
A peine revenue du Kave Fest à Gisors deux jours plus tôt, me voilà de retour devant une scène de concerts, mais cette fois à Paris au Bataclan, pour une très belle affiche qu’il aurait été impossible de rater. Alors on oublie la fatigue des 3 jours de festival, on attrape l’appareil pour pouvoir photographier ce soir un monument du deathcore, THY ART IS MURDER, accompagné de DYING FETUS, FIT FOR A KING, ALPHA WOLF et SANGUISUGABOGG. Une affiche un poil éclectique mais qui promet malgré tout de jolies choses. Je me demandais si le choix d’une date fin juin entre deux festivals, et surtout juste avant le Hellfest, dissuaderait les fans de venir. On a en effet pu retrouver ALPHA WOLF le week-end passé, SANGUISUGABOGG sera au Hellfest, mais pour les autres c’est l’unique chance de les voir cet été. Finalement il semble que ça n’a pas effrayé les fans, la salle est bien remplie, le public est en forme et c’est une belle soirée de concerts qui s’annonce. On sent bien que tout le monde dans le public n’est pas là pour le même groupe. Beaucoup sont venus pour le brutal death de DYING FETUS, mais on note également qu’ALPHA WOLF et son metalcore teinté de hardcore attire de plus en plus de monde et un public plus jeune. Tout le monde est en tout cas ravi de revoir THY ART IS MURDER à Paris, accompagné de leur tout nouveau chanteur et d’une folle énergie depuis la sortie de « Godlike » l’automne dernier.
Le premier groupe ce soir est une découverte pour moi, je ne l'avais jamais écouté auparavant. SANGUISUGABOGG est un groupe de death metal américain, une vague un peu plus moderne dans le style et plutôt brutale. Les gars ne font clairement pas dans la dentelle et ils vont pas mal jouer sur ce mélange bien gras et thrash tout au long de leur passage. Si vous n’êtes pas ou plus forcément un grand fan du death à l’ancienne, SANGUISUGABOGG permet de renouveler le genre en offrant une variation plus lourde, plus grasse, un mariage intéressant entre death, brutal death, des touches de grindcore. Ce qui devait être un side-project au départ est devenu le groupe principal de ces quatre musiciens venus de l’Ohio et créé en 2019, avec un EP puis deux albums studio en 2021 et en 2023. Ils sont déjà passés début 2024 à Paris sur la tournée de SUFFOCATION. Malgré leur apparence rustre et brutale, ils sont ravis d’être de retour sur la scène parisienne. Ils délivrent un set plutôt efficace, et même si je ne suis pas une grande auditrice de death j’ai bien aimé leur son ! Mais je reste malgré tout un peu dubitative sur la communication du groupe avec le public et en particulier une référence au mieux maladroite sinon déplacée au passé du Bataclan et aux attentats. Après quelques recherches, il semble que le groupe aime jouer avec des références particulièrement violentes et même franchement limites...

Après une courte pause, c’est ALPHA WOLF qui monte sur scène. Je les ai vu à peine 4 jours auparavant et ça doit être la 3e ou 4e fois que je les retrouve sur scène, avec toujours le même plaisir. Ils sont honnêtement ceux qui me motivent le plus avec THY ART IS MURDER ce soir ! ALPHA WOLF c’est le parfait exemple du metalcore moderne qui flirte avec le hardcore, une énergie incroyable, des références variées qui mêlent streetwear, pop-culture, manga, core, un savant mélange qui mérite d’être au moins vu en live une fois dans votre vie. Je trouve d’autant plus intéressant de comparer leurs deux prestations récentes dans des conditions très différentes, en extérieur en journée en festival et ce soir sur la scène du Bataclan. Le groupe australien fondé en 2013, vient de sortir son troisième et nouvel album, « Half Living Things » en avril dernier, une petite bombe musicale qu’ils défendent avec aisance sur scène. Ce qui est particulièrement agréable à regarder avec ALPHA WOLF c’est la complicité des musiciens sur scène, leurs interactions et le plaisir évident qu’ils prennent d'être là et à partager leur musique avec le public. Ils sont tout de même un peu moins taquins entre eux que samedi dernier, peut-être un peu de fatigue vu l’enchaînement de dates ! Le son pose également quelques problèmes au début du concert, on entend difficilement la voix mais ceci est vite arrangé. Il y a de gros subs et de belles basses, le son est puissant et bien mis en avant. Les musiciens s’amusent et font même monter sur scène un membre de FIT FOR A KING pour chanter avec eux. Le public répond particulièrement bien, ça saute, ça slamme, ça bouge pas mal dans le pit. Le set est équilibré avec autant de morceaux du dernier album que des disques précédents. Belle performance, même si j’avoue que j’ai préféré les voir au Kave Fest le samedi précédent.

On enchaîne avec FIT FOR A KING, un groupe de metalcore chrétien américain que j’ai pas mal écouté il y a quelques années. Je ne les avais encore jamais vus en live et je suis plutôt contente et curieuse de les découvrir sur scène. C’est un groupe qui a de la bouteille, fondé en 2007, ils ont déjà 7 albums à leur actif et viennent de sortir un nouveau single qui annonce, on l’espère, une prochaine réalisation. Ils tournent également beaucoup et ils connaissent bien la scène parisienne. En terrain conquis, ils peuvent entamer un set très efficace avec une belle énergie. Il y a une bonne ambiance dans le public même si on sent qu’une partie est moins à l'écoute, le metalcore de FIT FOR A KING incluant beaucoup plus de parties clean et mélodiques et appartenant à une vague moins récente du metalcore. Le scream du chanteur est excellent et j’aime énormément les parties claires qui sont très belles. Le son de la batterie est aussi très bon mais sans doute un peu trop présent et a tendance à masquer les parties mélodiques du groupe. Les breaks sont très lourds, il y a vraiment un bel équilibre chez eux entre les phases plus violentes et brutales accompagnées par le scream puissant et des breaks impitoyables avec les parties plus mélodiques et un chant clair très lumineux, au service de son message et de l’atmosphère du groupe. Le son reste malgré tout un peu brouillon par moment et je peine à reconnaitre certains morceaux. Ils communiquent beaucoup avec le public et le font chanter comme sur "Vendetta". De même, le set est équilibré et propose une variété de morceaux issus des différents albums, de quoi ravir les fans. Petit regret cependant sur le jeu de lumières peu élaboré voire souvent trop sombre. S’il est clairement un problème pour les photographes dont je fais partie (oui je prêche pour ma paroisse là), c’est aussi difficile à suivre pour le public.

DYING FETUS, particulièrement attendu par une partie du public monte sur scène. Le ton est radicalement différent, l’ambiance change. On abandonne le metalcore pour repartir sur un son bien plus old-school, plus thrash, plus death, puissant et bien gras. Je vais être honnête, je n’écoute que très peu de death et de brutal death, et je ne suis pas très fan de DYING FETUS à la base tout simplement parce que ce n’est pas vraiment le style de metal que j’écoute. Je suis malgré tout très curieuse de découvrir ce que ce groupe qui est devenue une référence de cette scène propose sur scène. Et quand je parle de référence sur la scène death, ce groupe américain est littéralement aussi vieux que moi... fondé en 1991, ils ont offert à leurs fans 9 albums studio et 4 EPs et beaucoup de concerts en France. C’est toujours très cool et intéressant de voir ou revoir des groupes plus anciens et des vagues de metal plus old-school. Il faut dire en effet que c’est très carré, le son est mieux géré, bien que la batterie manque un peu de cymbales. C’est techniquement très bon, j’aime beaucoup les soli de basse notamment. Il y a aussi une belle énergie sur scène comme dans le public puisque ça slamme dés les premières chansons au grand damne des photographes qui souffrent un peu dans le pit-photo. Le chant guttural géré par deux voix rend vraiment très bien et il y a un super groove dans leurs chansons. Je ne suis par contre en effet pas fan du chant très thrash/death et de la couleur du son, mais c’est uniquement un avis personnel, une histoire de goût. Si la communication est très minimaliste au début et se résume à des indications au public, elle devient plus riche le set avançant, avec beaucoup de remerciements de leur part. J’ai tout de même bien accroché avec la dernière chanson "Kill Your Mother, Rape Your Dog".

On termine avec la tant attendue tête d’affiche, THY ART IS MURDER et son deathcore impitoyable. Le dernier album « Godlike » à peine sorti en septembre 2023, ils ont depuis enchaîné les tournées. Et pour preuve, c’est la deuxième fois que je les vois depuis à Paris. Nous avions eu la chance de les accueillir à l‘Elysée Montmartre en octobre dernier avec leur tout nouveau chanteur, Tyler Miller (AVERSIONS CROWN). Le groupe avait eu une actualité chargée à l’automne 2023, ayant annoncé se séparer de leur ancien chanteur CJ McMahon quelques semaines avant la sortie de « Godlike », dont les parties ont été réenregistrées in extremis par le nouveau chanteur. Un changement de chanteur qui a divisé parfois, mais il suffit de les voir en live pour se rendre compte que THY ART IS MURDER n’a rien perdu, que Tyler Miller propose une excellente prestation et offre un nouveau souffle au groupe, modernisant légèrement son deathcore. L’activité du groupe n’a d’ailleurs pas laissé beaucoup de répit à Tyler, les tournées européennes et américaines se sont enchainées et ils ont particulièrement bien défendu ce nouvel album. Ce fut sans doute aussi une très bonne façon de souder la formation après le départ de l’ancien chanteur et les troubles qu’il avait pu causer. Et ce soir, c’est en effet un concert très carré et d’une violence sans répit qu’ils nous proposent. C’est très énervé et ce dès la première chanson. Le set est essentiellement constitué de morceaux du dernier album et intègre quelques classiques comme "Holy War" ou "Reign Of Darkness", avec un ou deux titres de chaque album précédent. Tyler Miller, déjà très à l’aise l’automne dernier, s’est complètement imposé sur scène. On note tout de même que sa voix fatigue parfois un peu sur les aigus, mais on se doute que d’enchaîner autant de tournées n’aide pas. D’autant plus que les morceaux de THY ART IS MURDER sont exigeants au niveau du chant et ça reste une excellente performance vocale. Il est très communicatif avec le public qui répond plutôt bien et scande régulièrement les refrains. Le son de la batterie est impressionnant, d’une violence incroyable. On profite également pleinement des subtilités des mélodies et du son des guitares. Le show est bien rodé, avec beaucoup de samples pour les transitions et un travail intéressant de mise en scène, sur le jeu de lumières, les enchaînements, etc. Il y a quand même un usage un peu excessif de fumée à mon goût. J’ai beaucoup aimé l’intégration d’une de mes chansons favorites, "Bermuda", au milieu du set. Cette chanson particulièrement mélancolique et plus lente, apporte une respiration bienvenue dans la set-list.
Une très bonne soirée au Bataclan et un excellent plateau dont l’éclectisme apparent ne lui a finalement pas porté défaut. Le public a joué le jeu tout le long de la soirée, qu’il s’agisse des groupes de death, de metalcore comme du deathcore de THY ART IS MURDER. Il y avait en effet une belle énergie dans le public, avec un pit énervé, beaucoup d’échanges avec les différents groupes. Je ne suis pas toujours très fan des plateaux qui mélangent trop de styles de metal et surtout ceux hors de la scène core avec du deathcore et du metalcore. Ce soir ça fonctionne malgré tout ! Je reste moins convaincue par SANGUISUGABOGG, et j’aurais aimé un son un peu meilleur sur FIT FOR A KING. J’ai trouvé intéressant de découvrir DYING FETUS en live et de m’attarder sur un groupe que je n’écouterais pas spécialement d’habitude. J’ai été également ravie de revoir ALPHA WOLF et THY ART IS MURDER dont les prestations furent excellentes comme d’habitude. Le traitement du son était parfois un peu inégal et j’ai par contre été un peu déçue des lumières, trop sombres, avec trop de stroboscope, ce qui est gênant pas seulement pour les photographes mais aussi pour le public. L’été se poursuit désormais avec les festivals et il faudra attendre l’automne pour retrouver une scène core en excellente forme, au vu des récentes sorties d’albums et de singles que j’aurais plaisir à vous proposer...
