16 octobre 2024, 19:10

AORLHAC

"La Trilogie des Vents"

Album : La Trilogie des Vents

Véritable institution du black metal français depuis presque 20 ans, AORLHAC voit 2 de ses albums et son premier EP réédités, ceux composant sa trilogie des vents : « A la Croisée des Vents », « La Cité des Vents » et « L’Esprit des Vents ».

AORLHAC, qui est le nom d’Aurillac en occitan, est ancré dans le passé de sa région, sa musique et ses textes sont baignés par ses racines occitanes, médiévales et modernes, racontant l’histoire du sud de la France et du nord de l’Italie et de l’Espagne. L’occitan n’est pas seulement une langue mais aussi une culture racontée en français par le groupe : il est le témoin respectueux de l’héritage de ses ancêtres. Alors imaginez l’apport que représente cette identité au genre qu’est le black metal. Faisons comme si on ne connaissait rien de cet AORLHAC.

« A la Croisée des Vents ». Luth et viole résonnent pour introduire une explosion de cris et de riffs, avec un metal martelé jusqu’au sang, un menuet dans les moulinets, nous découvrons le Moyen Âge par son côté le plus black. L’accueil en terre occitane est avec "La Guillotine est fort Expéditive", chantée dans la langue locale, et si les mélodies sont fort harmonieuses, le rythme est définitivement extrême. Ah, c’est prenant, la terre des rois est également celle des EMPEROR. "La Mort Prédite" nous mène en terre de légendes, avec rapidité et agilité des cordes malmenées, AORLHAC maîtrise son canevas d’outre-époque, avec un magnifique agencement des styles pour des hurlements voraces. J’ai souligné la diversité et l’apport de sonorités folk, "Le Charroi de Nîmes" est également l’occasion de sublimes attaques thrash qui dynamisent le côté black metal. On s’enivre à loisir de cette débauche à la musicalité joviale et sans retenue.

AORLHAC, les fans s’en souviennent, c’est l’incontournable "1693-1694, Famine et Anthropophagie", odyssée black épique aux touches subtilement folk. Un régal où l’on ressent la patte griffue de nos gaillards. Ce premier EP et chapitre venteux s’achevait jadis avec l’ode à la ville natale, "Aorlhac", superbe déclaration musicale aux âges de guerres rivales joyeuses aux refrains amples, notre bande de ménestrels sauvages nous gratifiant également d’inédits tels "Mémoires d’Alleuze" et « Les Charognards et la Catin ». De généreux présents, où on prolonge ainsi l’épopée violente. Cette réédition est réellement une aubaine.

« La Cité des Vents ». L’aspect folk semble exploré plus avant, « Le Bûcher des Cathares », bien que frappé d’accélérations et de blasts vifs, offre de belles envolées mélancoliques. Comme un écho musical aux suppliques de ce peuple du pays d’Oc souvent martyrisé. On sent une progression, AORLHAC maîtrise un peu plus la technique dans son propos, nous sommes réellement au milieu d’une pièce maîtresse qui renforce la couleur épique de ce triptyque. Alors que résonne un "Plérion" tout en majesté d’un black metal épique et lugubre, "Le Miroir des Péchés" s’offre un élan de power-metal pour faire décoller ses cris ténébreux, avant de les satelliser sur un air de folk semi acoustique du plus bel effet, sur ''Sant Flor, la Cité des Vents'' nous sommes autant violentés que violonés. Ce deuxième chapitre est réellement plus varié et permet une immersion plus savoureuse, au risque de perdre un peu de l’identité originelle dans ''La Comptine du Drac'' au groove improbable mêlant tellement de genres et de rythmes. Après ''Les Enfants des Limbes'', AORLHAC choisit de nous livrer ''Over Bjoergvin graater himmerik IV'' une reprise de TAAKE, bercés par un black lancinant et obsédant. Une incroyable odyssée que cet album.

Après cette réalisation plus en nuances, on s’attend à ce que le suivant, « L’Esprit des Vents », soit très contemplatif. Loupé. Ici, point d’introduction instrumentale, on attaque avec un "Alderica" très offensif, que ce soit dans les blasts ou les cris. On retrouve toujours un apport folk dans le black metal, avec des relents de gigues païennes joyeuses. AORLHAC agence dans l’ultime volet de son triptyque des pièces de grandes qualités, "La Révolte des Tuchins" expire dans un souffle épique qui a dû servir d’inspiration à des groupes tels CELESTE ou HOULE, un rendez-vous pour amateurs de chant hurlé et d’envolées atmosphériques, ''Infâme Saurimonde'' est gorgé de trémolos torturés et de rage vocalisée, un délice de metal fondant avec son cœur, ou chœur, religieux.

AORLHAC nous gâte à rééditer ces 3 volets, chefs-d’œuvre du black metal à la française. Quelle symbolique musicale, passant de ''Ode à la Croix Cléchée'' à ''La Procession des Trépassés'', nous sommes baignés d’une ambiance ample et somptueuse, violente comme le fracas des batailles, froide comme l’acier des épées, douce comme la soie brodée, notre imagination est divinement sollicitée par des compositions puissamment agencées. Donc non, le chapitre ne se referme pas sur des extraits se ramollissant. Et quand bien même lorsque le black se drape de riffs de vierge effarouchée, c’est avec le plus bel des effets... de fer. ''Une vie de reclus (Quand les remparts ne protègent plus)'' l’illustre parfaitement.

Belle occasion d’honorer ce groupe qui nous berce de si belle manière. Et la brochette d’inédits renforce la dimension onirique du propos. Comment vous le dire autrement ? Procurez vous ce coffret aux délicieuses enluminures, plongez vos oreilles dans ce black metal épique, vous vous régalerez !

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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