22 novembre 2024, 19:31

LINKIN PARK

"From Zero"

Album : From Zero

Sept ans déjà. Le décès de Chester Bennington nous a tous touchés et a laissé un vide abyssal dans le monde du metal. Mais surtout, LINKIN PARK, porte-étendard d’une jeunesse 2.0 à présent déconnectée, n’existait plus. Dans les années qui suivirent, ma fille et moi débattions fréquemment d’un impossible avenir pour le groupe. La demoiselle, du haut de ses 9 ans, me suggéra le recrutement d’un nouveau chanteur, je lui rétorquais : « Impossible ». Sept ans plus tard, me voilà face à cet improbable uchronie. Alors j’écoute.

Mike Shinoda a déclaré vouloir repartir de zéro, « From Zero » serait les balbutiements d’un tout nouveau groupe. Ce qu’illustrerait cette introduction instrumentale timide. Alors pourquoi garder le nom du groupe qui a secoué le monde à l’aube du millénaire ? Parce que dès "The Emptiness Machine", la sonorité typique de LINKIN PARK résonne à nouveau. Mike mène la danse un long moment, guitares et scratchs en appui, c’est résolument nu-metal, puis il introduit, en lui donnant la parole, Emily Armstrong. Elle est dans la place, celle qui doit combler le vide. Très vite, on comprend qu’il n’est pas question de remplacer Chester, plutôt d’expérimenter une nouvelle voix... pour atteindre une nouvelle voie. Pour ma part, passé la surprise, je trouve aisément mes marques, le duo offre la complémentarité espérée dans un titre au demeurant très entraînant. Le morceau suivant illustre mieux le souhait d’être différent de la ligne historique, par son titre, "Cut The Bridge" coupe en effet les ponts avec le passé canonique. On expérimente, batterie qui claque façon post-punk, guitares minimalistes, et Emily qui occupe plus d’espace, révélant ses différents répertoires avec des screams et des refrains plus modulés. Très immersif, on découvre le potentiel vocal de ce LINKIN PARK 2024. Et plutôt que de chercher à imiter Chester, elle choisit de revisiter les classiques et nouveautés avec les gammes qui sont les siennes.

Arrive "Heavy Is The Crown". On surfe en terrain connu, dualité de la violence des riffs et des breaks mis à nu, mais également dualité des voix, entre le slam de Mike et les hurlements d’Emily. Une excellente baffe sonique. Pour moi, c’est clairement du LINKIN PARK qui bute. Placer juste après, le très pop-rock "Over Each Other" est un peu maladroit de ce fait, car malgré de belles déclinaisons de voix plus engagées qu’enragées, la sauce a du mal à avoir du goût. Idem pour "Overflow", électrique et contemplatif à souhait. Ce qui n’est pas le cas de "Casualty", étrangement placé entre les deux, qui démarre par un cri de guerre, puis lâche une énergie metalcore folle tout azimut,

Dans les moments forts de cet album, "Two Faced" est un incontournable. L’identité de ce LINKIN PARK ressuscité devient ici prégnante, Mike et Emily se renvoient à merveille la balle dans un duel vocal fait de cris et de flow. Dans un metal furieux empli de sillons subtilement scratchés, le titre avance vite et loin, c’est un boulet météor-itique, un "One Step Closer" qui briserait les habitudes autant que les préjugés. "Stained" a de l’âme vague dans son slam, il souffre d’un manque de riffs. Il divise, un côté "The New Divide" ? "IGYEIH" est convaincant, avec son metal minimaliste et rugueux, semblable à du HOLLYWOOD UNDEAD. C’est en douceur et en couplets intimistes que s’achève l’album, sur un beau "Good Things Go ", crépusculaire salutation à la rythmique martiale, comme un protocolaire au revoir. Une fois encore, les voix s’élèvent dans une béatitude qui m’émeut.

LINKIN PARK a-t-il eu raison de revenir ? Evidemment. Nous avons là de belles bombes sonores. Quelques morceaux tièdes aussi, mais qui ont le mérite de permettre à Emily de se présenter, de s’exercer dans ses gammes afin de fixer ses marques et de nous faire découvrir toute l’étendue de son potentiel. Périlleux exercice de style nu-metal certes, avec le pedigree que la bande se trimballe, mais en toute honnêteté le plaisir est là, paré d’un clacissisme renouvelé. Un très beau départ... de zéro. Merci à ma fille pour sa clairvoyance.

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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