne très bien, car il y a beaucoup de ''peinture''. Avec Barbara c’est différent, elle a apporté une touche personnelle, une direction artistique et de la technique. De la période avec Jo Amore, j’ai beaucoup appris de la part des producteurs étrangers, et notamment Terje Refsnes, et là c’est la première fois où ça fonctionne totalement ! Cela s’est vraiment super bien passé, et sans heurts comme parfois dans le passé. Pour reprendre ta question, humainement, c’était devenu catastrophique, et comme on doit faire des tournées et plein d’autres choses, cela aurait pu faire imploser le groupe. La décision a donc été prise. J’entends que ceci n’est pas drôle, mais c’est la vie. Et ce n’est pas moi le tyran qui décide de tout, ce fut tous les membres.

A la sortie de « Aeternam » en 2020, tu m’avais dit à propos du titre "The Passenger" qu’il était sans doute le morceau le plus abouti de l’histoire de NIGHTMARE, est-ce qu’il à son équivalent sur « Encrypted » ?
Pour moi, le meilleur c’est désormais "Saviours Of The Damned".


Après plus de 40 ans à graviter dans le monde de la musique à tous niveaux, est-ce qu’en 2024 certaines personnes peuvent encore t’apporter leurs influences ?
Tout le temps, la musique est infinie. Je ne sais pas si à l’époque je t’en avais parlé mais j’ai un album de chevet, et qui le restera, c’est « Transcendance » de CRIMSON GLORY. J’ai toujours été inspiré et influencé par ce groupe, et encore actuellement.

On ressent effectivement une nouvelle approche musicale avec « Encrypted », je pense notamment au titre "The Blossom Of My Hate" qui tire vers le metal extrême, ce qui est plutôt inhabituel ?
Ce morceau a un riff rapide, un peu à la ARCH ENEMY, et on s’était demandés si on devait chanter à la Tim ''Ripper'' Owens, en voix claire plus heavy, ou bien en growl. Nous avons donc lancé Barbara sur cette idée. Et là, on s’est dit tout de suite ''game over'' ! Il faut partir là-dessus, au moins pour le couplet. Concernant le refrain, on voulait garder quelque chose de catchy, ainsi que la mélodie. Et je vais te donner un scoop juste pour HARD FORFCE : ce titre "The Blossom Of My Hate" sera le premier du set pour les concerts, justement parce qu’il surprend.

Est-ce que le but de NIGHTMARE serait d’élargir son spectre de fans ?
Nous avions l’intention d’enrichir notre musique. Si tu prends par exemple le morceau "Encrypted", je ne sais pas ce que tu en penses, il y a un passage blast avec une orchestration derrière, et pour moi on est carrément influencé par Ihsahn. Et ça, je n’aurais jamais pu le dire auparavant. On peut avoir des passages heavy metal old-school, avec un morceau comme "White Lines". On ne peut pas renier nos racines, mais on ne veut pas non plus se mettre des barrières. C’est un vrai désir du groupe, nous avons toujours été dans l’expérimentation.


Depuis des années NIGHTMARE est surtout connu à l’étranger, et notamment outre-Rhin. Est-ce qu’avec cet album vous avez envie de conquérir, ou reconquérir, la France ?
Je peux me tromper, mais j'ai l'impression que le public français est pas mal branché metalcore. Si nous avons la possibilité de faire quelque chose en France, cela serait normal car c’est notre pays de prédilection. D’ailleurs, nous avons pas mal de dates prévues. Après, nous n’avons pas la main là-dessus, c’est le public qui décide. Je pense qu’avec la sortie de l’album, on aura des réponses. Car à l'heure où on se parle, c’est vous les journalistes, les privilégiés à l’avoir écouté avant tout le monde.

Quel est le thème de « Encrypted » ? En bon geek, j’ai une vision plutôt informatique qui n’est certainement pas la bonne...
Du tout, c’est plus une réflexion à propos de là d’où l'on vient, de là où on va. Et sur le fait que ce soit écrit, donc que l’on ne peut éviter. Ce n’est pas un concept-album, mais la direction artistique va dans ce sens. Sans rentrer dans les sujets politiques, on ne sait pas où on va et peut-être que c’est quelque chose qui a été écrit avant ? Quand tu vois le design de la pochette, il y a cette personne qui n’a pas l’air très heureuse, et qui se demande ce qu’il va faire. Ce côté rouge-noir dépeint ce monde autodestructeur.

Peut-être que tu as des auteurs qui t’ont poussé à une telle réflexion ?
Pas vraiment, ce coté mystique me vient une nouvelle fois de mon influence venant de CRIMSON GLORY.

Vous avez participé pour la troisième fois à la croisière 70 000 Tons Of Metal, et vous avez aussi beaucoup baroudé à travers le monde, qu’est-ce qui vous manque selon toi à votre tableau de chasse ?
J’y suis souvent allé aussi parce que Metallian est partenaire e la croisière. Y jouer c’est fantastique, il faut l’avoir fait au moins une fois dans sa vie. Sinon, il y a plein de gros festivals à travers le monde que nous n’avons pas encore fait, comme le Summer Breeze Brasil. Le but ultime serait de faire une tournée aux États-Unis et Canada ou en Amérique du Sud. Nous avons fait plein de pays un peu ''exotiques'' comme Israël, Dubaï, l’Égypte ou l’Inde. D’ailleurs, on devait jouer au Big Gun en Russie, un super festival de heavy metal avec la crème de la crème, qui malheureusement a été annulé à cause de l’actualité que l’on connaît...

A travers les 45 ans de carrière de NIGHTMARE et toutes ces pérégrinations live, quel est ton meilleur souvenir ?
Je n’en ai pas un en particulier, mais plein. Je dirais l’Égypte, j’ai trouvé cela vraiment cool. Aussi, notre première date en Israël, le public est complètement différent que celui qu’on connaît ici. En fait, mes plus beaux souvenirs sont ceux des pays exotiques. Nous y avons croisé des fans complètement dingues, on comprend qu’ils n’ont pas des concerts tous les jours. Et quand ils y vont, cela ne rigole pas ! Je me rappelle qu’à Dubaï, des gens du Koweït avaient fait 500 km pour venir, il y a une vraie scène metal là-bas.

D’ailleurs, la saison des festivals commence ?
Pour 2024 et 2025, nous avons quelques festivals programmés en France. Le FuriosFest, le Bridge To Hell et l'Imperium Fest. Nous avons des dates aussi en Espagne, en Italie et en Slovénie, où nous sommes en tête d’affiche. Puis nous avons surtout cette fameuse date anniversaire des 40 ans de « Waiting For The Twilight » où tout le monde doit venir.

Lors de notre dernier entretien en 2020, je vous avais justement demandé si vous aviez prévu un événement pour les 40 ans du groupe, la réponse était pourtant non ?
Oui, mais à l’époque nous n’étions pas encore rabibochés avec les frères Amore. Et il s’est passé ce qu’il s’est passé, et ça change tout. On sort un nouvel album en 2024 et cela tombe pile-poil avec la sortie de « Waiting For The Twilight » en 1984, on ne pouvait pas ne rien faire.


Que s’est-il passé avec les frères Amore pour qu'il y ait un tel revirement de situation ?
On s’est donc recollé avec Jo et David. Pour l’anecdote, ils ont fait un festival en Suisse avec KINGCROWN. Leur bassiste ne pouvait pas se libérer à cette date, et ils m’ont appelé. C’était fou ! Car il fallait jouer un set vachement long, et même si je n’avais pas eu le temps ou autre, rien que pour ce que cela représentait, j’allais travailler les morceaux jour et nuit. Et on a passé un super week-end, on s’est retrouvé sur scène avec Jo et David, cela nous a donné envie de refaire quelque chose avec NIGHTMARE. On s’est dit un truc important avec Jo, j’imagine que c’est la sagesse de l’âge qui a parlé ; on a probablement vécu plus de temps dans ce groupe que ce qu’il nous reste à vivre. Donc, ne soyons pas bêtes et déterrons la hache de guerre, on ne va attendre d’avoir un déambulateur.

Ce set s’annonce très spécial ?
Complètement, et c’est la surprise. On pousse les gens à venir, je sais que ce concert aura lieu à Grenoble et pas à Paris, mais ce n’est pas à Tombouctou non plus.

Cela me fait penser que vous avez récemment organisé un événement pour les 30 ans de Metallian, comment cela s’est-il passé ?
C’était dans la même salle où l’on va faire le concert avec NIGHTMARE. Il y avait 30 groupes et ça s’est bien passé, mais il n’y avait vraiment pas assez de monde, car on sortait de la pandémie, et on s’est pris un sacré retour... mais il y avait des formations cultes.

Merci Yves, et bonne continuation avec ce nouvel album...
​Merci pour le soutien durant toutes ces années. Venez le 18 octobre à l’Ilyade dans la banlieue de Grenoble pour ce concert historique, et le mot est vraiment Historique !
 

Blogger : Jérôme Graëffly
Au sujet de l'auteur
Jérôme Graëffly
Nourri dès son plus jeune âge de presse musicale, dont l’incontournable HARD FORCE, le fabuleux destin de Jérôme a voulu qu’un jour son chemin croise celui de l'équipe du célèbre magazine. Après une expérience dans un précédent webzine, et toujours plus avide de nouveautés, lorsqu’on lui propose d’intégrer l’équipe en 2011, sa réponse ne se fait pas attendre. Depuis, le monde impitoyable des bloggers n’a plus aucun secret pour lui, ni les 50 nuances de metal.
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