Depuis que j’ai découvert THROWN il y a deux ans et plus encore lorsque je les ai vus en concert pour la première fois début 2023 en première partie de GET THE SHOT à Paris, j’attendais avec impatience la sortie d’un premier album. C’est enfin chose faite, puisque les Suédois et leur hardcore violemment raffiné nous livrent « Excessive Guilt » chez Arising Empire. 11 titres impitoyables avec un petit goût de trop peu et une furieuse envie de les voir sur scène à nouveau le plus rapidement possible. Je pourrais juste m’arrêter là, vous recommander de l’écouter parce qu’il est tout simplement très bon et que THROWN a largement tenu ses promesses. Mais il nous faut plonger un peu dans les origines du groupe et surtout vous détailler ce qui fait que son hardcore est si bon et rafraîchissant sur la scène core moderne.
THROWN apparaît sur la scène hardcore pour notre plus grand bonheur en 2021. Et le groupe rassemble des têtes connues et particulièrement appréciées par votre chroniqueuse. En effet, à la batterie, on retrouve Buster Odeholm, producteur, multi-instrumentiste dans l’un de mes groupes de deathcore préférés, HUMANITY LAST'S BREATH (guitare, basse, batterie) et également batteur dans le groupe de metal progressif et djent VILDHJARTA. Au chant, c’est Marcus Lundqvist qui nous régale, auparavant dans le groupe de hardcore GRIEVED. Tous les deux sont accompagnés de Johan Liljeblad et Andreas Malm à la guitare, également issus du hardcore, au sein du groupe NO OMEGA. La présence de Buster et son travail sur les compositions du groupe et la production de leurs chansons donne une couleur toute particulière à leur son. Ceux qui connaissent déjà bien son travail dans HUMANITY LAST'S BREATH ne pourront qu’être d’accord, la première fois que l’on entend THROWN en live comme sur album, on est bluffé par l’efficacité de son hardcore, mais aussi par cette violence froide et noirceur qui me plaisent tant.
Le groupe nous a offert en 2022, un premier EP, « Extended Pain », 5 titres courts, efficaces, violents avec une direction artistique moderne, froide, urbaine et agressive. Et depuis ils n’ont pas chômé, sortant régulièrement des singles et tournant sur nos terres comme à l’international aux côtés de grosses têtes d’affiches du hardcore et du metalcore. On a en effet eu le plaisir de les voir régulièrement en France en première partie de GET THE SHOT ou AUGUST BURNS RED, et prochainement en novembre avec WHILE SHE SLEEPS. Ils m’ont affreusement manqué lors du Kave Fest cet été, qu’ils ont dû annuler, et j’ai particulièrement hâte de les retrouver cet automne. THROWN a également su trouver et séduire un large public entre ses nombreuses sorties et la qualité de ses performances live énigmatiques. Avec quasi 1 millions d’auditeurs sur Spotify en 2023 et plus de 80 millions d'écoutes de ses morceaux, le groupe s’est installé sur la scène hardcore et fait partie des artistes récents parmi les plus suivis.
THROWN c’est un mariage raffiné entre un hardcore beatdown et un nu-metalcore, à la fois moderne et audacieux, tout en reprenant les codes du hardcore plus classique et les influences qui teintent aujourd’hui une bonne partie de la scène Core. Les morceaux sont toujours très courts, à peine 1 à 2 minutes, ça groove énormément, avec des breakdowns bien massifs, les morceaux sont faits pour rester en tête et clairement adaptés au live. C’est lourd, c’est froid et c’est violent, en un mot : efficace. On pourrait uniquement leur reprocher ce petit goût de trop peu qui accompagne leurs productions si courtes. 11 min pour le premier EP et une vingtaine pour cet album. C’est si court et mes oreilles affamées de hardcore en redemandent encore (elles diront sans doute le contraire dans une vingtaine d’années vu ce que je leur fais subir). C’est court oui, mais c’est court juste comme il faut, on en redemande encore donc et on attend avec une impatience difficilement contenue leurs prochaines réalisations. On réécoute jusqu’à n’en plus pouvoir leur album et il est possible que 20 minutes ce soit également la limite de ce que vous pourrez endurer devant ce raz-de-marée de violence brute. C’est aussi ici tout le génie de Buster et de sa production qui parvient à délivrer un hardcore particulièrement lourd dans lequel sont admirablement bien mis en valeur le chant de Marcus et les guitares de Johan et Andreas, saupoudrant de juste ce qu’il faut de samples et d’effets pour donner cette couleur si particulière à leur son et cette atmosphère. Pas de fioritures, une écoute qui sonne comme un coup de poing dans le plexus, direct et délicieusement brutal.
THROWN nous avait déjà teasé un peu cet album en sortant 5 singles depuis l’an dernier : "Guilt", "On The Verge", "Backfire", "Nights" et "Look At Me", tous très bien accueillis. « Excessive Guilt » vous propose donc 6 morceaux supplémentaires inédits avec le même soin porté à ce déchaînement de violence musicale. Une vingtaine de minutes sans répit qui s’enchaîne à la perfection. La direction artistique de l’album est fidèle à l'univers du groupe suédois et participe à l’atmosphère générale : froide, épurée, énigmatique, urbaine et moderne, peu de couleurs, des formes floues et des photos du groupe en noir et blanc avec un grain habilement dosé (parole de photographe).
L’album débute avec "Guilt", un morceau qui donne le ton de l’album et démarre sans tarder sur le scream hardcore de Marcus, accompagné des guitares lancinantes, avant d’enchaîner très rapidement sur de plus gros riffs et une batterie impitoyable dans une ambiance beaucoup plus beatdown. Le titre de la chanson était explicite, les textes tournent en effet autour du sentiment de culpabilité excessive dont il est impossible de se débarrasser. Le jeu de la guitare-lead renforce parfaitement ce sentiment d’oppression. "Backfire", accompagné d’un clip reprenant des performances lives avec un jeu de lumières rouges et noir et blancs, laisse un peu plus d’espace à la voix. Il y a des emprunts vraiment bienvenus au nu-metal avec les samples, les scratchs et les ajouts dans la batterie, inspirés de la drum'n'bass. Ça se termine sur un break tout en violence. La troisième chanson de l’album est clairement ma préférée et sans doute même ma favorite du groupe pour le moment. "On The Verge" c’est d’abord un groove incroyable, impossible de ne pas bouger dessus. J’ai très très hâte de la voir en live. Elle bénéficie aussi de quelques effets qui lui donnent une couleur nu-metalcore très cool. Elle a également un rythme particulièrement lourd avant de se terminer sur un refrain avec une vibration plus punk-hardcore. La chanson est également accompagnée d’un clip avec la même ambiance urbaine et froide, au service d’un texte qui semble aborder cette fois la question de la détresse psychologique.
"Bitter Friends" est un nouveau morceau qui s’ouvre sur une ambiance clairement différente et inspirée de la trap avec un scream très rappé, uniquement la batterie et la mélodie froide. On enchaîne sans prévenir sur un son très hardcore pour le refrain. Le morceau se clôt très brutalement avant de poursuivre sur "Nights". Déjà sorti sous forme de single plus tôt, il reprend une composition plus classique hardcore avec un breakdown particulièrement long et violent par rapport aux autres morceaux. Le clip qui l’accompagne est un peu moins froid, mais très agressif avec ses effets de lumière clignotantes. "Look At Me" est très court, à peine 1 minute et 30 secondes avec une ambiance plus lancinante et des passages rappés, une intro et une batterie clairement teintées par des inspirations rap et trap. "Dislike" poursuit sur un rythme beaucoup plus rapide et repart sur un morceau très hardcore. Le jeu de la guitare apporte un peu de luminosité sur le titre et la rythmique, un groove très appréciable. Coupure nette pour la fin avant "Ignored", plus lente, qui laisse beaucoup d’espace au scream. C’est aussi le morceau le plus court, à peine 1 minute.
"Bloodsucker" propose une ambiance plus lancinante et la mélodie et le jeu de la guitare accentuent le sentiment d’oppression. Le morceau se termine sur un fondu et on part sur l’avant-dernier, "Vent". Court, intense, guitare rythmique impitoyable, des soutiens vocaux bienvenus sur le break et la cloche qui trouve parfaitement sa place dans le jeu de batterie. On finit avec "So Done" sans faiblir sur l’intensité du chant et la violence du jeu de guitare. J’aime beaucoup la batterie sur ce morceau particulièrement mise en avant, très marquée, beaucoup de cymbales, ce qui donne un super groove à la chanson, hyper rythmée. Ça se clôt de manière brutale et presque inattendue.
THROWN semblait nous promettre un joli premier album au fil de ses dernières sorties et c’est en effet le cas, c’est même mieux ! L’ensemble est parfaitement cohérent, rythmé, avec une atmosphère pesante et oppressante tout le long, beaucoup de violence dans les compositions, le chant, les paroles. Les jeux de guitares et la batterie sont au service d’une rythmique impitoyable, d’un groove plus qu’entraînant qui ne laisse aucun répit. Le travail de production et de mixage de Buster n’y est pas pour rien non plus. Il met parfaitement en valeur la voix de Marcus et équilibre très bien l’ensemble. Il donne une couleur très plaisante au son, avec tous les arrangements et les effets empruntés au nu-metal, metalcore, trap, rap et drum'n'bass. Globalement froid, violent, tranchant, lourd. Le résultat est aussi très moderne et efficace, c’est vraiment ce hardcore beatdown qui me séduit le plus aujourd’hui. Au risque de me répéter mon seul regret, qui n’en est pas vraiment un, c’est que c’est court. Ce n’est certes pas la quantité mais la qualité qui compte, mais ça laisse un petit goût de trop peu et un sentiment d’impatience. On est brutalement abandonné après 20 minutes d’écoute, étourdis par la lourdeur et la rage des morceaux. Finalement, est-ce que ce n’est pas la preuve que c’est un album particulièrement réussi et que tout, sans exception, de la composition à la production, en passant par la direction artistique, les textes et donc la durée et l’enchaînement des morceaux, est au service de cette atmosphère froide et violente. Je vous recommande de les suivre, de les écouter et d’aller les voir sur scène, vous me remercierez !