24 octobre 2024, 19:02

LOUDBLAST

"Altering Fates And Destinies"

Album : Altering Fates And Destinies

Si l’année 2020 sera à tout jamais une année noire pour l’humanité, elle aura également été source de lumière dans les ténèbres ou d’un peu de noirceur dans une clarté se voulant désolante. Cette cryptique constatation fait écho à la sortie du précédent album des Louds, « Manifesto », ramassis de brûlots nous ayant permis en musique de tenir un peu mieux le choc que l’on encaissait alors. Garçon extrêmement occupé (appelez-le Désiré aurait suggéré Sacha Guitry), le leader-fondateur-chanteur-guitariste Stéphane Buriez n’aura pas attendu – trop – longtemps avant de se rappeler au bon souvenir des fans de son groupe principal, LOUDBLAST. J’évoquais la COVID et ses années noires car, justement, ce nouveau disque est en quelque sorte le fruit de cette période. J’évoque par-là mises en pause forcées et retards à l’allumage à l’échelle planétaire quand il ne fut pas question de remises en question individuelles ou collectives et une réflexion à un instant T sur ce qu’il s’est passé et ce que l’avenir réservait aux êtres de passage que nous sommes. Neuvième de cordée, « Altering Fates And Destinies » est surprenant, audacieux et se targuerait même éventuellement d’être – n’ayons pas peur des mots – l’un des meilleurs (voire le meilleur ?) albums qu’ils aient jamais sortis.

Comptant toujours en ses rangs au poste de bassiste son ami et comparse au sein de SINSÆNUM, Frédéric Leclercq (KREATOR, ex-DRAGONFORCE), le "taulier" (car oui, il faut savoir que Stef est le Johnny du metal, partageant avec lui son surnom. Mes respects Mr Buriez) a composé sans filtres, bien décidé à arrêter, comme il l’a précisé dans une récente interview, de se poser des questions circonstancielles et a mis en action un nouveau mantra : faire ce qu’il veut ! Force est de reconnaître que le résultat traduit en treize titres (pour la version en édition limitée agrémentée de 3 bonus) en vaut la peine. Faire ce qu’il veut oui mais pas n’importe quoi et surtout, pas n’importe comment. Se concentrant désormais sur les prestations live, le batteur Hervé Coquerel adoube ici l’ex-SVART CROWN et OTARGOS Nico "Ranko" Muller, incroyable cogneur rendant justice à la "patte" du Coq’ pendant que Frédéric Leclercq lui, s’est chargé de quasiment tous les soli en plus de ses parties de basse. L’expression « ne pas être un manche » prend donc ici avec lui tout son sens. Une histoire de famille également comme autant de blood brothers dans laquelle on saluera donc le guitariste Nicklaus Bergen, connu du circuit français pour avoir fait partie d’ADX, THRASHBACK et qui officie avec le fondateur de ce même groupe, le chanteur-batteur Fabien "Speed" Cortiana dans T.T.T. (Tribute To Thrash) avec un certain... Stef Buriez.

Notre homme l’a indiqué, dur de faire le tri dans une trentaine de compositions avouées avoir été écrites et devoir en sélectionner moins de la moitié pour le disque. Mais une satisfaction d’autant plus grande au final de n’avoir que du béton armé entre les mains. Plus accessible que d’autres disques (au hasard, le sombre « Burial Ground » plus black que noir) mais gardant son côté extrême (Stef ne rivalisant toujours pas avec Vince Neil dans les aigues), l’album aborde différentes facettes du metal, parfois au sein d’un même titre. Heavy, thrash, black, death, un bonneteau musical qui ne se veut toutefois pas arnaque et dont LOUDBLAST sort toujours gagnant. Si le lovecraftien "From Beyond II (The Return)" renvoie directement en 1989 et au premier titre du premier album « Sensorial Treatment », d’autres saveurs se font sentir. Du groove et du bien gras sur "Putrid Age Of Decay" ou l’écrasante "Son Of Nameless Mist", de l’hyper mélodie aussi si l’on pointe du médiator le solo en fade out de "He Who Slumbers", il y en a pour tous les goûts sans jamais qu’un ingrédient prenne le pas sur l’autre. M’est avis que le track-listing a dû être un casse-tête mais il a su être résolu de main de maître, l’écoute se faisant avec fluidité. Enregistré entre les studios Vacamara (pour la batterie) et ceux de Stéphane et Frédéric pour les guitares et la basse, la mise en beauté est une fois encore signée HK Krauss, ici ingénieur du son, co-producteur et acteur du mastering, qu’on félicite pour l’équilibre qu’il a su donner à l’entreprise. Ce dernier a vraiment poussé pour qu’il n’y ait aucune limite ou frein à la créativité, rejoignant ainsi le mantra décrit plus haut. Brutalité, finesse, tout était possible. Tout l’a été.

Mûrement réfléchi afin d’être cohérent, un peu à la manière des disques de metal des années 80 bien que le public d’aujourd’hui se tourne plus volontiers vers des playlists en ligne – malheureusement diront certains à tort ou à raison, « Altering Fates And Destinies » est pour le moins diversifié, ne s’interdit rien tout en restant pertinent à chaque instant. Il n’y a aucun défaut ni reproche à lui faire, pas de bémol à porter à son discrédit. Production, mise en son, textes et musique, interprétation, c’est un tel sans-faute sur toute la ligne que Mr Buriez frise l’insolence et peut toiser sans peine les plus grandes formations encore en activité sur l’échiquier des musiques extrêmes. Et vous savez quoi ? On en redemande ! « Manifesto » frappait déjà fort mais cette fois, à la SPINAL TAP, les potards et curseurs ont été poussés à 11. Au final, peu importe que nous soyons en 1985 ou en 2024, LOUDBLAST a toujours d’ancré en lui ce qui fait la différence entre ceux qui suivent les tendances et ceux pour qui tracer leur propre chemin et vivre selon leurs propres règles est comme une seconde nature. Aller de l’avant, toujours de l’avant...

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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