14 août 2024, 19:33

DARK TRANQUILLITY

Interview Mikael Stanne

Un nouveau DARK TRANQUILLITY paraît et pour ce treizième album, les Suédois ont mis le paquet sur le feeling et la puissance combinés. « Endtime Signals » est sombre, brutal parfois, mais également rempli d’une émotion palpable à chaque instant. Le chanteur et compositeur Mikael Stanne nous parle de ce chef-d’œuvre avec cette générosité et cette gentillesse naturelles qu’on apprécie toujours chez lui.
 

C’est un plaisir de pouvoir nous entretenir avec toi de nouveau. Comment se passe la promotion de ce nouvel album « Endtime Signals » ?
C’est très excitant. J’aime l'idée que les gens - des professionnels - soient déjà en train de l’écouter. On a passé du temps à travailler dessus et ça a été plus dur que d’habitude. Je dois dire que j’en suis très content et je suis également très fier d’être arrivé à en tirer le meilleur, quelque chose sans compromis, différent et profondément personnel.

C’est en effet un album très riche et plein d’émotions. Tu disais que le processus d’écriture a pris du temps. Est-ce à cause des événements tragiques qui ont pu toucher le groupe récemment ou à cause du changement de line-up ? Ou y a-t-il eu simplement des choses qui ont pris plus de temps qu’à l'accoutumée ?
En fait, nous avons été très occupés. On a beaucoup tourné ces dernières années et de retour à la maison, il a fallu se recalibrer et se demander vers quoi nous voulions nous diriger musicalement. On a écrit cet album à trois : Johan (Reinholdz, le guitariste) et Martin (Brändström, le claviériste) ont composé la musique et j’ai écrit les parties vocales. Auparavant, on travaillait plus en groupe, avec davantage de personnes autour de l’écriture, ce qui demande plus de compromis, mais qui est fun aussi. Mais pour cet album, on avait une image claire de ce qu’il devait être et ce que l’on voulait y dire, des émotions qu’il devait transmettre. On devait simplement mettre tout en place, mais cela prend du temps. De toute façon, à chaque processus créatif, on a tendance à trop discuter, à remettre tout en question, à se dire que ce qu’on a écrit ne fonctionnera jamais ou, au contraire, que c’est la meilleure chose qu’on ait jamais écrite... Bref, tout cela a pris pas mal de temps, on a eu des moments de doute, mais j’ai confiance en les membres du groupe car ils savent comment DARK TRANQUILLITY doit sonner. Peu importe le temps ou l’énergie que cela prend, on sait qu’on parviendra au bout. Le fait aussi qu’on soit dans un état d’esprit plus sombre a rendu plus urgente notre envie de dire des choses, d’écrire un album qui voulait dire beaucoup pour nous. On avait envie de quelque chose de spécial, aussi bon qu’on l’imaginait. Et on y est arrivé !

C’est un album majestueux, avec un réel équilibre entre modernité et un son brut et lourd, plus commun à vos débuts. Il est efficace et va droit au but...
Oui, je pense aussi. C’est une autre façon d’écrire les chansons, construites à partir des mélodies. On dit directement ce que l’on a envie de dire, sans tourner autour du pot. On essaye toujours de trouver ce qui va rendre les morceaux uniques, tout en restant cohérents avec le reste de l’album et, bien sûr, avec notre discographie. Quand l’album a été terminé, on a vraiment ressenti une grande satisfaction et une sorte de soulagement. Sortir un album est un peu comme une récompense, en fait !

« Endtime Signals » est votre treizième album. Est-ce que c’est plus facile de jouer avec les nuances des différentes chansons, d’apporter plus de richesse que ça ne l’était à vos débuts, sans déstabiliser vos auditeurs ?
Oui, je pense qu’avec l’expérience, on commence à savoir jusqu’où on peut aller musicalement, ce que l’on peut proposer. On peut faire des choses maintenant qu’on n’aurait jamais pu se permettre 20 ans auparavant. C’est très satisfaisant et cela nous donne plus de latitude pour nous amuser, plus d’options à explorer. Mais ce qui est le plus important, c’est de trouver le bon feeling, la bonne intonation, la structure même de la chanson, son intensité. Parfois, les chansons les plus faciles d’accès sont les plus difficiles à écrire. Tout est une question d’arrangement des fondamentaux, c’est pour cela qu’on utilise des éléments très basiques : des guitares, une basse, une batterie, des claviers et du chant. Si on a tout cela, on sait qu’on arrivera à les arranger pour en faire quelque chose de bien. Ensuite, on ajoute différentes couches bien sûr : des samples, des effets, des soli, des synthés... Mais sans ces éléments fondamentaux, tu n’arrives à rien.

Tu es perfectionniste ?
Euh… je dirais qu’on ne laisse rien au hasard ! Ça, c’est sûr ! On a besoin de sentir que tout s'articule correctement. On a besoin que nos albums passent les années sans faiblir. Et si on sait dès le départ qu’ils ne tiendront pas le poids des ans, ce sera la déception. C’est toujours le cas aujourd’hui. Je passe en revue chaque détail, chaque son, chaque mot, chaque prononciation... Arrivé au studio, tout roule. Mais ça nous prend quand même neuf mois entre le début de l’écriture et l’enregistrement final.


C’est aussi une façon d’essayer de toujours combler vos fans, non ? Quand on vous voit en concert par exemple, on voit bien que vous vous donnez à fond, que vous êtes complètement présents avec et pour votre public. Est-ce la même chose lors de la composition d’un album ? Est-ce que vous imaginez ce que vos auditeurs ressentiront à son écoute ?
Oui bien sûr ! J’ai de grosses exigences quant au feeling laissé par les albums que j’écoute. Donc, j’ai besoin de savoir que nos chansons sonneront bien, quel que soit le support utilisé, pour que je puisse en être fier. C’est frustrant à l’écoute de vieux albums de se dire qu’on aurait quand même pu mettre plus d’argent dans la production !

Jens Bogren doit être content de travailler avec DARK TRANQUILLITY et son envie d’une production aux petits oignons !
Lui, c'est vraiment un perfectionniste, pour le coup ! Si on ne faisait pas au mieux, c’est lui qui serait frustré ! On se doit de s'aligner sur ses standards. C’est une vraie expérience de travailler avec Jens et on en apprend beaucoup. Voir comment il travaille et être assis derrière lui en studio, voir son attention pour les détails, c’est passionnant ! Il comprend notre musique et ce qu’on veut exprimer. Cela rend notre travail plus facile, car on peut lui faire confiance sur le rendu final. C’est très rassurant. Il sait rendre les choses fantastiques.

Il fait un peu partie du groupe finalement…
Oui, tout à fait. Il joue un grand rôle dans la façon dont nous sonnons et nous prenons vraiment en compte son opinion, même si Martin a son mot à dire bien sûr aussi.

Quel a été le rôle des deux nouveaux membres du groupe dans l’enregistrement de ce nouvel album ? Tu as dit que l’écriture s’était effectuée plus ou moins en trio : y ont-ils contribué, de près ou de loin ?
Oui, bien sûr. On a écrit l’album à trois, mais les parties de batterie par exemple ont été confiées à Joakim (Strandberg Nilsson) qui a apporté encore plus que ce qu’on imaginait. Et Christian (Jansson, le bassiste, également membre de GRAND CADAVER avec Mikael) est autour du groupe depuis 2002 ; je suis fan du groupe dans lequel il jouait. Donc, il sait donner du rythme et l’intensité à nos compositions. C’est finalement une réelle émulation entre nous tous.

En parlant de "membre" relatif du groupe, Niklas Sundin, votre ancien guitariste, a de nouveau réalisé l’artwork de la pochette de l’album.
Oui, avec Niklas, on entretient des liens très forts : on a démarré le groupe ensemble et il a toujours une vision très claire de ce à quoi DARK TRANQUILLITY doit ressembler. Il conçoit toutes les vidéos, tous les visuels des scènes, tous les dessins des pochettes. Alors, quand on compose un nouvel album, je lui envoie du contenu, des paroles et il comprend immédiatement quel sera le feeling. C’est formidable, car son feed-back nous permet d’aller encore plus loin dans notre créativité. Il est toujours là, à nos côtés, et nous permet de nous transcender. Il est très créatif et très productif, quand tu vois tout ce qu’il a réalisé ces dernières années. Il n’hésite pas à partager ses productions, même personnelles. Il est même à l’origine d’une des chansons de « Endtime Signals ». Il fait le lien entre le passé et le présent, c’est fantastique. J’ai vraiment hâte de pouvoir avoir l’album physique en main, le vinyle, pour découvrir enfin le produit final de toute cette inspiration. Je n’imagine pas, en tous cas, travailler avec quelqu’un d’autre que lui pour les visuels.

Est-ce que tu peux nous parler un peu du titre de l’album ? Est-ce une façon de dénoncer une espèce d’incapacité à réagir à nos destins ?
Oui, et on peut revenir à Niklas justement, car il veut toujours que le titre inspire son art visuel. C’est une version d’un futur dystopique raconté à travers les yeux de quelqu’un qui expliquerait à un autre ignorant de ce qui se passe. Une version simplifiée d’un futur apocalyptique. Je me souviens, quand j’étais enfant, que je regardais des dessins animés un peu dans le style asiatique ou kabuki, avec des décors mouvants en arrière-plan et des personnages qui arrivent et repartent et j’avais envie de cette image pour l’album. Comment raconter l’histoire de ce qui nous arrive, simplement ? Cela a inspiré le titre. Il conceptualise les différents morceaux et fait le lien entre eux. C’est un titre très évocateur et dit vraiment ce qu’il a à dire. Ça me plaît !

Oui, c’est un titre très global, mais j’ai l’impression qu’il pourrait aussi être le titre de chacune des chansons, non ?
Oui et c’est vraiment ce que je voulais. J’ai vraiment cherché une espèce de fil rouge pour l’album et ce titre y correspond. C’est une partie difficile que le choix d’un titre, mais je crois que « Endtime Signals » est parfait, pour ces compositions en tout cas.

Il y a deux chansons en particulier que j'aimerais aborder avec toi : la première, "Wayward Eyes", car elle est très moderne, très atmosphérique, vraiment riche et variée.
J’aime aussi cette chanson, car elle est différente pour nous. Elle a beaucoup de sens. On y a travaillé un long moment, car on avait les bases, mais on n’était pas satisfaits du refrain, par exemple. On a changé pas mal de choses, jusqu’au dernier jour avant le studio. Et d’un coup, tout s’est décanté et ça a fonctionné. C’était comme un déclic. Cette chanson est vraiment cool, avec une section rythmique parfaite, groovy. On ne fait pas ça souvent, mais là ça fonctionne. Je suis curieux de savoir ce que nos fans purs et durs des débuts en penseront. J’espère que ça ira !

J’en suis sûre ! Rien que la phrase « This is our fate... » !
Oui, je suis confiant. Ça va avec le ton pessimisme de l’album. On est voué à se détruire...


L'autre chanson, qui est bien sûr très particulière, c’est "One Of Us Is Gone", bourrée de feeling et d’émotions. Je ne dirais pas que c’est une chanson triste, mais elle est très prenante, puisque son inspiration est très intime.
Elle a été écrite pas notre ancien guitariste, Fredrik Johansson, qui nous a tragiquement quittés il y a deux ans. Il a joué sur « The Gallery », « The Mind’s I » » et « Projector ». Il s’est battu contre le cancer pendant deux ans et pendant ce temps, il a célébré la vie autant que possible. Il a voulu s’amuser et ne pas penser à la mort. Il écrivait beaucoup de musique, avait toujours une guitare avec lui. Il nous a donné des parties de musique en nous disant qu’on pouvait les utiliser, qu’il aimerait qu’on s’en serve. Mais le temps a passé et on ne s’en est pas servi tout de suite, même si on était conscients qu’il y avait de très belles choses. Quand il est décédé, on a voulu utiliser une de ses compositions qui le représentait vraiment et qui était représentative de la manière dont il voyait la musique. Martin (Brändström) a fait de bons arrangements, on a ajouté des cordes, j’ai écrit des paroles sur la façon dont il avait accepté ce qui lui arrivait. Il disait toujours que ce qui devait arriver arriverait, qu’il ne pouvait rien y changer et que la seule chose qu’il pouvait faire, c’est de profiter du temps qui lui restait. C’était très inspirant pour moi : si lui arrivait à voir le bon côté des choses, alors je devais moi aussi voir ce qu’il y a au-delà de l’obscurité. Sa joie de vivre jusqu’au bout nous a vraiment boostés. On a voulu honorer sa mémoire, lui donner un héritage, lui montrer qu’il était toujours notre ami, un membre du groupe. C’était une chanson difficile à écrire, la plus dure peut-être de toute notre carrière. C’était la dernière que l’on a écrite, mais on est fiers du résultat et on espère qu’il l'est lui aussi, là où il est. Je pense que même si elle est arrivée en dernier, elle a influencé le reste des compositions, car elle était dans nos têtes pendant tout le processus d’écriture. Il fallait des chansons qui aient du sens autour de celle-ci. Et quand on a fini "One Of Us Is Gone", on a senti que c’était comme un aboutissement. On l’a fait écouter à sa femme et son frère, pour être certain qu’on avait écrit quelque chose de correct et ils ont aimé, donc on est soulagé.

Il serait fier de vous...
Merci, c’est important pour nous.

Pour finir sur une note plus optimiste, parlons de votre actualité des concerts, suite à cette date réalisée au Hellfest cette année…
On va commencer par une tournée aux Etats-Unis, dès la sortie de l’album, puis nous revenons en Europe. On se rend compte qu’on n’est plus tout jeunes ; alors tourner pendant 6 ou 8 semaines d’affilée, c’est compliqué pour nous ! On va donc faire quelques pauses en famille à la maison et revenir en forme en novembre, notamment en France avec 3 dates, à Paris, Toulouse et Lyon en compagnie de MOONSPELL, WOLFHEART et HIRAES. Soyez prêts à ce moment-là !
 

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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