10 août 2024, 23:59

ALCATRAZ FESTIVAL

@ Courtrai (Jour 2)

En cette deuxième journée, dès l’entrée dans l’arène, le soleil frappe fort. Les organisateurs ont eu la riche idée d’installer des distributeurs de crème solaire et proposent aux bars, jusqu’à 18h, de l’eau gratuite – sinon c’est quand même plus de 3€ le verre d’à peine 25 cl ! Ce samedi est aussi la journée la plus fréquentée avec près de 20000 metalleux présents sur le site. Les torses et les visages rougissent aussi vite que la sueur ruisselle des aisselles...


Les hostilités débutent en fin de matinée dans un site déjà trés fréquenté. Les équipes du festival, compétentes et bienveillantes, sont en place : la fête peut commencer. VENGEANCE (Prison, 11h20-12h00) baptise ce 10 août dans la joie et la bonne humeur, la bière remplaçant l’eau bénite sur rock'n'roll shower : Leon Goewie, chanteur et membre originel du groupe batave né en 1982, se verse sur le crâne le contenu d’une chope pour la plus grande joie d’un public enthousiaste. Cet humour potache transparaît aussi dans les lunettes qu’arbore un temps le guitariste. Derrière ces facéties se cache un groupe expérimenté, solide et bien en place, capable de dégainer des brûlots comme "May Heaven Strike Me Down". Voix particulièrement éraillée, soli bien troussés, section rythmique carrée, les vétérans s’en donnent à cœur joie et conclut leur set, axé sur les vénérables « We Have Ways To Make You Rock » (1986) et « Take It Or Leave It » (1987), par un très réussi « Arabia » (1989), clin d’œil à l’immense "Kashmir". Un concert qui rend justice au slogan des Néerlandais, inscrit en grand sur leur back drop : "Do you hate hard rock ? Guess you've never seen Vengeance !"


En fond de scène est représentée la pochette kitchissime du dernier album de RAVEN (Prison, 12h25/13h10), « All Hell’s Breaking Loose » (2023), album explosif dans la lignée des innombrables disques du trio. Si en studio le corbeau reste capable de pondre des titres intenses, sur scène il a du mal à déployer ses ailes. Certes, le jeunot Mike Heller, qui a rejoint les frères Gallagher voilà cinq ans, assure ses parties viriles avec brio, mais Mark et John ont beau multiplier les poses metal, leur prestation n’est guère emballante, entre soli comme hésitants et voix toujours suraiguë mais au placement aléatoire. Bien sûr, il est toujours jouissif d’écouter en live "Hell Patrol" ou "Faster Than The Speed Of Light", un titre qui résume la philosophie du groupe, mais il n’est nulle magie "pour réparer des ans l’irréparable outrage". Les gaillards tracent leur route depuis 1974 et méritent un immense respect pour une carrière toute entière dévouée à un metal balancée à 1000 à l’heure... mais l'obsolescence live guette.


Pas facile pour un groupe comme FINNTROLL (Prison, 13h40-14h25) de jouer sous le soleil, en début d’après-midi. Pas évident de rentrer dans l’ambiance nordique quand les membres de la sécurité arrosent la foule à grands coups de pistolets à eau flashy. Étrange de ne pas avoir programmé la horde troll sous un chapiteau à la tombée de la nuit… surtout que son folk metal n’est pas que festif, mais est souvent teinté de black. Les Finlandais, grandes oreilles au vent, débutent leur set par les titres plus sombres, comme "Att Döda Med en Sten" ou un "Nedgang" tout en atmosphère ; ici la voix profonde de Vreth sonne à merveille derrière son micro en forme de crâne de bélier. Le set glisse ensuite vers un côté plus humppa, humppa avec les chansons dansantes comme la joyeuse "Ormfolk"… et le public, en forme malgré la chaleur, se lance de festifs circle pits. A noter l’excellente prestation du tout jeune batteur.


L’heure n’est plus à la fête quand RITUALS OF THE DEAD HAND (Morgue, 15h55-16-10) déverse sa haine black teintée de sludge, voire de doom ou de death (l’épique "They Rode By Night"). Le trio, concentré et appliqué, envoûte par sa noirceur, qui jaillit d’une guitare torturée, hantée par des growls puissants. L’arrivé d’un moine, encapuchonné comme il se doit, un crâne de bouc dans les mains, renforce l’atmosphère macabre de ce sabbat d’un autre temps qui s’incarne dans l’horreur d’un "The Restless Doomed" ténébreux en diable.

Quelle déception que la prestation de BENEDICTION (Swamp, 17h15-18h05) ! Le groupe semble en roue libre et réussit l’exploit de rendre fades certains de ses antiques brûlots comme "The Grotesque". La participation de Kim Lee (MASSACRE) dans une hideuse chemise ornée de bananes sur "Progenitors Of a New Pradigm" ajoute une touche de ridicule à un concert bâclé… que le groupe raccourcit de cinq minutes. Le jet de t-shirts dans la fosse et les quelques bières données au premier rang en fin de set donnent une petite, toute petite touche sympathique à ce concert raté.


MARDUK (Swamp, 18h45-19h45) mise tout sur la violence en cette fin d’après-midi. Si la set-list est identique – à l’exception de "Throne Of Rats", enlevé – à celle proposée lors de la tournée printanière, les Suédois assènent leurs titres avec une rage et une intensité jamais prises en défaut. Du "On Darkened Wings" initial à la terrifiante paire finale "Wolves"/"Panzer Division Marduk", les cavaliers de l’apocalypse récitent leur partition de haine en éclairs de furie. Les titres plus anciens, plus death, comme "The Funeral Seems To Be Endless", vibrent de la même intensité diabolique que les compositions les plus récentes, tirées de l’excellent « Memento Mori » ("Blood Of The Funeral" tout en blasts démoniaques et "Shovel Beats Sceptre", angoissant). Les musiciens assènent chaque morceau avec une conviction rare – ce qui n’est pas toujours le cas chez MARDUK – à l’image d’un Mortuus déchaîné qui apostrophe une foule électrique où les crowd-surfers sont légions. Le chanteur passe outre une panne de micro et finit par descendre taper dans les mains des premiers rangs ; même Morgan, derrière son maquillage, semble surpris. Le groupe joue dix minutes de plus que prévu et laisse la Swamp exsangue, hébétée : la Bête est passée et a tout ravagé sur son passage.


Après la claque MARDUK, l’incroyable surprise 1000MODS (Morgue, 20h20-21h15). Le trio – autrefois quatuor – grec est pour moi la découverte de ce long week-end métallique. Son stoner plonge ses racines dans un terreau aussi sabbathien que désertique (le long et envoûtant "Super van Vacation") et secoue ses branches avec une frénésie punk. Ses chansons, portées par des riffs teigneux, hargneux, sont des virus qui se propagent dans la fosse et poussent les spectateurs à pogoter comme des damnés, à perdre toute retenue. La Morgue n’a jamais été aussi vivante que durant "El Rollito", l’extase est totale sur l’incroyable "Vidage" dont le génial motif mélodique déclenche l’hystérie. Le groupe a l’art de retourner les cerveaux en offrant des compositions en montagnes russes, où l’explosion se fait attendre avant de jaillir comme une libération ("Electric Carve"). Posée sur une batterie sèche et précise, la guitare grésille, sature, se lance dans de brefs soli… et c’est jouissif !

WATAIN (Swamp, 22h20-23h20) offre ensuite une lecture envoûtée et envoûtante du black metal. Dans un décor où règnent le feu et les crânes, les tridents et les symboles, Erik Danielsson devient le maître possédé d’une cérémonie occulte. Il allume les vasques… et lancent sa torche vers un spectateur du premier rang, avant d’asperger la fosse de sang sur le bien nommé "Devil’s Blood". L’ambiance occulte résonne dès l’ouverture sur le sombre "Hymn To Qayin". Le chanteur, charismatique en diable, capte l’attention, par ses gestes comme par sa brillante interprétation. Il semble plonger en lui-même, comme s’il recherchait ses noirceurs intimes, ses pulsions les plus inavouables pour, alchimiste de l’horreur, les transformer en création artistique. Ses comparses restent immobiles, exécutants talentueux – la beauté des soli – d’un rituel qui les dépasse. Jusqu’à la cavalcade finale de "Malfeitor", prélude à la lente extinction des feux, WATAIN, majestueux, récite ses odes lugubres, parsemées d’éclairs mélodiques, avec une intensité rare ; les Suédois offrent un instant hors du temps, une plongée dans des abysses infernaux et baudelairiens :

Gloire et louanges à toi, Satan, dans les hauteurs
Du Ciel, où tu régnas, et dans les profondeurs
De l’Enfer où, vaincu, tu rêves en silence !
Fais que mon âme, un jour, sous l’Arbre de Science,
Près de toi se repose, à l’heure où sur ton front
Comme un Temple nouveau ses rameaux s’épandront.
Les Litanies de Satan in Les Fleurs du mal


Après nous avoir gratifié d'une forte dose d’obscurité, la Suède illumine l’Alcatraz avec EUROPE (Prison, 23h20 – 00h50). Joey Tempest, en rock-star charismatique et taquine, bras grands ouverts, s’adresse au public, arpente la scène avec vigueur et s’empare d’une guitare sur "Ready Or Not". John Norum prodigue ses légendaires parties de guitare avec élégance et se régale à l’acoustique sur la magnifique ballade "Open Your Heart". Les claviers de Mic Michaeli, parfois datés certes, apportent une indispensable touche de nostalgie, comme sur "Sign Of The Time" et même sur le récent (2015) "War Of King" où ses lignes se marient à merveille à un riff percutant. Le groupe, sûr de son répertoire, ouvre son concert avec deux incontournables, "On Broken Wings" et "Rock The Night". Il offre ensuite un voyage dans le riche panorama de sa carrière. Il passe des plaisirs démodés d’un "Carrie" qui renvoie aux booms adolescentes à l’énergie de la paire "Scream Of Anger"/"Stormwind", deux déflagrations tirées de l’excellent « Wings Of Tomorrow » (1984) sans renier son présent avec "Walk The Earth" ou le single musclé "Hold Your Yead Up". L’épique "Last Look At Eden", précédé d’un intro, brille d’un éclat symphonique quand "Superstitious" est, comme toujours, enrichi du "No Woman, No Cry" de Bob Marley. Le rappel, magnifié par des lights haut de gamme et quelques feux d’artifice, enchaîne un "Cherokee" toujours palpitant et, bien sûr, l'emblématique "Final Countdown", délicieux Mistral Gagnant de toute une génération, conclusion parfaite d’une heure et demi somptueuse.

Avant de regagner nos pénates, un dernier détour s’impose pour assister à la fin du concert de SATYRICON (Swamp, 00h20-01h30). Le blak metal des Norvégiens est délivré dans son plus simple apparat, avec une force punk et une intensité totale. "The Pentagram Burns" déverse sa noirceur épique, "Mother North" ravit la foule encore compacte et "K.I.N.G." conclut en force une longue et harassante, mais passionnante, journée de metal.

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Blogger : Christophe Grès
Au sujet de l'auteur
Christophe Grès
Christophe a plongé dans l’univers du hard rock et du metal à la fin de l’adolescence, au tout début des années 90, avec Guns N’ Roses, Iron Maiden – des heures passées à écouter "Live after Death", les yeux plongés dans la mythique illustration du disque ! – et Motörhead. Très vite, cette musique devient une passion de plus en plus envahissante… Une multitude de nouveaux groupes a envahi sa vie, d’Obituary à Dark Throne en passant par Loudblast, Immortal, Paradise Lost... Les Grands Anciens – Black Sabbath, Led Zep, Deep Purple… – sont devenus ses références, comme de sages grands-pères, quand de jeunes furieux sont devenus les rejetons turbulents de la famille. Adorant écrire, il a créé et mené le fanzine A Rebours durant quelques années. Collectionneur dans l’âme, il accumule les set-lists, les vinyles, les CDs, les flyers… au grand désarroi de sa compagne, rétive à l’art métallique.
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