11 août 2024, 23:59

ALCATRAZ FESTIVAL

@ Courtrai (Jour 3)


Cette troisième et dernière journée débute sous le chapiteau de la Morgue avec une rasade de heavy metal, relevée d’une note thrash, en guise d’apéritif. C'est ETERNAL BREATH (Morgue, 12h10 – 12h50) qui paie son coup. Devant un backdrop à l’effigie de son dernier album, « Road To Insanity », la formation belge fondée en 1996 signe une prestation dynamique, certes, mais assez inégale. Si la bonne volonté et l’énergie des musiciens, de génération différente, n’est pas à remettre en cause, certaines compositions, faiblardes, nuisent à la qualité du set.

Direction ensuite la Helldorado stage où nous profitons des derniers instants de la prestation de COBRA THE IMPALER (Helldorado, 12h40 – 13h20). Portés par un Manuel Eiremmer (chant) survolté, les disciples de MASTODON concluent leur concert sur un "Assassins Of The Vision" dantesque, long et oppressant. De quoi nous faire regretter de ne pas avoir assisté à la totalité de leurs set.


Guerrier musclé et femmes dévêtues aux seins opulents ornent désormais l’arrière de la scène, MANOWAR et Chostakovith résonnent dans la sono : ETERNAL CHAMPION (Helldorado, 13h50 – 14h35) est dans la place (forte) pour asséner son ough metal ; cette onomatopée étant sans cesse répétée par un Jason Tarpey en grande forme et avide de contact avec un public qui aime à répéter sans cesse ce grognement. Ces échanges gutturaux étonnent les non-initiés et ravissent les adeptes des Texans, prompts à reprendre en chœur viril les refrains de leurs idoles comme sur "Ravening Iron". Le mid-tempo "Skullseeker" est un lancement idéal, tant il est dynamique et épique comme le sont aussi "Worms Of The Earth" et le "A Face In The Glare" final. Le premier album n’est pas oublié avec l’enchaînement des mélodiques "The Last King Of Pictdom" et "The Armor Of Ire". Alors que le groupe s’était produit sans bassiste au Hellfest suite au décès de Bradd Raub, Franck Chin (CRYPT SERMON) tient cet instrument à l’Alcatraz. Dans son t-shirt BLIND GARDIAN – un choix guère étonnant – et sous son heaume en début de set, le chanteur entraîne avec lui un public avide de chevauchées sanglantes en Cimmérie… où nous retrouvons CONAN (Helldorado, 15h05-15h55). Le tempo se ralentit aussitôt tant le trio anglais est adepte d’un doom sans artifice, d’une lourdeur traumatisante traversée par instant d’un riff death surgi des limbes, vrillé par les vocaux aussi espacés qu’insensés ("Satsumo") d’un Jon Davis souriant, ravi d’asséner ses riffs monolithiques. La section rythmique dresse une muraille infranchissable ("Equilibrium Of Mankind"), édifiée au bout de tant d’efforts que le batteur finit torse nu. Le groupe propose un voyage à travers sa riche discographie, tentant parfois de séduire les rétifs aux accords pachydermiques par des velléités thrashisantes ou hardcore… toute relatives, certes : telle est la doublette "Levitation Hoax"/"Ritual Of Anonimity" placée à mi-parcours comme une île épargnée dans un océan envahie par une marée noire. Conscient d’évoluer en festival, CONAN a pitié des curieux désireux de découvrir leurs morceaux… mais n’oublie pas de satisfaire ses fidèles avec le magique "Foehammer" tout en grésillements possédés.


Jingsaw arrive sur son tricycle pour lancer le concert d’ABORTED (Swamp, 17h15 – 18h05), souhaitant ainsi la bienvenue dans l’univers horrifique des Belges. Le backdrop à la gloire de « Vault Of Horrors», l’excellent dernier album du groupe dont six des titres de la set-list du jour seront tirés, ajoute à l’ambiance gore et macabre. Sans round d’observation, Sven, déchaîné ne cessant de se frapper le crâne avec le micro, de boxer dans le vide, attaque avec un "Retrogore" aussi diabolique que vicieux, tant les blasts s’éclipsent parfois devant une lourdeur malsaine, tant les guitares tissent une toile complexe. Le chanteur incite les fans à multiplier les coups de folie, leur demande avec un sourire taquin « d'embêter au maximum la sécurité ». Et la foule s’en donne à cœur joie… admirablement gérée par les gaillards en charge d’éviter les accidents ; chapeau les gars, et les filles ! Dans une quasi obscurité, les titres, aussi démoniaques que virtuoses, à l’image d’un Ken Bedene effrayant derrière sa batterie, s’enchaînent, incarnés par un hurleur possédé. Le bref "Condemned To Rot" explose en rythmiques variés où groove et puissance s’associent quand "Insect Politics", en bon cocktail molotov, déclenche une furie incendiaire. ABORTED s’illustre aussi dans des morceaux au tempo plus lent, comme "Brotherhood Of Sleep" et "Death Cult" qui font headbanger les spectateurs qui ne se risquent pas à un crowd-surfing survolté. La leçon d’ultra violence intelligente s’achève sur un medley "Threading On Vermillion Deception"/"The Saw And The Carnage Done". Rien à ajouter : le carnage a bien été accompli.


Nos pas, quelque peu lents désormais tant la fatigue se fait sentir, nous portent vers la Morgue pour assister à l’une des prestations les plus attendues de ces trois jours d’une intensité folle. CIRITH UNGOL (Morgue, 18h45 – 19h40), pape vénéré du heavy américain, n’a pourtant pas attiré la grande foule mais les présents sont de vrais adeptes, de purs connaisseur qui s’étonnent de ne voir qu’un seul guitariste sur scène, Greg Lindstrom étant absent. Ils sont moins surpris en revanche par l’attitude de Tim Baker, chanteur toujours aussi timide, emprunté derrière son micro, comme gêné d’être là. Il quitte régulièrement la scène et frôle la panique quand un fan le rejoint sur les planche… mais ses vocaux demeurent envoûtants. Le concert est ainsi étrange, entre manque de puissance liée à l’absence d’une six-cordes, et moments précieux, comme "Master Of The Pit" au solo toujours aussi frissonnant, "I’m Alive" au refrain parfait, le récent "Forever Black" aux contours doom ou l’ultime "Join The Legion" scandé par un public ravi de communier avec ses vétérans bien aimés.

Il est alors temps de sortir de l’obscurité pour aller se dandiner avec KORPIKLAANI (Prison, 19h30 – 20h30). La tribu finlandaise, menée par un Jonne en forme – ce qui n’est pas toujours le cas – s’appuie sur son brillant dernier album, « Rankarumpu », pour signer une prestation haut de gamme qui colle un grand sourire sur tous les visages – comment résister au "Gotta Go Home" de BONEY M passée à la moulinette de la horde débonnaire. Les crowd-surfers, une fois passés derrière les barrière, regagnent ainsi leur place en se trémoussant comme sur "Pidot" et son banjo entraînant. "Kotomaa" met l’accordéon en valeur, le violon glisse une touche d’émotion et de profondeur, comme sur un "Oraakkelit" mélancolique. Les lointaines années du groupe surgissent avec le heavy "Wooden Pints" (2003) ou le très folk "Tuli Kokko" (2006). "Aïta" et "Rankarumpu" sont parfaits pour séduire en festival quand la paire "Saunaan" et l’incontournable "Vodka" offre une conclusion à la hauteur d’un set qui donne envie d’allumer un feu de bois et de danser autour toute la nuit en vidant bouteille sur bouteille de son alcool préféré.


Pour DARK TRANQUILLITY (Swamp, 20h30 – 21h30), je ne peux me placer que loin de la scène… et j’en profite pour savourer une glace bercé par l’excellente prestation des Suédois. Portés par des lights remarquables et un son quasi-parfait, la bande à un Mikael Stanne radieux offre une heure d’un death mélodique racé et classieux. Les refrains sont ultra efficaces ("Misery’s Crown"), les soli divins ("Unforgivable" tiré comme deux autres chansons d’un « Endtime Signals » pas encore sorti en ce 11 août) et le groupe dispose dans son riche répertoire de pépites qu’il exhibe avec fierté (la ballade "Therein", "Cathode Ray Sunshine"). Il convient ensuite de se rapprocher au plus près de la scène. Impossible de ne pas être aux premières loges pour la pièce de chaos et de sang que s’apprête à jouer MAYHEM (Swamp, 22h10 – 23h25). Qui aurait dit que cette formation maudite, à l’histoire hantée par d’innombrables démons, existerait encore 40 ans après sa naissance sous le signe maudit d’une lune glaçante enveloppée d'un brouillard funébre ? Certes, le groupe a changé, s’est transformé pour devenir THE TRUE MAYHEM, mais qui aurait parié qu’il fêterait en un anniversaire morbide quatre décades d’existence ? Le concert donné à l’Alcatraz s’inscrit ainsi dans cette tournée commémorative. Il se déroule comme un long compte à rebours, glissant de "Malum", tiré de « Daemon » (2019), à "Pure Fucking Armageddon", issu de l’antique et thrashisant « Deathcrush », racine du mal sortie d’un sol fangeux en 1987. Sur un écran apparaissent des images d’archives, souvent cultes, qui narrent la légende noire et tragique du groupe ; Count Grishnackh et des clichés fugaces d’églises brûlées apparaissent même.


La voix d’Euronymous sugit d’outre-tombe et le guitariste est associé à Dead dans un hommage qui précède "Freezing Moon", incarnation absolue de l’âme juvénile de MAYHEM. Attila semble alors s’adresser aux disparus, chantant comme s’il parlait au crâne qu’il brandit. Le concert se décline en trois actes, symbolisés par des changements de style vestimentaire. Les musiciens, surtout le chanteur, sont ainsi des soldats du chaos, deviennent des prêtres de Satan en longue robe pour la période « De Mysteriis Dom Sathanas » et finissent en vestes à patchs de hard-rockers. Maniac, toujours aussi charismatique, se déplace sur une scène bien pensée quand Necrobutcher paraît toujours aussi haineux, en guerre contre la terre entière. Au-delà du mythe et de ses classiques – ne citons que "Funeral Fog" et "Chainsaw Gustfuck" – les Norvégiens signent des morceaux de qualité, du black pur et tranchant de "Psywar" au tentaculaire et sinistre "Illuminate Eliminate" que le tempo ralenti et les vocaux aberrants transforment en monstre reptilien, sans oublier un "Malum" old-school à souhait, joué en ouverture, dont les paroles en latin sonnent comme l’entrée dans une cathédrale profanée. Ce concert fut une grande déclaration de guerre, achevée avec Attila et Necrobutcher, bouteille de vin à la main, seuls à saluer une foule exsangue, épuisée par cette cérémonie dédiée aux ténèbres.

Restait alors, pour conclure ces trois jours de pur bonheur, à aller brûler ses dernières forces devant CLUTCH (Helldorado, 00h25 – 01h30) pour un concert plaisant malgré un parterre épars. La recette stoner avec double ration de groove des Américains, pas gênés de jouer à une heure indue, se montre efficace, épicée par la voix inimitable, difficilement descriptible – tentons l’alliance des adjectifs caverneux et incantatoire – de Neil Fallon. Conclusion agréable d’un festival qui a tenu ses promesses et offert de grands moments : de l’Alcatraz, nulle envie de s’échapper mais, bien au contraire, le désir d’y retourner !

Jour 1, Jour 2

Blogger : Christophe Grès
Au sujet de l'auteur
Christophe Grès
Christophe a plongé dans l’univers du hard rock et du metal à la fin de l’adolescence, au tout début des années 90, avec Guns N’ Roses, Iron Maiden – des heures passées à écouter "Live after Death", les yeux plongés dans la mythique illustration du disque ! – et Motörhead. Très vite, cette musique devient une passion de plus en plus envahissante… Une multitude de nouveaux groupes a envahi sa vie, d’Obituary à Dark Throne en passant par Loudblast, Immortal, Paradise Lost... Les Grands Anciens – Black Sabbath, Led Zep, Deep Purple… – sont devenus ses références, comme de sages grands-pères, quand de jeunes furieux sont devenus les rejetons turbulents de la famille. Adorant écrire, il a créé et mené le fanzine A Rebours durant quelques années. Collectionneur dans l’âme, il accumule les set-lists, les vinyles, les CDs, les flyers… au grand désarroi de sa compagne, rétive à l’art métallique.
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