
Jerry Cantrell, l’âme d’ALICE IN CHAINS. Compositeur, guitariste, chanteur, artiste à part entière qui conçoit la musique comme le reflet de la vie, intense, profonde, lumineuse parfois... Douloureuse, souvent. L’homme est droit dans ses bottes et la sincérité exsude de la moindre note qu’il compose. Ce quatrième album solo, « I Want Blood », ne fait pas exception dans la carrière extrêmement qualitative du musicien, où l’on ne trouve que des pépites. D’or noir, cela va de soi.
Le dernier survivant du véritable son de Seattle délivre, une fois de plus, un album de toute beauté. Si le son et la voix sont immédiatement reconnaissables, il y a, sur ce nouvel album, une charge émotionnelle puissante et une approche moderne dans l’attaque frontale de certaines compositions ("I Want Blood", "Vilified", "Off The Rails"). Toujours accompagné de Greg Puciato (ex-THE DILLINGER ESCAPE PLAN) aux chœurs et harmonies vocales, rejoint par Lola Colette, de Duff McKagan (GUNS N’ ROSES) ainsi que de Robert Trujillo (METALLICA) à la basse, puis de Gil Sharone (TEAM SLEEP & STOLEN BABIES) et Mike Bordin (FAITH NO MORE), qui se partagent la batterie, Jerry Cantrell délivre un album plus foncièrement rock que son prédécesseur, « Brighten » (2021), qui s’orientait vers un style country/americana. Nous avons ici des chansons qui ne dépareilleraient pas sur un album d’ALICE IN CHAINS, avec cette tristesse noir de suie caractéristique, ses guitares rampantes et ses rythmes lourds, avec toutefois un côté mordant et incisif plus direct.
La grande force de Jerry Cantrell, c’est son habileté à créer des atmosphères, avec un riff lancinant qui vrille la tête comme la fraise du dentiste s’acharne sur une dent (génial "Off The Rails"), avec une accélération de rythme au milieu d’un calme apparent ("It Comes"), un refrain de toute beauté ("Echoes Of Laughter", une merveille), avec un solo qui décape ("I Want Blood", "Let It Lie"), ou bien encore avec de sublimes harmonies vocales, signature sonore de l’artiste depuis toujours ("Held Your Tongue" et sa magnifique intro a capella, "Afterglow", "I Want Blood"). Ce sont les guitares qui ouvrent la voie et montrent le chemin à suivre, dans lequel les autres instruments s’engouffrent pour s’unir dans une danse aussi sensuelle que dangereuse. Tantôt délicates ("Afterglow", "It Comes", "Echoes Of Laughter"), tantôt gluantes et poisseuses ("Throw Me A Line", "Let It Lie") comme un étang vaseux dont la surface trouble et obscure masque les profondeurs, les ambiances diffèrent, et pourtant suivent un même fil conducteur. Celui qui prend l’auditeur par la main pour le guider dans un labyrinthe de ruelles sombres, mal-éclairées et angoissantes, tout en lui susurrant à l’oreille de ne pas craindre les ombres. Elles seront toujours là, comme une composante intrinsèque de la personnalité de l’être humain. Au même titre que la petite luciole qui brille en nous et nous sert de boussole lorsqu’on est désorienté.
Morceau de choix pour clôturer l’album, "It Comes" est une plongée dans la mélancolie et la poésie, une chanson méticuleusement ciselée comme une pierre précieuse par un compositeur hors-norme dont le talent s’affine plus encore avec les années qui passent. Lui qui excelle particulièrement dans la composition de morceaux qui prennent leur temps, prouve une nouvelle fois que la musique vient de l’âme et du cœur avant tout. « I Want Blood » est un album riche et prenant, qui demandera certainement plusieurs écoutes pour en assimiler tous les détails, mais une fois que vous serez happé, il vous sera impossible de l’oublier. La marque des grands.